dimanche 20 octobre 2019

Jésus était-il un davidide (un descendant du roi David)?

A priori, l'affaire est entendue, Jésus était un davidide: ses généalogies le prouvent, sa naissance à Bethléem et différentes appellations qui se lisent dans les évangiles.

Ces éléments, probants en apparence, ne sont pas aussi fiables qu'on le pourrait le croire. En effet, les pharisiens révèrent les descendants du roi David; une grande partie de leurs dirigeants d'il y deux mille ans comme aujourd'hui sont des descendants réels ou supposés du roi David. On comprend donc très mal les disputes virulentes entre Jésus et les rabbins... 

Les généalogies
C'est déjà le premier problème, au lieu d'y avoir une généalogie, il y en a deux. Aucune des deux ne correspond strictement aux données de l'Ancien Testament. Par exemple, pour Matthieu, Jésus descend de Zorobabel par Salomon; alors que pour Luc, il descend de Zorobabel par Nathan. Enfin, les descendants de Zorobabel sont nommés dans le Livre des Chroniques et il y a absence complète de compatibilité entre ces différentes données. 
J'épargne aux lecteurs les hypothèses qui font de l'une des deux généalogies celle de Marie; en effet, cette information n'est pas justifiée par les évangiles; enfin, le père du père, etc. de Zorobabel ne sait pas être à la fois Nathan et Salomon. 
Une autre hypothèse serait de faire intervenir le lévirat. D'après Matthieu, Joseph est fils Jacob, de Matthan, d'Éléazar, etc.; d'après Luc, Joseph est fils d'Hélie, de Mathat, de Lévi, etc. Pour que le lévirat fonctionne, il faudrait que Héli et Jacob aient le même père, comme Matthan et Mathat pourraient être le même prénom, on va considérer que c'est une variante orthographique du même prénom. Admettons, mais alors pourquoi le père de Matthat/Matthan s'appelle Éléazar chez Matthieu et Levy chez Luc... Bref, cette explication convaincra les convaincus, mais personne d'autre.

Enfin, la généalogie de Joseph dans Luc contient une anomalie (3, 23–24): Joseph est fils d'Héli, de Mathat, de Levy, de Melchi, de Jannée. Melchi pourrait être une erreur pour roi, Jannée est bien le nom d'un roi de Judée, le roi Alexandre Jannée. Jannée est la forme grecque de Yannây, elle-même forme araméenne de Yèhônathan. Alexandre Jannée fut le fils du grand-prêtre Jean Hyrcan et naquit vers –130. Il fut rejeté par son père, mais devint roi et grand-prêtre à la mort de ses deux grands-frères (en –103). Extrêmement sévère, il dut faire face à une vaste révolte provoquée par des pharisiens. Pour ces derniers, la répression fut terrible. Après en avoir fait crucifier 800 d'entre eux, ils préférèrent s'exiler. Jannée mourut en –76. Son épouse prend possession du trône et confie la grande-prêtrise à Hyrcan qui semble le plus maléable des deux. Aristobule succèdera quelques mois à sa mère, mais l'intervention de Pompée en Judée transformera ce pays en province romaine et finalement échoira à Hérode, par la grâce des Romains.
Jannée a eu deux fils: Hyrcan et Aristobule. Hyrcan n'a eu que des filles. Aristobule a eu deux fils: Alexandre Jonathan et Antigone Mathathias. Alexandre Jonathan a eu un fils et une fille, le fils sera assassiné par Hérode à 17 ans et mourra sans postérité connue. Antigone Mathathias est mort aussi sans postérité connue, mais il n'est pas mort à 17 ans mais vers 35 ans... Il peut donc très bien avoir eu une descendance qui aurait été cachée à Hérode afin d'échapper à sa vengeance. Hérode haïssait les hasmonéens et veillera à exterminer tous les membres de cette famille, y compris sa femme et les deux fils qu'il eut avec elle. 
Flavius Josèphe a toujours prétendu que sa mère appartenait à la branche royale de la famille hasmonéenne, ce qui implique que le père de sa mère était d'ascendance hasmonéenne. De toutes les informations qu'il donne, par Hyrcan, il n'y a pas de postérité mâle; par Jonathan Alexandre, il y a un fils qui meurt jeune, et s'il avait eu un fils, Hérode l'aurait certainement fait disparaître. Il ne peut donc y avoir eu descendance hasmonéenne royale que par Antigone Mathathias.
Jonathan Alexandre, Yehônathan, c'est le nom hébreu, Alexandros, c'est le nom dans leurs rapports avec le monde greco-romain. Antigone Mathathias, Mathithyhû, c'est le nom hébreu et Antigonos, c'est le nom dans leurs rapports avec le monde greco-romain. Le nom hébreu d'Aristobule n'est hélas pas documenté, on sait que le nom hébreu d'Aristobule Ier était Yehudah, mais les monnaies ne permettent pas de trancher. 
Reprenons. Joseph est fils d'Héli, fils de Mathat (Antigone Mathathias) fils de Levy (Aristobule) fils du roi (melki) [Alexandre] Jannée. Cette hypothèse ferait de Jésus un prêtre issu des grands-prêtre et des rois de Judée. Enfin, la mère de Flavius Josèphe serait alors la sœur ou la cousine de Jésus; ce qui ferait de Flavius Josèphe, le premier biographe de Jésus, simplement à travers des souvenirs familiaux.

Enfin, rappelons que dans l'Évangile de Jean écrit (7, 42): L'Écriture ne dit-elle pas que c'est de la postérité de David, et du village de Bethléhem, où était David, que le Christ doit venir? On en peut dire plus clairement que Jésus n'est ni né à Bethléem ni un descendant de David. Quand les pharisiens interrogent Jésus sur de qui doit descendre le messie, la réponse de Jésus ne laisse planer aucun doute, il nie une ascendance davidide au messie... (Mt. 22, 41–46; Mc 12, 35–37; Lc 20, 41–44).

La naissance à Bethléem
Malgré qu'elle soit affirmée par Matthieu et par Luc, l'Évangile de Jean la nie. En outre Matthieu situe cette naissance avant la mort d'Hérode, donc avant –4: et Luc situe cette naissance à l'époque du grand recensement, donc en 6. Les deux narrations ressemblent donc à des histoires qui n'ont pas de fondements historiques, des inventions donc.

Les appellations «fils de David» dans les évangiles. 
Cette appellation n'existe pas en Jean et est même niée. Reste les trois synoptiques: Mt., Mc et Lc. Si on excepte les parties préliminaires (Mt. chap. 1–3/Lc chap. 1–3) et la mention du fils de David dans la demande relative à l'ascendance du messie, cette appellation apparaît 6 fois en Mt., 2 fois en Mc et 2 fois en Luc. Le deux mentions de Luc et de Mc sont au même endroit, il s'agit d'un AVEUGLE à Jéricho qui demande à être guéri (Mt. 20, 29–34; Mc 10, 46–53; Lc 18, 35–43) L'épisode est dédoublé chez Mt. (9, 27–30). 
Chez Matthieu, il reste donc quelques apparitions de ce titre:
  • Juste avant d'être accusé de magie. Mt. (12, 23) a Toute la foule étonnée disait, N'est-ce point le fils de David. Luc a seulement (11, 14): Toute la foule fut dans l'admiration. Mc pas de correspondance. 
  • La femme cananéenne appelle Jésus fils de David (Mt. 15, 22); chez Mc, il est juste dit qu'elle vint se jeter à ses pieds. De toute manière, comment une femme inconnue aurait pu savoir qu'il descendait de David. 
  • Quand Jésus entre à Jérusalem, les foules auraient chanté les hoshanoth, qui est un cycle de prière lié à souccot et pas à Pâque... Seul Matthieu dit Hasanna au fils de David (21, 9); ni Mc, ni Lc, ni Jn n'ont cette appellation de fils de David.
  • Quand Jésus aurait chassé les marchands du temple, Seul Matthieu dit que la foule aurait récité Hosanna au fils de David (21, 15); ni Mc ni Lc ne mentionnent rien de tel.

Conclusion
Il n'existe rien qui dans les évangiles établirait avec certitudes que Jésus aurait été un descendant du roi David.
  1. Les deux généalogies ne sont pas compatibles, et le début de celle de Luc décrit plutôt une ascendane hasmonéenne;
  2. La naissance à Bethléem est fictive pour Jean, quant à Mt et Lc ils se contredisent tant sur la date que sur les circonstances. 
  3. Les évangiles synoptiques certifient tous que des aveugles à Jéricho ont appelé Jésus Fils de David... Évidemment, des aveugles qui voient que Jésus est un davidide.
  4. On constate que dans les autres endroits des les parties synoptiques aux passages dans lesquels Matthieu affirme que la foule a appelé Jésus fils de david; ces passages n'existes pas ou diffèrent chez Luc et chez Marc.
  5. Une ascendance hasmonéenne permettrait aussi de comprendre la haine que les pharisiens lui vouaient; en effet, si l'arrière-arrière-grand-père de Jésus est le roi Alexandre Jannée; les pharisiens sont les descendants de ceux que le roi Jannée fit exécuter...  
Le début de la généalogie lucanienne aurait visé à présenter Jésus comme un messie issu d'Aaron; en effet, vers 100, les Romains connaissent les Juifs essentiellement par l'œuvre de Flavius Josèphe,  et ce dernier méprise les davidides dont il ne souffle mot; pour lui, la noblesse juive, c'est celle des prêtres fils d'Aaron... qui, outre les fonctions sacrificielles, sont souvent riches, et ont des fonctions judiciaires et militaires importantes.
La volonté de faire de Jésus un messie davidide serait un remaniement tardif, datant des années 130/135; en vue de faire de Jésus l'anti Bar Kokhbâ considéré comme un descendant du roi David et comme le messie attendu par les Juifs et donc, de montrer à Hadrien, que les chrétiens ne comptent pas se révolter avec les Juifs contre l'Empire romain.


Addenda
Cela fait longtemps que les commentateurs sont intrigués par l'emplacement de la généalogie de Jésus dans l'évangile de Luc; elle est disposée entre le baptême de Jean et la retraite au désert. La principale explication est de dire que Luc a disposé la généalogie à cet endroit, parce que Jésus commençait sa vie publique. Cette affirmation est un non sens, la vie publique ne commence qu'après les tentations. 

Si on suit Flavius Josèphe, Jean a été exécuté quand Antipas occupait la forteresse de Macharonte qu'il venait de conquérir puisqu'elle appartenait à Aretas IV de Petra et qu'elle déterminait la frontière de la Nabatée (à Aretas) et de la Pérée (à Antipas). Cette mention situe la mort de Jean au début de l'été 36. Cela ne laisserait comme moment pour l'exécution de Jésus que la Pâque 37. À cette époque-là, Caipha n'était plus grand-prêtre et avait été remplacé fin 34 par Jonathan ben Hanan; quant à Ponce Pilate, fin 36, le légat consulaire Lucius Vitellius l'avait renvoyé devant Tibère en le mettant en accusation pour ses exactions contre les Samaritains. D'après, cette datation, ni Qaifa ni Pilate n'ont pu juger Jésus. Il faut donc que Jésus ait été jugé et condamné quand Jean était encore en vie, donc vers 33/34. 

Enfin, l'emplacement de la généalogie juste avant les tentations nous renseigne sur l'original des évangiles. Jésus n'est issu d'une naissance miraculeuse, ni non plus ne serait devenu messie lors du baptême de Jean. Jésus est un ascète qui a réalisé une expérience spirituelle pendant se retraite dans le désert de Judée. L'évangile original aurait commencé ainsi: Généalogie de Jésus montrant son ascendance hasmonéenne; sa retraite au désert, les tentations sorte de remaniement des trois filets de Bélial dont Jésus sort triomphant, il commence alors à enseigner. La généalogie de Luc contiendrait alors des éléments historiques fondamentaux.


STEPHAN HOEBEECK








mardi 15 octobre 2019

Jésus est mort un 15 nissan!

Si dans tous les évangiles, Jésus se réunit avec ses disciples juste avant son arrestation, l’Évangile de Jean diffère des synoptiques au sujet de la date. 
Il faut d’abord rappeler que pour les Juifs de l’époque de Jésus, comme pour les Juifs actuels, les jours changent au coucher du soleil. Le jeudi 14 nissan devient au coucher du soleil le vendredi 15 nissan. La fête de Pâque aujourd’hui ne se déroule plus comme à l’époque de Jésus ; en effet, le Temple était encore debout et les sacrifices étaient toujours pratiqués. Les rabbins ont abrogé le sacrifice pascal à cause de l’exil parmi les nations ; les qaraïtes ne partagent pas cet avis et sacrifient un agneau à Pâque. Actuellement, certains rabbins israéliens ont remis ce sacrifice en honneur, mais leurs décisions ne se sont pas généralisées parmi les Juifs. La fête de Pâque à l’époque de Jésus se déroulait ainsi : la journée du 13 nissan et la soirée du 14 nissan, les Juifs enlevaient de leurs maisons tous les ferments ; le matin et le début d’après-midi du 14 nissan, les Juifs suivaient les chants pascals au Temple de Jérusalem. À la neuvième heure du jour, les Juifs sacrifiaient un agneau en souvenir de la libération d’Égypte. Quand le soleil était coucher, commençait le repas pascal et l’agneau était mangé pendant la nuit, les reste étaient consumés avant le lever du soleil. Outre l’agneau, ils mangeaient des herbes amères et du pain sans levain. Ce jour était le premier jour des azymes ou le 15 nissan, c’était aussi une convocation sainte pendant laquelle les mêmes interdits que ceux du sabbat étaient d’application. Pendant, le 14 et le 15 nissan, le Sanhédrin était fermé ; d’abord parce qu’il ne siège que le jour du lever au coucher du soleil et jamais la nuit, excepté si un condamné doit être exécuté au lever du soleil et qu’une preuve l’innocentant aurait été trouvée. Le Sanhédrin ne juge pas le 14 nissan, parce qu’il est présent au Temple pour surveiller les cérémonies pascales et aider les prêtres à vérifier que les agneaux puissent être sacrifiés ; quant au 15 nissan, le Sanhédrin ne peut siéger pendant un sabbat, parce que leur fonction exigerait qu’ils fassent des choses interdites ce jour-là. 
On lit dans les Synoptiques : 
Le premier jour des pains sans levain, les disciples s’adressèrent à Jésus, pour lui dire : « Où veux-tu que nous te préparions le repas de la Pâque ? » (Mt. 26, 17)


Et il envoya deux de ses disciples, et leur dit : « Allez à la ville ; vous rencontrerez un homme portant une cruche d’eau, suivez-le. Quelque part qu’il entre, dites au maître de la maison : “Le maître dit : Où est le lieu où je mangerai la Pâque avec mes disciples ?” Et il vous montrera une grande chambre haute, meublée et toute prête — c’est là que vous nous préparerez la Pâque. » (Mc 14, 13–15) 

Le jour des pains sans levain, où l’on devait immoler la Pâque, arriva, et Jésus envoya Pierre et Jean, en disant : « Allez nous préparer la Pâque, afin que nous la mangions. » (Lc 22, 7–8)
Pour ces trois évangiles, Jésus a partagé le seder pascal le 15 nissan au soir. 
Pour dater la mort de Jésus, dans Jean on dispose des affirmations suivantes :
Avant la fête de Pâque [d’après les Synoptiques, c’est avant], Jésus, sachant que son heure était venue de passer de ce monde au Père, et ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, mit le comble à son amour pour eux. (Jn 13, 1)


Ils conduisirent Jésus de chez Caïphe au prétoire : c’était le matin. Ils n’entrèrent point eux-mêmes dans le prétoire, afin de ne pas se souiller, et de pouvoir manger la Pâque. [Nous sommes dont avant le sacrifice pascal.] (Jn 18, 28) 

C’était la préparation de la Pâque, et environ la sixième heure. Pilate dit aux Juifs : « Voici votre roi. » (Jn 19, 14)
Il ne fait aucun doute que pour les Synoptique, Jésus a mangé avec ses disciples, été arrêté, jugé, condamné, fouetté, crucifié et est mort le 15 nissan. Alors que pour Jean, ces événements ont eu lieu le 14 nissan. 
On a tenté d’expliquer ce problème par un double calendrier, et la découverte d’un calendrier alternatif appliqué par les esséniens a été une aubaine pour expliquer la double datation sans pour autant remettre en cause l’une ou l’autre narration. Celle-ci est simple, Jésus a été crucifié un vendredi 14 nissan suivant le calendrier pharisien ; mais pour les esséniens ce vendredi était le 17/i de leur calendrier. Jésus aurait donc mangé le seder pascal qui était le mercredi 15/i des esséniens qui était le mercredi 12 nissan des pharisiens. Il aurait été déféré au Sanhédrin la journée du mercredi et transféré à Pilate le jeudi 13 nissan au matin. Ce dernier aurait tenté de renvoyer Jésus à Antipas qui n’aurait pas voulu le juger. Pilate l’aurait condamné le jeudi soir. Le vendredi matin Jésus aurait été fouetté et conduit à la crucifixion où il serait mort le même jour. Que cette explication contredise totalement la narration évangélique ne semble pas grave ; en effet, les évangiles ne situent pas ces événements sur plusieurs jours, mais sur un seul. 
La construction de la mort de Jésus un 14 nissan est néanmoins une fantaisie théologique propre à Jean, afin qu’il puisse être identifié à l’agneau pascal. Le rédacteur de cet évangile a conservé plusieurs passage de la version originale pour laquelle la mort de Jésus était conforme aux Synoptiques, savoir qu’il a été exécuté le 15 nissan. 
Quant on lit dans cet évangile, que Jésus reçut du vinaigre à boire alors qu’il était sur la croix, fixé à une branche d’hysope (Jn 19, 28–30), il est clair que pour l’auteur on est le 15 nissan, ou ceci est obligatoire. 
Ou quand on y lit que (Jn 18, 5–11), lorsque les Romains vinrent l’arrêter, et que plusieurs de ses compagnons ont sorti leurs épées afin de le défendre. Jésus leur demande s’ils viennent l’arrêter lui ou lui et ses compagnons. Quand ils lui répondent qu’ils ne viennent que pour lui, Jésus ordonne à ses troupes de rengainer leurs épées et dit qu’il ne résistera pas. Cette scène absente des synoptiques n’a de sens que si on est bien le 15 nissan ; en effet, le 15 nissan est un sabbat. À l’époque de Jésus, si un homme est attaqué un sabbat, il a le droit de se défendre ; mais si son compagnon est attaqué personnellement, il ne peut intervenir en sa faveur et doit, éventuellement, le laisser se faire tuer. Jésus, ayant constaté que les Romains ne viennent arrêter que lui, il ne veut pas que ses compagnons enfreignent le sabbat pour lui et il leur demande donc de ne pas intervenir.
Ces deux exemples montrent que Jésus a bien été arrêté le 15 nissan, la chronologie des synoptiques est seul valable.
Une arrestation le 15 nissan implique quand même un certain nombre de choses. En premier, cette date étant un sabbat, ceux qui l’ont arrêté sont exclusivement des Romains. Il n’est jamais passé devant le Sanhédrin, ni non plus devant Anne, ni devant Antipas. Il a été incarcéré et présenté au petit matin à Pilate. Pilate devait être suffisamment au courant des coutumes juives pour savoir que si Jésus été exécuté à cette seule date, les Juifs n’oseraient pas se révolter. Ils ont donc dû regarder leur messie mourir, c’était pour Pilate une manière de les humilier et de leur montrer que leurs traditions étaient ridicules. Jésus a probablement été fouetté afin que sa mort soit rapide (300 coups sont mortels, en l’absence de soin, ceux qui ont survécu ne vivent que quelques heures), il ne s’agissait pas pour Pilate qu’il soit encore agonisant le 16 nissan. Enfin, il n’a pas été aidé à porter sa croix et l’homme ne revenait certaintement pas des champs, c’était sabbat. 
Quant au calendrier esséniens, j’en ai proposé une analyse dans un ouvrage à paraître en 2020, et les dates du 15/I et du 15 nissan diffèrent chaque fois d’une semaine au moins pendant la période 29 à 34. Le calendrier essénien est un calendrier de 364 jours auquel on ajoute une semaine intercalaire tous les cinq ou six ans. Cette analyse tient compte de la totalité des éléments dont nous disposons dans les textes anciens; elle ne deviendra publique qu'avec l'édition de l'ouvrage (Histoire des Esséniens).
La mort de Jésus ne fait aucun mystère : il était de sang royal, il avait de nombreux disciples et il avait fait du grabuge au Temple, avec le soutien probable des prêtres pauvres, généralement très pieux et regardant l’entrée des marchands dans le Temple comme une profanation. Pour Pilate, il était clair qu’il préparait la révolution en vue de bouter les Romains hors de Judée ; il fallait supprimer le factieux avant que la situation n’échappa complètement au contrôle des Romains et en faisant un minimum de dégâts, c’est-à-dire en le faisant mourir à un moment où les Juifs devraient le regarder mourir sans pouvoir intervenir pour ne pas enfreindre le repos de la Convocation sainte du 15 nissan. 


Quand la première vie de Jésus a été traduite en grec, les traducteurs ont dû se dire que les Romains avaient vraiment le mauvais rôle, et que c’était lui le peuple déicide. Ils ont donc réarrangé l’histoire pour charger le peuple Juif de la mort de Jésus, ancrant l’antisémitisme chrétien pendant presque deux mille ans. Ils ont eu facile, la plupart des païens qui devenaient chrétiens ignoraient tout des coutumes juives, ils ne pouvaient pas savoir que le 15 nissan le Sanhédrin était fermé, et d’autres éléments qui montrent le peu de crédibilité qu’il faut accorder à la narration évangélique. 

— Stephan HOEBEECK


mercredi 11 septembre 2019

Le christianisme de Jésus contre le christianisme des chrétiens...


Le christianisme entend s’imposer sur la base du sacrifice de Jésus seul moyen pour être sauvé. Cette idée est néanmoins fausse. L’Ancien Testament donne une valeur aux sacrifices, mais il faut savoir que dans la réalité juive biblique le recours aux sacrifices pour les purification provenait surtout des prêtres pour lesquels les règles de pureté étaient nettement plus contraignantes que pour les Juifs. Après la destruction du Temple, les chrétiens ont présenté Jésus comme l’unique moyen d’être sauvé, faisant de sa mort un sacrifice permanent qui rachète les fautes. Une telle doctrine n’a rien a voir avec l’enseignement de Jésus. Les Juifs estiment depuis longtemps que les ablutions et le repentir équivalent aux sacrifices, d’autant plus qu’en l’absence du Temple ils n’étaient pas possibles. 
Dieu en Isaïe 1, après avoir constaté les abus dans le recours au sacrifice dit à Son prophète:
16 Lavez-vous, purifiez-vous, écartez de mes yeux l'iniquité de vos actes, cessez de mal faire. 17 Apprenez à bien agir, recherchez la justice; rendez le bonheur à l'opprimé, faites droit à l'orphelin, défendez la cause de la veuve. 18 Oh! Venez, réconcilions-nous, dit l'Eternel! Vos péchés fussent-ils comme le cramoisi, ils peuvent devenir blancs comme neige; rouges comme la pourpre, ils deviendront comme la laine. 19 Si vous consentez à m'obéir, vous jouirez des délices de la terre. 20 Que si vous refusez et vous montrez indociles, vous serez dévorés par le glaive: c'est la bouche de l'Eternel qui le déclare.
Comme on le voit, le repentir, la justice sont autant de choses qui octroient le pardon divin… et c’est même pire, sans ces choses, les sacrifices sont sans valeurs. Jésus le dit aussi (Mt. 5, 23–24): 
Si donc tu présentes ton offrande à l'autel, et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande devant l'autel, et va d'abord te réconcilier avec ton frère; puis, viens présenter ton offrande.
Jésus dit encore dans le même évangile après avoir énoncé le Notre Père (6, 14–15):
Si vous pardonnez aux hommes leurs offenses, votre Père céleste vous pardonnera aussi; mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père ne vous pardonnera pas non plus vos offenses.
Luc écrit encore (11, 39–41):
Vous, pharisiens, vous nettoyez le dehors de la coupe et du plat, et à l'intérieur vous êtes pleins de rapine et de méchanceté. Insensés! celui qui a fait le dehors n'a-t-il pas fait aussi le dedans? Donnez plutôt en aumônes ce qui est dedans, et voici, toutes choses seront pures pour vous.

Bref, il faut faire le bien pour obtenir le pardon des fautes.
On constate d’ailleurs aussi que le baptême avait cette fonction, puisque Luc écrit que Jean prêchait 
le baptême de repentance pour la rémission des péchés.
Flavius Josèphe qui avait été baptiste pendant plusieurs années (son maître Bannous était baptiste) en parle dans ses Antiquités Juives quand il mentionne l’exécution odieuse de Jean par Antipas, il dit (18, 117): 
En effet, Hérode l'avait fait tuer, quoique ce fût un homme de bien et qu'il excitât les Juifs à pratiquer la vertu, à être justes les uns envers les autres et pieux envers Dieu pour recevoir le baptême ; car c'est à cette condition que Dieu considérerait le baptême comme agréable, s'il servait non pour se faire pardonner certaines fautes, mais pour purifier le corps, après qu'on eût préalablement purifié l'âme par la justice. 
Les enseignements fondamentaux de Jésus ne concernent pas son pseudo sacrifice, mais des questions relatives aux convertis et aussi à l’obligation de renoncer à soi-même. L’homme quand il fait le bien, il ne doit en tirer aucune gloire, il doit dire comme en Luc 17, 10: 
Nous sommes des serviteurs inutiles, nous avons fait ce que nous devions faire.
Ou Luc 9, 23:
Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge chaque jour de sa croix, et qu'il me suive.
Ses enseignements sur les obligations que l’homme a face à Dieu ne diffèrent en rien des manuscrits esséniens de Qumran, comme on pourra le comprendre avec les quelques extraits suivants qui proviennent de l’Écrit de Damas (La teneur exacte des Lois par l’enseignant pour les fils de lumières afin qu’ils se gardent des voies d’impiété):
La longanimité (de Dieu) est auprès de lui, ainsi que la plénitude des pardons, afin d’absoudre ceux qui se rétractent du péché. Cependant (il exerce) la force, la puissance et une intense fureur avec des flammes de feu et par tous les anges de destruction contre ceux qui dévient de la voie et abhorrent la prescription, les (laissant) sans reste ni rescapé. (CD II, 4–7)
Ou:
Et maintenant, ô fils, écoutez-moi, et j’ouvrirai vos yeux pour voir et comprendre les œuvres de Dieu ; pour choisir ce qu’Il veut et rejeter ce qu’Il hait ; pour marcher parfaitement 16. dans toutes ses voies et ne pas continuer dans les pensées d’un penchant coupable et (avec) des yeux luxurieux, car plusieurs se perdirent dans ceux-ci. Des héros vaillants trébuchèrent (même) à cause de ceux-ci depuis des temps anciens et jusqu’à maintenant. Quand ils eurent marchés dans l’obstination de leur cœur, les Vigilants des cieux tombèrent ; ils tinrent bien dans cela car ils n’avaient pas observé les commandements de Dieu. Et leurs fils, qui (sont) aussi hauts (que) des cèdres majestueux et dont les corps (sont) comme les montagnes, tombèrent également. Toute chair qui était sur la terre sèche, elle mourut aussi, et ils furent comme s’ils n’avaient jamais été, parce qu’ils avaient fait leur (propre) volonté et n’avaient pas observé les commandements de leur Créateur, jusqu’à ce que Sa colère s’enflamme sur eux. (CD II, 14–21)
Il serait possible de multiplier à l’infini les citations des écrits piétistes juifs de l’Antiquité dans lesquels s’enracine le message original de Jésus; avant que ses disciples peu avisés ajoutent des folies comme sa prétendue divinité, sa prétendue naissance miraculeuse et le prétendu salut qu’offre sa mort.

On ne doit pas tout critiquer, si l’histoire est mythique, le christianisme a nettement tenté de rehausser la morale des païens. Néanmoins sa doctrine du salut a mené à des impasses, par exemple, le pardon accordé aux prêtres pédophiles… Alors que Jésus dit qu’il vaudrait mieux leur mettre une pierre autour du cou et les jeter dans la mer…  Les hommes n’avaient pas confiance en Dieu, il leur fallait un intermédiaire, alors ils ont eu Jésus; puis ils n’ont plus eu confiance en Jésus, alors ils ont eu la vierge Marie…. 
Amis chrétiens, Dieu est notre Père à tous, ayez confiance en Lui, Il n’oublie personne.

Bref, si Jésus fut un enseignant, les évangiles ont des sens cachés, ils expliquent certains secrets spirituels sous un langage imagé; malheureusement, ce langage a fait croire aux chrétiens à une dimension historique de ces écrits; alors qu’ils ont une dimension spirituelle seule véritablement importante. Enfin, les rédacteurs chrétiens des évangiles en grec ont soigneusement caché que pour Jésus, les non-juifs avaient une mission, celle de devenir des nazaréens qui amèneraient progressivement le monde à baser ses lois sur la Torah; les chrétiens ont clairement failli en écoutant cette sirène de Paul qui leur a fait croire que la Loi était quelque chose d’inutile, alors que c’est le fondement et la finalité du message de Jésus…

Enfin, Jésus a certainement été de son vivant un çaddik, quelqu'un qui prenait les fautes des autres sur lui; afin que leur vie en soi facilitée et que leur repentir soit plus facile...