mardi 15 octobre 2019

Jésus est mort un 15 nissan!

Si dans tous les évangiles, Jésus se réunit avec ses disciples juste avant son arrestation, l’Évangile de Jean diffère des synoptiques au sujet de la date. 
Il faut d’abord rappeler que pour les Juifs de l’époque de Jésus, comme pour les Juifs actuels, les jours changent au coucher du soleil. Le jeudi 14 nissan devient au coucher du soleil le vendredi 15 nissan. La fête de Pâque aujourd’hui ne se déroule plus comme à l’époque de Jésus ; en effet, le Temple était encore debout et les sacrifices étaient toujours pratiqués. Les rabbins ont abrogé le sacrifice pascal à cause de l’exil parmi les nations ; les qaraïtes ne partagent pas cet avis et sacrifient un agneau à Pâque. Actuellement, certains rabbins israéliens ont remis ce sacrifice en honneur, mais leurs décisions ne se sont pas généralisées parmi les Juifs. La fête de Pâque à l’époque de Jésus se déroulait ainsi : la journée du 13 nissan et la soirée du 14 nissan, les Juifs enlevaient de leurs maisons tous les ferments ; le matin et le début d’après-midi du 14 nissan, les Juifs suivaient les chants pascals au Temple de Jérusalem. À la neuvième heure du jour, les Juifs sacrifiaient un agneau en souvenir de la libération d’Égypte. Quand le soleil était coucher, commençait le repas pascal et l’agneau était mangé pendant la nuit, les reste étaient consumés avant le lever du soleil. Outre l’agneau, ils mangeaient des herbes amères et du pain sans levain. Ce jour était le premier jour des azymes ou le 15 nissan, c’était aussi une convocation sainte pendant laquelle les mêmes interdits que ceux du sabbat étaient d’application. Pendant, le 14 et le 15 nissan, le Sanhédrin était fermé ; d’abord parce qu’il ne siège que le jour du lever au coucher du soleil et jamais la nuit, excepté si un condamné doit être exécuté au lever du soleil et qu’une preuve l’innocentant aurait été trouvée. Le Sanhédrin ne juge pas le 14 nissan, parce qu’il est présent au Temple pour surveiller les cérémonies pascales et aider les prêtres à vérifier que les agneaux puissent être sacrifiés ; quant au 15 nissan, le Sanhédrin ne peut siéger pendant un sabbat, parce que leur fonction exigerait qu’ils fassent des choses interdites ce jour-là. 
On lit dans les Synoptiques : 
Le premier jour des pains sans levain, les disciples s’adressèrent à Jésus, pour lui dire : « Où veux-tu que nous te préparions le repas de la Pâque ? » (Mt. 26, 17)


Et il envoya deux de ses disciples, et leur dit : « Allez à la ville ; vous rencontrerez un homme portant une cruche d’eau, suivez-le. Quelque part qu’il entre, dites au maître de la maison : “Le maître dit : Où est le lieu où je mangerai la Pâque avec mes disciples ?” Et il vous montrera une grande chambre haute, meublée et toute prête — c’est là que vous nous préparerez la Pâque. » (Mc 14, 13–15) 

Le jour des pains sans levain, où l’on devait immoler la Pâque, arriva, et Jésus envoya Pierre et Jean, en disant : « Allez nous préparer la Pâque, afin que nous la mangions. » (Lc 22, 7–8)
Pour ces trois évangiles, Jésus a partagé le seder pascal le 15 nissan au soir. 
Pour dater la mort de Jésus, dans Jean on dispose des affirmations suivantes :
Avant la fête de Pâque [d’après les Synoptiques, c’est avant], Jésus, sachant que son heure était venue de passer de ce monde au Père, et ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, mit le comble à son amour pour eux. (Jn 13, 1)


Ils conduisirent Jésus de chez Caïphe au prétoire : c’était le matin. Ils n’entrèrent point eux-mêmes dans le prétoire, afin de ne pas se souiller, et de pouvoir manger la Pâque. [Nous sommes dont avant le sacrifice pascal.] (Jn 18, 28) 

C’était la préparation de la Pâque, et environ la sixième heure. Pilate dit aux Juifs : « Voici votre roi. » (Jn 19, 14)
Il ne fait aucun doute que pour les Synoptique, Jésus a mangé avec ses disciples, été arrêté, jugé, condamné, fouetté, crucifié et est mort le 15 nissan. Alors que pour Jean, ces événements ont eu lieu le 14 nissan. 
On a tenté d’expliquer ce problème par un double calendrier, et la découverte d’un calendrier alternatif appliqué par les esséniens a été une aubaine pour expliquer la double datation sans pour autant remettre en cause l’une ou l’autre narration. Celle-ci est simple, Jésus a été crucifié un vendredi 14 nissan suivant le calendrier pharisien ; mais pour les esséniens ce vendredi était le 17/i de leur calendrier. Jésus aurait donc mangé le seder pascal qui était le mercredi 15/i des esséniens qui était le mercredi 12 nissan des pharisiens. Il aurait été déféré au Sanhédrin la journée du mercredi et transféré à Pilate le jeudi 13 nissan au matin. Ce dernier aurait tenté de renvoyer Jésus à Antipas qui n’aurait pas voulu le juger. Pilate l’aurait condamné le jeudi soir. Le vendredi matin Jésus aurait été fouetté et conduit à la crucifixion où il serait mort le même jour. Que cette explication contredise totalement la narration évangélique ne semble pas grave ; en effet, les évangiles ne situent pas ces événements sur plusieurs jours, mais sur un seul. 
La construction de la mort de Jésus un 14 nissan est néanmoins une fantaisie théologique propre à Jean, afin qu’il puisse être identifié à l’agneau pascal. Le rédacteur de cet évangile a conservé plusieurs passage de la version originale pour laquelle la mort de Jésus était conforme aux Synoptiques, savoir qu’il a été exécuté le 15 nissan. 
Quant on lit dans cet évangile, que Jésus reçut du vinaigre à boire alors qu’il était sur la croix, fixé à une branche d’hysope (Jn 19, 28–30), il est clair que pour l’auteur on est le 15 nissan, ou ceci est obligatoire. 
Ou quand on y lit que (Jn 18, 5–11), lorsque les Romains vinrent l’arrêter, et que plusieurs de ses compagnons ont sorti leurs épées afin de le défendre. Jésus leur demande s’ils viennent l’arrêter lui ou lui et ses compagnons. Quand ils lui répondent qu’ils ne viennent que pour lui, Jésus ordonne à ses troupes de rengainer leurs épées et dit qu’il ne résistera pas. Cette scène absente des synoptiques n’a de sens que si on est bien le 15 nissan ; en effet, le 15 nissan est un sabbat. À l’époque de Jésus, si un homme est attaqué un sabbat, il a le droit de se défendre ; mais si son compagnon est attaqué personnellement, il ne peut intervenir en sa faveur et doit, éventuellement, le laisser se faire tuer. Jésus, ayant constaté que les Romains ne viennent arrêter que lui, il ne veut pas que ses compagnons enfreignent le sabbat pour lui et il leur demande donc de ne pas intervenir.
Ces deux exemples montrent que Jésus a bien été arrêté le 15 nissan, la chronologie des synoptiques est seul valable.
Une arrestation le 15 nissan implique quand même un certain nombre de choses. En premier, cette date étant un sabbat, ceux qui l’ont arrêté sont exclusivement des Romains. Il n’est jamais passé devant le Sanhédrin, ni non plus devant Anne, ni devant Antipas. Il a été incarcéré et présenté au petit matin à Pilate. Pilate devait être suffisamment au courant des coutumes juives pour savoir que si Jésus été exécuté à cette seule date, les Juifs n’oseraient pas se révolter. Ils ont donc dû regarder leur messie mourir, c’était pour Pilate une manière de les humilier et de leur montrer que leurs traditions étaient ridicules. Jésus a probablement été fouetté afin que sa mort soit rapide (300 coups sont mortels, en l’absence de soin, ceux qui ont survécu ne vivent que quelques heures), il ne s’agissait pas pour Pilate qu’il soit encore agonisant le 16 nissan. Enfin, il n’a pas été aidé à porter sa croix et l’homme ne revenait certaintement pas des champs, c’était sabbat. 
Quant au calendrier esséniens, j’en ai proposé une analyse dans un ouvrage à paraître en 2020, et les dates du 15/I et du 15 nissan diffèrent chaque fois d’une semaine au moins pendant la période 29 à 34. Le calendrier essénien est un calendrier de 364 jours auquel on ajoute une semaine intercalaire tous les cinq ou six ans. Cette analyse tient compte de la totalité des éléments dont nous disposons dans les textes anciens; elle ne deviendra publique qu'avec l'édition de l'ouvrage (Histoire des Esséniens).
La mort de Jésus ne fait aucun mystère : il était de sang royal, il avait de nombreux disciples et il avait fait du grabuge au Temple, avec le soutien probable des prêtres pauvres, généralement très pieux et regardant l’entrée des marchands dans le Temple comme une profanation. Pour Pilate, il était clair qu’il préparait la révolution en vue de bouter les Romains hors de Judée ; il fallait supprimer le factieux avant que la situation n’échappa complètement au contrôle des Romains et en faisant un minimum de dégâts, c’est-à-dire en le faisant mourir à un moment où les Juifs devraient le regarder mourir sans pouvoir intervenir pour ne pas enfreindre le repos de la Convocation sainte du 15 nissan. 


Quand la première vie de Jésus a été traduite en grec, les traducteurs ont dû se dire que les Romains avaient vraiment le mauvais rôle, et que c’était lui le peuple déicide. Ils ont donc réarrangé l’histoire pour charger le peuple Juif de la mort de Jésus, ancrant l’antisémitisme chrétien pendant presque deux mille ans. Ils ont eu facile, la plupart des païens qui devenaient chrétiens ignoraient tout des coutumes juives, ils ne pouvaient pas savoir que le 15 nissan le Sanhédrin était fermé, et d’autres éléments qui montrent le peu de crédibilité qu’il faut accorder à la narration évangélique. 

— Stephan HOEBEECK


1 commentaire:

  1. Bonjour Lisez https://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A2que_quartod%C3%A9cimaine

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