dimanche 26 juin 2016

Le problème de Luc 2, 22–24: Jésus Qohen: à la recherche du Jésus historique.

Voyons d'abord le passage dans l'Évangile de Luc 2, 22–24:
22. Et, quand les jours de leur purification furent accomplis, selon la loi de Moïse, Joseph et Marie le portèrent à Jérusalem, pour le présenter au Seigneur — 23. suivant ce qui est écrit dans la loi du Seigneur : Tout mâle premier-né sera consacré au Seigneur (Ex. 13, 2) —, 24. et pour offrir en sacrifice deux tourterelles ou deux jeunes pigeons (Lv. 12, 8), comme cela est prescrit dans la loi du Seigneur.
Passage problématique, puisque Luc mélange la cérémonie de purification que doit faire une femme après une naissance avec le pidyon haben
Dans le judaïsme, la femme est considérée comme impure pendant les sept jours qui suivent la naissance d’un garçon (quatorze pour une fille), et elle est considérée comme à moitié impure pendant trente-trois jours (soixante-six pour une fille). Le verset 24 qui contient une citation de Lévitique 12, 8, se réfère à l’offrande qui doit être faite pour cette purification (Lévitique 12, 1–8) : 
L’Éternel parla à Moïse en ces termes : « Parle ainsi aux enfants d’Israël : lorsqu’une femme, ayant conçu, enfantera un mâle, elle sera impure durant sept jours, comme lorsqu’elle est isolée à cause de sa souffrance. Au huitième jour, on circoncira l’excroissance de l’enfant. Puis, trente-trois jours durant, la femme restera dans le sang de purification : elle ne touchera à rien de consacré, elle n’entrera point dans le saint lieu, que les jours de sa purification ne soient accomplis. Si c’est une fille qu’elle met au monde, elle sera impure deux semaines, comme lors de son isolement ; puis, durant soixante-six jours, elle restera dans le sang de purification. Quand sera accompli le temps de sa purification, pour un garçon ou pour une fille, elle apportera un agneau d’un an comme holocauste, et une jeune colombe ou une tourterelle comme expiatoire, à l’entrée de la Tente d’assignation, et les remettra au pontife. Celui-ci les offrira devant le Seigneur, fera expiation pour elle, et elle sera purifiée du flux de son sang. Telle est la règle de la femme qui enfante, qu’il s’agisse d’un garçon ou qu’il s’agisse d’une fille. Si ses moyens ne lui permettent pas d’offrir un agneau, elle prendra deux tourterelles ou deux jeunes colombes, l’une pour holocauste, l’autre pour expiatoire; et le pontife fera expiation pour elle, et elle sera purifiée. » 
La cérémonie à laquelle fait allusion le verset 23 est celle de la consécration de premier-né comme qohen, or cette consécration a été annulée à cause du péché du veau d’or et remplacée par le pidyon haben ou rachat du premier-né. Cette cérémonie se fait le 31e jour après la naissance de l’enfant, et elle consiste à offrir cinq sicles d’argent à un qohen (descendant d’Aaron), parce que ceux-ci ont dû assumer entièrement le sacerdoce à la place des fils aînés de chaque tribu. Il a dû exister des consécrations des qohens et des fils de qohens aux époques anciennes, celles-ci ont probablement subsisté jusqu’à la destruction du Deuxième Temple. Notons que les qohens et les fils de qohens ne sont pas rachetés, de même les lévites. Cette cérémonie ne concerne que le premier-né et non les autres enfants, Jésus est donc le premier-né de Joseph.

Conclusion: 
  • Luc a mélangé plusieurs cérémonies. 
  • La purification de la mère et uniquement de la mère qui se fait le 41e jours après la naissance.
  • Il a aussi confondu la consécration des premiers-nés qui fut remplacée par le rachat des premiers-nés et qui se déroule le 31e jour après la naissance de l’enfant. 
  • Si Jésus a été consacré au Temple, alors il est qohen fils de qohen. 
  • Si la cérémonie est celle du pidyon haben, alors Jésus est bien l’aîné de la famille, et donc ses frères et ses sœurs sont issus de Joseph et de Marie et non, comme on le dit parfois, qu’ils seraient les fils d’un premier mariage de Joseph; puisqu’alors ce serait l’aîné, des frères de Jésus auraient été rachetés à la place de Jésus.

vendredi 17 juin 2016

De l'inutilité du salut

Coup de gueule contre ceux qui tuent les supposés débauchés en général et les homosexuels en particulier au nom de la religion.

Le christianisme et l'islam ne sont pas à féliciter d'avoir inventé l'idée de salut; enfin, elles ne font que suivre l'ancienne religion égyptienne dont les constructeurs bâtissaient pour le pharaon des monuments certes magnifiques, mais qui n'avaient d'autre but que de permettre à ce dernier, lors de sa mort, de faire entrer les égyptiens dans le monde paradisiaque, c'est-à-dire de leur accorder un salut post mortem.
On chercherait en vain dans la Bible (Ancien Testament) le moindre passage sur les récompenses ou sur les punitions de l'après vie... Et il convient de se demander pourquoi? La révélation de Dieu à Israël ne vise pas à un salut, mais à Se rendre approchable pendant que l'homme vit ici bas. Approcher la sainteté de Dieu exige pour l'homme une certaine pureté, de là les commandements éthiques de la Bible autant que les règles de pureté (circoncision, interdits alimentaires, etc.) Si les hébreux d'il y a trois mille ans avaient eu la moindre intention d'un salut post mortem, ils l'auraient mentionné. Ceux-ci sortaient d'Égypte, un pays où il faut être mort pour contempler les dieux; quand on est vivant, on ne peut voir que leurs images.
Dans le jugement final que l'on lit en Matthieu, (25, 31–46), on ne lit pas que les hommes seront jugés ou non sur leur croyance en Jésus, mais bien qu'ils seront jugés sur leur justice et sur leur injustice...  Dans le pauvre Lazare en Luc (16, 19–31), on lit que le pauvre qui a grandement souffert pendant sa vie sera consolé, alors que le riche est puni et souffre les tourments. Si le pauvre est consolé, c'est que son statu est provisoire, il est facile d'imaginer qu'une âme qui a subi des tourments sans nombre pendant sa vie ait besoin d'être consolée afin qu'elle puisse continuer sa progression vers le monde divin; le riche est puni de ses fautes par les anges de destruction, quand sa punition est terminée, il reprend lui aussi sa route vers le monde divin. Imaginer qu'un homme serait jugé éternellement sur base de quelques décennies passées ici-bas frise l'absurdité... Excepté pour des hommes ayant commis des crimes majeurs ou fautes contre Dieu: celles-ci sont peu nombreuses, et la Bible les explique assez bien: il y les tentatives de forcer les mondes spirituels par des moyens technologiques (tour de Babel), il y le métissage entre les entités spirituelles et les femmes, qui ont engendré les géants ou nefilim (déluge) et, si on suit, le Livre des Géants dont des fragments ont été retrouvé à Qumran, la terre fut détruite à cause de la corruption des géants, c'est-à-dire qu'ils mélangeaient les espèces entre elles, ce qui n'est pas sans rappeler ce que nous appelons aujourd'hui OGM. Notons encore trois crimes contre Dieu, ceux qui commettent des génocides, non seulement contre les hommes, puisque les peuples appartiennent à Dieu même s'ils ne le savent pas, mais aussi ceux qui détruisent des espèces animales ou végétales (je pense à plusieurs espèces animales qui sont éteintes ou en voie d'extinction); il y a enfin ceux qui polluent la terre, puisque la terre appartient à Dieu... 
La morale sexuelle n'a de sens que pour l'homme et que pour la femme qui veulent approcher Dieu. On attaque souvent les homosexuels, par contre on ne dit rien concernant l'homme qui trompe sa femme et qui a une aventure d'un soir, or c'est nettement plus grave que l'homosexualité puisque l'homme a pris des engagements valides envers son épouse. J'ai aussi en mémoire la célèbre Boutin qui fulmine contre les homosexuels d'après la Bible, et qui oublie que quelques versets plus haut, la Bible condamne tout autant, et avec bien plus de raison, ceux et celles qui épousent leur cousin au premier degré. Dans la Bible, les prescriptions anti-homosexualités sont indiquées en Lévitique et en Deutéronome, or on oublie un peu vite que le code lévitique est en rapport avec les prêtres qui servent au Temple et que le code deutéronomique est en rapport avec les laïcs qui veulent se consacrer à Dieu. Les lois humaines ont raison de condamner la pédophilie qui est répugnante tant d'après les lois divines qu'humaines, l'homosexualité c'est une toute autre question qui ne concerne que des choix individuels. Et si l'homosexualité est condamnée pour le prêtre, toute hypersexualisation, comme faire des partouzes hétérosexuelles, est tout aussi problématique. L'homme ou la femme qui se consacre à l'hypersexualité qu'elle qu'en soit la forme aura tendance à fréquenter le bas-astral quand il vise le haut astral, et même si ce n'est pas une loi absolue, le risque est bien réel... non parce que l'homme fait des fautes mais parce que ces fautes sont autant de distractions, sans importance dans la vie de tous les jours, mais très importantes dans la recherche de la connaissance de Dieu. 

Il y a quelques années des centaines de milliers de français sont descendus pour s'opposer au mariage pour tous, pourtant ils auraient été mieux inspirés de descendre dans les rue pour s'opposer aux OGM, pour s'opposer à la pollution, pour s'opposer à l'extinction de nombreuses espèces, surtout qu'ils se prétendaient croyants et qu'ils sont censés savoir que les crimes les plus graves concernent justement ces sujets, QUI SONT COLLECTIFS, et non des questions sexuelles QUI SONT INDIVIDUELLES.

Concernant le salut, rappelons que le salut post mortem est sans importance et ouvert à tous les hommes et toutes les femmes qui n'ont pas assassiné, ni commis des fautes majeures. Le salut véritable, c'est approcher la sainteté de Dieu dans cette vie-ci, une telle quête ne sait pas être obligatoire, et tant chaque homme que chaque femme a le libre choix de la suivre ou non; il devra quand même se souvenir qu'une telle quête est difficile. 

— Stephan HOEBEECK


lundi 13 juin 2016

Jésus a-t-il accompli la Torah et ainsi abrogé la Torah?

Cet article comprendra une seconde partie qui est une critique de l'Épître aux Galates.
Les chrétiens répètent en permanence que la Torah est abolie, parce que Jésus l'aurait accomplie. Or à y regarder de plus près, on peut constater que c'est loin d'être le cas. Cette accomplissement de la Torah par Jésus est crucial pour les chrétiens, parce que cela leur permet de justifier l'abandon de la circoncision. Ces discussions comportent de nombreuses arrières-pensées; en effet, si Jésus a accompli la Torah, le judaïsme est aboli; si Jésus n'a pas accompli la Torah, c'est le christianisme qui est au moins en partie aboli.

Le gros argument pour affirmer la rupture du christianisme et du judaïsme est tiré des évangiles. En Matthieu 5, 17–20 nous lisons:
17. Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes; je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir (πληρόω). 18. Car, je vous le dis en vérité, tant que le ciel et la terre ne passeront point, il ne disparaîtra pas de la loi un seul iota ou un seul trait de lettre, jusqu'à ce que tout soit arrivé (ἕως ἂν πάντα γένηται).
Mélangeant les évangiles, ils s'empressent de mettre ce passage en rapport avec l'Évangile de Jean qui dit (19, 28–30):
28. Après cela, Jésus, qui savait que tout était déjà accompli (ἤδη πάντα τετέλεσται), dit, afin que l'Écriture fût accomplie (τελειωθῇ): J'ai soif. 29. Il y avait là un vase plein de vinaigre. Les soldats en remplirent une éponge, et, l'ayant fixée à une branche d'hysope, ils l'approchèrent de sa bouche. 30. Quand Jésus eut pris le vinaigre, il dit: c'est accompli (Τετέλεσται). Et, baissant la tête, il rendit l'esprit.
Notons immédiatement que les similitudes sont réelles en français, mais bien moins frappantes en grec, puisque Matthieu utilise les verbes plèroô et gignomaï alors que Jean utilise teleô; ces verbes ont des sens similaires mais pas identiques. Ainsi τελέω, teleô a le sens d'accomplir, d'exécuter, de finir, mais aussi d'être initié; πληρόω, plèroô a le sens de remplir, combler, compléter, accomplir; et γίγνομαι, gignomaï a le sens de naître, devenir.

Notons en premier que Jean est le seul à préciser que Jésus dit cela au moment de sa mort.
Matthieu dit (27, 46–52):
46. Et vers la neuvième heure, Jésus s'écria d'une voix forte: Éli, Éli, lama sabachthani? c'est-à-dire: Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné? 47. Quelques-uns de ceux qui étaient là, l'ayant entendu, dirent: Il appelle Élie. 48. Et aussitôt l'un d'eux courut prendre une éponge, qu'il remplit de vinaigre, et, l'ayant fixée à un roseau, il lui donna à boire. 49. Mais les autres disaient: Laisse, voyons si Élie viendra le sauver. 50. Jésus poussa de nouveau un grand cri, et rendit l'esprit.
Marc dit (15, 34–37):
34. Et à la neuvième heure, Jésus s'écria d'une voix forte: Éloï, Éloï, lama sabachthani? ce qui signifie: Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné? 35. Quelques-uns de ceux qui étaient là, l'ayant entendu, dirent: Voici, il appelle Élie. 36. Et l'un d'eux courut remplir une éponge de vinaigre, et, l'ayant fixée à un roseau, il lui donna à boire, en disant: Laissez, voyons si Élie viendra le descendre. 37. Mais Jésus, ayant poussé un grand cri, expira.
Luc dit (23, 46):
46. Jésus s'écria d'une voix forte: Père, je remets mon esprit entre tes mains. Et, en disant ces paroles, il expira.
Comme on peut le constater, tous les évangiles diffèrent sensiblement:

  • Jean: Jésus demande à boire; 
  • Matthieu et Marc: Jésus invoque Dieu; 
  • Luc ne dit rien de cela.
  • Jean: Jésus dit que tout est accompli; 
  • Matthieu et Marc disent qu'il poussa un cri et expira; 
  • Luc dit que Jésus a dit qu'il remettait son esprit entre les mains du Père et expira. 

Première remarque: l'Évangile de Jean est le plus complexe des évangiles, il fut de nombreuses fois réécrits (Boismard compte jusqu'à 5 mains différentes), amputés, augmentés, mutilés, refaçonnés, réarrangés, etc. Ce que tous les théologiens sont aussi d'accord d'admettre, c'est que l'Évangile de Jean a plus tendance que les autres évangiles à théologiser, c'est-à-dire, non à raconter une histoire vue, mais plutôt à réécrire l'histoire d'un point de vue théologique, ce qui est d'autant plus problématique que les différents participants à son élaboration avaient tous des points de vue très différents. Autrement dit, l'idée que Jésus aurait dit en mourant C'est accompli est très probablement fausse; les versions de Matthieu-Marc (le râle avant de mourir) ou la parole d'après Luc sont nettement plus vraisemblables.
Venons-en au passage de Matthieu. Au verset 17, au lieu de traduire par accomplir, il serait plus simple de traduire par compléter. En fait, dans la tradition juive il existe plusieurs écoles qui ont des points de vue différents sur la prophétie. Pour les pharisiens et pour les sadducéens, la prophétie a cessé; lorsque des cas non prévus par le Loi se présentent, les pharisiens disent qu'il faut suivre la tradition orale, alors que les sadducéens estiment qu'il faut rester le plus proche de la lettre de la loi; c'est d'ailleurs aussi ce qu'estiment les Esséniens, mais pour ces derniers, la prophéties continue, autrement dit, ils estiment que des prophètes vont venir à des intervalles réguliers compléter les parties non encore révélées de la Loi.
La question qu'il convient de préciser, c'est pourquoi Jésus dit qu'il ne vient pas pour abolir la Loi? En fait, la réponse est très complexe. Soit on admet que le Discours sur la montagne a été fait au début de sa prédication et alors on ne comprend pas trop pourquoi il le dit; soit on pense que le discours sur la montagne regroupe différents enseignements, et alors on pourrait supposer que Jésus a dit cette parole parce qu'il aurait affirmé quelque chose qui contredisait la Torah, mais comme nous ignorons quoi, nous ne pourrions nous engager sur cette voie que s'il n'existe aucune autre explication. Or il en existe une, qui correspond en plus au verset au 18. Si l'on se réfère à la tradition ésotérique juive, quand le monde prendra fin, la Loi sera abolie, parce que les humains deviendront comme des anges et alors ils se comporteront naturellement bien, parce que le mauvais penchant (l'Esprit de perversion des manuscrits esséniens) aura été anéanti. Jésus dit donc simplement dans ce passage que les temps qui verront la restauration du monde ne sont pas encore arrivé, mais qu'il va entre temps préciser certains passages problématiques de la Torah sans pour autant contrevenir à la lettre de la Torah. L'expression jusqu'à ce que tout soit arrivé, signifie simplement l'accomplissement du royaume messianique réel, c'est-à-dire quand les cieux et la terre auront été remplacés par de nouveaux cieux et une nouvelle terre. Le sens des versets est donc:
17. Ne croyez pas que je sois venu pour [annoncer que] la Torah est abolie (ou les prophètes, tradition secondaire); je suis venu non pour abolir (au sens d'annoncer l'imminence de la fin des temps), mais pour remplir (au sens de donner de nouvelles instructions). 18. Car, je vous le dis en vérité, tant que le ciel et la terre ne passeront point, il ne disparaîtra pas de la loi un seul iota ou un seul trait de lettre, jusqu'à ce que la fin des temps soit venue.
Comme on le voit, le sens exact dit le contraire de ce qu'on pense habituellement; on prend ce genre de passage comme si Jésus ne s'adressait pas à des Juifs qui connaissent leurs traditions, on croit qu'ils ont été écrits pour des non-juifs qui ne connaissent pas le judaïsme, et on arrive seulement à des contre-sens. Jésus s'inscrit parfaitement dans la tradition juive. Nous sommes face aux évangiles comme des gens de l'an 3000 qui trouveraient un livre avec l'expression «casser sa pipe», et qui se demanderaient qu'elle pourrait avoir été l'importance du fait qu'une pipe soit cassée ou non. Si ces chercheurs devaient finalement trouver un dictionnaire d'argot, ils comprendraient alors que «casser sa pipe», signifie simple «mourir». Les chrétiens font tout pour comprendre Jésus comme s'il avait été un non-juif qui s'adressait à des non-juifs; alors que Jésus était un Juif qui enseignait à des Juifs, et qui plus est, des Juifs formés dans leurs traditions.
En plus, comme nous avons pu le constater, Jean s'est complètement fourvoyé dans cet accomplissement qu'il a supposé à Jésus. La fin des temps n'est pas arrivé, la Loi est donc toujours d'actualité.
Dans notre interprétation, nous avons supposé que le passage a été bien transmis et bien traduit, ce qui n'est pas certain, puisque Marcion prétendait qu'il avait eu dans son original que Jésus affirmait qu'il était venu abolir la Loi, sans autres précisions; et l'Évangile des Ébionites affirme que Jésus a dit qu'il était venu abolir les sacrifices, aussi sans autres précisions. Dans le premier cas, cela pourrait signifier qu'il était venu abolir certaines traditions orales erronées; dans le second, le passage est trop imprécis, mais pourrait rappeler l'injonction de Rabbi Shammay qu'il fallait abolir les sacrifices en faveur de l'Empereur de Rome, si tel était le cas, cela montrerait bien le caractère nationaliste de Jésus.

vendredi 10 juin 2016

Un prophète comme Moïse! — Réflexions sur Deutéronome 18, 15–17

En Deutéronome 18, 15–22, est annoncé un prophète comme Moïse. Ce passage est considéré par les chrétiens comme annonçant Jésus et par les musulmans comme annonçant Muhammad, ces deux opinions sont évidemment sans fondement et dénotent plus la volonté de trouver de pseudo-preuves que d'analyser lucidement et objectivement le texte.
Mais avant tout, examinons le passage (traduction du rabbinat français):
15 C'est un prophète sorti de tes rangs, un de tes frères (comme moi), que l'Éternel, ton Dieu, suscitera en ta faveur: c'est lui que vous devez écouter! 16 Absolument comme tu l'as demandé à l'Éternel, ton Dieu, au mont Horeb, le jour de la convocation, quand tu as dit: «Je ne veux plus entendre la voix de l'Éternel, mon Dieu, et ce feu intense, je ne veux plus le voir, de peur d'en mourir». 17 et le Seigneur me dit alors: «Ils ont bien parlé. 18 Je leur susciterai un prophète du milieu de leurs frères, tel que toi, et je mettrai mes paroles dans sa bouche, et il leur dira tout ce que je lui ordonnerai. 19 Et alors, celui qui n'obéira pas à mes paroles, qu'il énoncera en mon nom, c'est moi qui lui demanderai compte! 20 Toutefois, si un prophète avait l'audace d'annoncer en mon nom une chose que je ne lui aurais pas enjoint d'annoncer, ou s'il parlait au nom d'une divinité étrangère, ce prophète doit mourir. 21 Mais, diras-tu en toi-même: “comment reconnaîtrons-nous la parole qui n'émane pas de l'Éternel?” 22 Si le prophète annonce de la part de l'Éternel une chose qui ne saurait être, ou qui n'est pas suivie d'effet, cette annonce n'aura pas été dictée par l'Éternel; c'est avec témérité que le prophète l'a émise, ne crains pas de sévir à son égard.»
Le passage est assez complexe parce que le texte mélange ce que Dieu a dit à Moïse (verset 18) et les ajouts que Moïse fait quand il s'exprime au peuple (verset 15), c'est la raison pour laquelle nous avons entouré de parenthèses l'expression «comme moi» qui se trouve dans le verset 15, on retrouve sa forme originale dans le verset 18, où Dieu dit à Moïse: «tel que toi». 
Un prophète du milieu de leurs frère. Il faut d'abord comprendre par «un prophète» qu'il n'y a pas d'article défini, par exemple si le texte avait eu LE prophète du milieu de ses frères, le sens aurait été complètement différent.
Par un prophète, il ne faut donc pas entendre un prophète déterminé ou précis, mais n'importe quel prophète. Ce qui est confirmé par le verset 20 qui dit:
Toutefois si un prophète avait l'audace d'annoncer, etc.
Dans le cas d'une traduction française, il serait plus judicieux d'utiliser le pluriel des prophètes, plutôt qu'un singulier factice qui complique la compréhension, même si avec le verset 20, il est assez clair qu'il y aura plusieurs prophètes, des vrais et des faux comme nous le verrons. Une traduction plus correcte serait donc:
Je susciterai pour eux des prophètes du milieu de leurs frères... 
Et la suite précise que certains de ces prophètes seront de vrais prophètes et d'autres de faux prophètes.
Avant d'aborder la raison pour laquelle il est écrit de leurs frères dans le verset 18 et non de tes frères, comme la logique l'aurait voulue, il me faut aborder la question des faux prophètes.   
Dans le verset 20, il est dit que les faux prophètes diront des choses au nom de Dieu, mais que Dieu ne lui a pas enjoint d'annoncer ou parlerait aux noms d'autres dieux. Parler au nom d'autres dieux est facile à comprendre, mais comment déterminer qu'une parole prophétique vient bien de Dieu? Dans le verset 22, nous avons donné la traduction publiée par le rabbinat français, mais en réalité le texte est particulièrement opaque, il dit approximativement: 
Ce qu'annoncera le prophète au nom de Dieu et la parole (qui) ne sera pas et (qui) ne viendra pas (de Dieu), et la parole, (celle) que Dieu n'a pas dite, le prophète l'a dite avec arrogance, et tu ne le craindras pas.
 Les ajouts entre parenthèses sont de nous afin d'en faciliter la compréhension. Le mot important est «arrogance», en hébreu zadûn. Ce mot n'apparaît que deux fois dans le Pentateuque, en Deutéronome justement, d'ailleurs au chapitre précédent, en Deutéronome 17, 8–13 qui dit:
8 Si tu es impuissant à prononcer sur un cas judiciaire, sur une question de meurtre ou de droit civil, ou de blessure corporelle, sur un litige quelconque porté devant tes tribunaux, tu te rendras à l'endroit qu'aura choisi l'Éternel, ton Dieu; 9 tu iras trouver les pontifes, descendants de Lévi, ou le juge qui siégera à cette époque; tu les consulteras, et ils t'éclaireront sur le jugement à prononcer. 10 Et tu agiras selon leur déclaration, émanée de ce lieu choisi par l'Éternel, et tu auras soin de te conformer à toutes leurs instructions. 11 Selon la doctrine qu'ils t'enseigneront, selon la règle qu'ils t'indiqueront, tu procéderas; ne t'écarte de ce qu'ils t'auront dit ni à droite ni à gauche. 12 Et celui qui, téméraire en sa conduite (zadûn), n'obéirait pas à la décision du pontife (haqohen) établi là pour servir l'Éternel, ton Dieu, ou à celle du juge (hashofèt), cet homme doit mourir, pour que tu fasses disparaître ce mal en Israël; 13 afin que tous l'apprennent et tremblent, et n'aient plus pareille témérité.
Il est donc assez clair que les hommes n'ont pas les capacité de déterminer par eux-même qui est prophète, mais que quelqu'un doit le décider pour eux, quelqu'un qui examinera les paroles du prophètes, quelqu'un qui est très certainement et prioritairement un qohen (probablement au sens du grand-prêtre) et qui déterminera si l'homme en question est bien un prophète ou non. On peut supposer que le qohen utilisera des méthodes scriptuaires (vérification de la conformité des propos du prophète avec la Torah) et des méthodes oraculaires vraisemblablement liées aux urim et thummim. Rappelons que tout qohen descendant d'Aaron est considéré comme porteur d'une bénédiction prophétique et que le grand-prêtre est toujours un prophète.
Cette vérification par un qohen gadol est rendue nécessaire par la demande des Israélites au verset 16:
Je ne veux plus entendre la voix de l'Éternel, mon Dieu, et ce feu intense, je ne veux plus le voir, de peur d'en mourir.
Quand la voix de l'Éternel se manifestait dans le feu intense et terrifiant, les paroles prophétiques qu'énonçaient Moïse et Aaron ne faisaient aucun doute. Mais l'absence de cette manifestation a rendu nécessaire un système de contrôle conservé par les fils d'Aaron. 

Mais pourquoi, Dieu dit à Moïse un de leurs frères et que Moïse rend par un de tes frère comme moi... Le passage biblique doit s'entendre par rapport à la contestation de Qorah qui réclamait que soit appliqué comme il était prévu avant l'affaire du veau d'or que tous le peuple accède à la prêtrise, ou au moins les aînés, et que la prêtrise ne soit pas réservée aux seuls lévites, pour être plus précis aux lévites aaronides... En effet, s'il était réfusé aux lévites un territoire propre, ils percevaient d'innombrables prélèvements sacerdotaux... C'est ainsi que le Midrash Tanhouma, repris dans Nombres Rabba dit que Qorah pour rallier le peuple contre Moïse et Aaron argumenta comme suit:
Une veuve habitait avec ses deux filles. Elle possédait seulement un petit champ, juste assez grand pour les nourrir péniblement. Alors que la veuve commençait à labourer son champ, Moïse lui dit: «Fais attention de ne pas labourer en attelant un âne et un bœuf ensemble car il est ordonné: “Ne laboure pas avec un bœuf ou un âne attelés ensemble.”» Lorsqu’elle voulut semer, Moïse la prévint encore: «Il est ordonné: “Ne pas semer ton champ de graines hétérogènes.”». Lorsqu’elle voulut récolter, Moïse l’avertit: «Ne glane pas les épis tombés», et: «Ne retourne pas prendre les gerbes oubliées», et enfin: «Ne moissonne pas les coins de ton champ.» Au moment d’engranger son blé, Moïse lui demanda de prélever la térouma-maaseer pour le prêtre (1%); le maasser rishone pour le lévite (10%) et enfin le maasser chéni, (10 % des récoltes des 1ère, 2e, 4e et 5e année du cycle de la shemitah qui devait être consommé dans le Sanctuaire). La veuve en conclut qu’il n’était pas rentable pour elle de garder son lopin de terre. Elle vendit son champ et acheta deux brebis dans l’espoir de vivre du commerce de la laine. Lorsque les brebis mirent bas, Aaron exigea leur premier-né puisque: «Consacre à l’Éternel ton premier-né parmi ton gros et ton menu bétail.» Plus tard, lors de la tonte, Aaron demanda la première toison: «Tu lui donneras .. la première toison de ton bétail.» N’y tenant plus, la veuve ayant du mal à vivre après tous ces prélèvements, elle décida d’égorger ses brebis. Immédiatement Aaron exigea sa part: «l’épaule, les mâchoires et l’estomac.» — «Puisqu’il en est ainsi, je vais consacrer ce qui me reste au Sanctuaire» dit la veuve. Aaron lui dit: «À présent, donne-moi tout car: “Tout ce qu’Israel déclare consacré t’appartiendra.”»
Bref, la révolte de Qorah est due à la charge que les prêtres représentent pour le peuple. Notons que les arguments du Midrash Tanhouma sont certainement les opinions des pharisiens qui entrèrent en rébellion contre le roi de Judée Alexandre Jannée, mais je reviendrai ailleurs sur les implications fiscales contenues dans le Rouleau du Temple (voir http://dss.collections.imj.org.il/temple qui reproduit le manuscrit et http://www.editionsducerf.fr/librairie/livre/799/la-bibliotheque-de-qumran-3a dans lequel il est transcrit et traduit.)
La révolte de Qorah implique une récrimination que ceux de la tribu de Lévy se taillent la part du gâteau tout en ne possédant pas de territoire.
Le chapitre XVIII du Deutéronome se divise en trois parties. Dans la première (18, 1–8), il est question prélèvements dus aux lévites et aux Qohen; dans la seconde (18, 9–14), il est question des abominations des habitants de Canaan comme la divination et la magie; et dans la troisième partie, il est question du prophète comme Moïse. Ce passage montre qu'il devait y avoir des récriminations contre les lévites et les qohens, et ce passage dit simplement que si les privilèges du culte sont réservés à la tribu de Lévy et plus particulièrement aux descendants d'Aaron, la prophétie sera l'apanage de n'importe quel israélite quelque soit sa tribu, c'est pourquoi Dieu en s'adressant à Moïse dit de leurs frères; en effet, si Dieu avait dit à Moïse de tes frères, on aurait pu supposer que Dieu réservait la prophétie à la seule tribu de Lévy. Si on suit ce qui est écrit en Deutéronome 17, 14–15, qui dit:
14 Quand, arrivé dans le pays que l'Éternel, ton Dieu, te donne, tu en auras pris possession et y seras bien établi, si tu dis alors: «Je voudrais mettre un roi à ma tête, à l'exemple de tous les peuples qui m'entourent», 15 tu pourras te donner un roi, celui dont l'Éternel, ton Dieu, approuvera le choix: c'est un de tes frères que tu dois désigner pour ton roi; tu n'auras pas le droit de te soumettre à un étranger, qui ne serait pas ton frère.
Ce passage implique qu'un roi doit obligatoirement être Juif, sauf s'il est devenu un frère pour les Juifs, ce qui implique qu'il doit se convertir ou au moins être respectueux du culte. Notons que Ruth aurait dû être considérée comme une prophétesse, mais les rabbins en ont décidé autrement. Exclure Ruth de la prophétie s'est s'interroger sur la présence de son livre dans la Bible; Ruth était non juive par le sang, mais juive par la fraternité, elle est aussi la grand-mère du roi David.

Conclusion:
Le prophète comme Moïse n'est ni Jésus ni Muhammad (encore que Jésus pourrait l'être et à moins que Muhammad ne soit juif, ce n'est pas lui); le prophète comme Moïse est n'importe quel prophète qui surgira après lui et ce sans distinction de tribu. Ce passage s'inscrit simplement dans le contexte des tensions entre descendants de Lévy et Juifs des onze autre tribus. Le fait que Dieu ne se manifeste plus directement et par des signes évidents, quoique terrifiant, implique que le peuple n'est pas apte à décider qui est prophète ou qui ne l'est pas. Si pour certains faux prophètes, il est facile de les repérer, puisqu'ils disent d'adorer d'autres dieux; pour d'autres, c'est moins évident à déceler et ce n'est pas au peuple à décider qui est prophète mais aux seuls aaronides et plus particulièrement au grand-prêtre qui sera chargé de déterminer la véridicité du prophète ou non, éventuellement (quoique ce ne soit pas précisé par le texte) par les urim et les thummim. Le passage implique aussi que tous les grands-prêtres sont des prophètes (notons qu'une grande partie des prophètes de la Bible sont des aaronides). Le passage dit enfin que la qualité de la prophétie n'est pas diminuée par son mode de transmission (directement à Moïse, par l'Esprit-Saint aux autres prophètes), et que quelque soit le mode de transmission de la révélation prophétique, les prophètes sont équivalents. 

Notons que Flavius Josèphe considère qu'un prophète comme Moïse est un prophète qui est prophète, grand-prêtre et qui possède l'autorité souveraine, ce qui ne correspond chez Flavius Josèphe qu'aux hasmonéens et plus particulièrement à Jean Hyrcan, prophète, grand-prêtre et prince de Judée... et dans une moindre mesure à son fils Alexandre Jannée...

Notons encore que pour les samaritains le prophète comme Moïse est le messie qui vient à la fin des temps instaurer le règne de Dieu; en effet, les Samaritains ne reconnaissent aucuns prophètes après Moïse...
  

— Stephan HOEBEECK

mardi 7 juin 2016

Les Béatitudes d'Hénoch

On connaît les Béatitudes ou Macarismes de Jésus dans les évangiles de Matthieu et de Luc; on connaît bien moins celles qui sont contenues dans les différentes versions du Livre d'Hénoch.

Les Béatitudes du Testament d’Hénoch (Hénoch slavon, chapitre XLII):
Heureux qui craint le nom du Seigneur et qui servira sans cesse devant sa face et réglera les dons, offrandes de vie, et vivra sa vie et mourra. Heureux qui fera un jugement juste, vêtira d’une robe l’homme nu et donnera du pain à l’affamé. Heureux qui jugera un jugement juste pour l’orphelin et la veuve et qui portera aide à toute victime de l’injustice. Heureux qui s’écarte de la voie du changement et marche dans les voies droites. Heureux qui sème les semences de justice, car il les moissonnera au sextuple. Heureux en qui est la vérité, et qui dit la vérité à son prochain. Heureux qui a sur les lèvres la piété et la douceur. Heureux qui comprendra les œuvres du Seigneur et le glorifiera, et à cause de ses œuvres connaîtra l’artisan.
Béatitudes et malédictions du Testament d’Hénoch (Hénoch slavon, chapitre LII):
Heureux qui ouvre son cœur aux louanges et loue le Seigneur; Maudit qui ouvre son cœur à l’outrage et aux calomnies contre son prochain. Heureux qui ouvre sa bouche pour bénir et glorifier le Seigneur; Maudit qui ouvre sa bouche pour la malédiction et pour le blasphème à la face du Seigneur. Heureux qui glorifie toutes les œuvres du Seigneur; Maudit qui outrage la création du Seigneur. Heureux qui regarde les travaux de ses mains pour les accroître; Maudit qui regarde à effacer les travaux des autres. Heureux qui garde les fondements des premiers pères; Maudit qui détruit les règles et limites de ses pères. Béni qui plante la paix; Maudit qui abat les pacifiques. Béni qui parle paix, et qui possède la paix; Maudit qui parle paix, quand il n’y a pas de paix dans son cœur. Tout cela se dénoncera dans la balance et dans le livre au jour du grand Jugement.
Les Béatitudes des Paraboles d'Hénoch (Livre d'Hénoch, chapitre LVIII):
Heureux êtes-vous, ô justes et élus, car votre part est glorieuse. Les justes seront dans la lumière du soleil, et les élus dans la lumière d’une vie éternelle; et les jours de leur vie seront sans fin, les jours des saints seront sans nombre. Ils chercheront la lumière et ils trouveront la justice auprès du Seigneur des esprits; paix aux justes au nom du Seigneur du monde! Après cela il sera dit aux saints dans le ciel de chercher les secrets de la justice, partage de la foi, car elle brille comme le soleil sur l’aride et les ténèbres ont disparu. Et il y aura une lumière qui ne se peut évaluer, et ils n’entreront pas dans un nombre (limité) de jours, car auparavant les ténèbres auront été dissipées, la lumière aura été affermie devant le Seigneur des esprits, et la lumière de vérité aura été affermie pour toujours devant le Seigneur des esprits.
Béatitude du Livre des Luminaires (Livre d'Hénoch, chapitre LXXXI):
Heureux l’homme qui meurt juste et bon, et contre lequel n’est écrit ni trouvé un livre d’injustice au jour du jugement.
Les Béatitudes selon Matthieu (5, 3–12):
Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux! Heureux les affligés, car ils seront consolés! Heureux les débonnaires, car ils hériteront la terre! Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés! Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde! Heureux ceux qui ont le coeur pur, car ils verront Dieu! Heureux ceux qui procurent la paix, car ils seront appelés fils de Dieu! Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des cieux est à eux! Heureux serez-vous, lorsqu'on vous outragera, qu'on vous persécutera et qu'on dira faussement de vous toute sorte de mal, à cause de moi. Réjouissez-vous et soyez dans l'allégresse, parce que votre récompense sera grande dans les cieux; car c'est ainsi qu'on a persécuté les prophètes qui ont été avant vous.
Les Béatitudes selon Luc (6, 20b–26):
Heureux vous qui êtes pauvres, car le royaume de Dieu est à vous! Heureux vous qui avez faim maintenant, car vous serez rassasiés! Heureux vous qui pleurez maintenant, car vous serez dans la joie! Heureux serez-vous, lorsque les hommes vous haïront, lorsqu'on vous chassera, vous outragera, et qu'on rejettera votre nom comme infâme, à cause du Fils de l'homme! Réjouissez-vous en ce jour-là et tressaillez d'allégresse, parce que votre récompense sera grande dans le ciel; car c'est ainsi que leurs pères traitaient les prophètes. Mais, malheur à vous, riches, car vous avez votre consolation! Malheur à vous qui êtes rassasiés, car vous aurez faim! Malheur à vous qui riez maintenant, car vous serez dans le deuil et dans les larmes! Malheur, lorsque tous les hommes diront du bien de vous, car c'est ainsi qu'agissaient leurs pères à l'égard des faux prophètes!
Bonne méditation.

  • Le Testament d'Hénoch a été vraisemblablement composé en hébreu en –100 et 0, et traduit en grec, ce texte ne survit qu'en vieux slavon et pour un fragment copte daté du IIe siècle.
  • Les Paraboles d'Hénoch et le Livre des Luminaires sont des parties du Livre d'Hénoch qui regroupe plusieurs textes et qui n'existe plus qu'en éthiopien. 









Oui, la Torah est utile pour les chrétiens!!

Cette affirmation est celle que suggère différents passages du Nouveau Testament aux chrétiens qui le lisent, sa rare utilité aurait été juste de prédire la venue de Jésus. 

Nous ne pouvons souscrire à une telle affirmation pour plusieurs raisons. D'abord cette conclusion n'est énoncée nulle part dans les évangiles, même si en quelques endroits celle-ci est suggérée; ensuite, celui qui l'affirme est Paul, sous prétexte que la Loi ne sauve pas.

Paul quand il dit que le salut provient seulement de Jésus, se contente de plagier Philon d'Alexandrie qui affirme que la salut provient du Verbe-Logos (identifié à Jésus par Jean et Paul), mais ce que Paul oublie dans les affirmations de Philon c'est que la Torah prépare l'homme à être sauvé par le Logos. Paul fait partie de ces gens qui croient que la progression spirituelle se fait de rien à tout, un peu comme Athéna qui sort armée et adulte du crâne de Zeus. 

Le rejet de la Torah par le Nouveau Testament est en réalité une concession des chrétiens à l'Empire romain. En effet, l'État romain considérait que la Torah faisait obstacle à l'application du droit romain, puisqu'elle contient un droit concurrent en quelque sorte. En plus, l'État romain considérait que la Torah poussait les Juifs et les judaïsants à se révolter contre Rome. Les Romains reprochaient encore aux Juifs et aux judaïsants qu'en suivant la Torah, ils contrevenaient aux lois romaines. En effet, à partir de 130, la circoncision est assimilée dans le droit romain à une castration et donc interdite, elle ne redeviendra légale que sous le règne d'Antonin le Pieux et encore, pas complètement, puisqu'elle reste interdite aux convertis au judaïsme; elle n'est donc autorisée qu'aux bébés nés de parents Juifs. Enfin, la Torah poussait les Juifs et les judaïsants à adopter des mœurs différentes de celle de l'ensemble du monde romain: les Romains ne se reposent pas le septième jour, ils ne se reposent jamais d'ailleurs, et donc, le repos du sabbat est pour eux une simple fainéantise; ils sont tout autant critiques sur les pratiques alimentaires juives et sur les règles de pureté qui obligent les Juifs à s'isoler des autres citoyens romains. 

Et soudainement vint le christianisme qui affirme croire au même Dieu que les Juifs, qui abroge la Torah assimilée à un Ancien Testament, autrement dit qui oblige les chrétiens à être fidèles à Rome, à ne plus pratiquer la circoncision, à ne plus se reposer le jour du sabbat et à ne plus s'isoler pour pratiquer des règles de pureté. 

À bien y regarder, si l'Empire romain avait dû constituer un judaïsme pacifique envers Rome, il n'aurait pas été très différent du christianisme. 

En plus, comme dans le christianisme, Jésus est le messie et qu'il est déjà venu, plus besoin de suivre un faux messie comme bar kokheba qui a fait une dure révolte contre Rome.

Lorsqu'on lit bien les évangiles, on constate que Jésus reproche aux pharisiens d'avoir des prescriptions orales qui s'opposent à la lettre de la Torah, et qu'il rejette pour cette raison; si Jésus défend l'interprétation littérale de la Torah, il est clair qu'il ne l'abroge pas.

On a trouvé quelques fragments d'un évangile inconnu que l'on a appelé évangile d'Egerton, du nom de son propriétaire. Sans entrer dans les détails de ce texte, tous les critiques sont d'accord pour admettre qu'il s'agit d'un pré-évangile qui date des années 120–140 (notons que les savants chrétiens tentent au mépris de la réalité de ce texte de la faire passer pour un document qui daterait des années 50, en effet comment expliquer qu'en 120–140 circule un évangile primitif, alors que les quatre évangiles sont censés déjà circuler depuis plus de 60 ans. Plusieurs passages des évangiles montrent qu'ils contiennent des allusions à la seconde guerre judéo-romaine et prouve que les évangiles ne prirent leur forme définitive qu'après 140.) Mais revenons à l'évangile d'Egerton qui contient l'histoire du lépreux guéri par Jésus que l'on retrouve en Marc 1, 40–45, Matthieu 8, 2–4 et Luc 5, 12–16. Néanmoins, plusieurs différences existent entre le papyrus d'Egerton et les versions des synoptiques. Dans le papyrus d'Egerton, Jésus ne touche pas le lépreux, il se tient à distance et le guérit à distance. La Torah interdit à un homme de s'approcher d'un lépreux et a fortiori de le toucher. Dans le cas où Jésus touche le lépreux, il renie la Torah, dans le cas où il le guérit à distance, il se conforme pleinement aux prescriptions de la Torah et donc la confirme. 

D'autres passages montrent les réécritures dans les évangiles, nous pensons par exemple aux moments pour jeûner (Mt 9, 14–15; Mc 2, 18–20 et Luc 5, 33–35), en effet la conclusion de Jésus n'a guère de sens, la question est pourquoi ses disciples ne jeûnent-ils pas à ce moment précis, or on sait que le judaïsme est en tension entre écoles sur des questions de calendrier: les uns estiment qu'il faut suivre le calendrier solaire les autres estiment qu'il faut suivre un calendrier luni-solaire. 

On peut aussi songer à la discussion sur les épis arrachés pendant le sabbat (Matthieu 12, 1–8; Mc 2, 23–28; et Luc 6, 1–5), plusieurs spécialistes ont montré que la discussion n'a guère de sens et estiment que la discussion primitive ne concernait pas le fait d'arracher des épis pendant le sabbat, mais bien d'arracher des épis pendant la période de l'omer (dite des sept sabbats) et d'en manger avant que la part réservée au Temple ait été prélevée. Il est facile de comprendre qu'il s'agit en réalité d'hommes qui étaient affamés et qui avaient le besoin absolu et immédiat de manger. La décision de Jésus ressemble à celle de Mathathias qui a estimé qui si les Juifs sont attaqués pendant le sabbat, ils peuvent défendre leur vie dans le plein sens du terme; en effet, des Juifs pendant la révolte contre les Séleucides en –167 avaient été attaqués par les troupes syriennes et avaient été tués sans qu'ils se défendent parce que c'était le sabbat. Sa décision consiste à dire que l'homme peut manger si sa vie est menacée même si cela diminue les prélèvements envers le Temple. La partie finale: le fils de l'homme est maître même du sabbat, devait plutôt être quelque chose comme la vie est plus importante que les prélèvements du Temple. Il ne s'agit pas d'une remise en cause de la Torah, mais simplement d'une divergence interprétative entre exégètes juifs (Jésus d'un côté, les pharisiens de l'autre.)

Comme on le voit les réécritures des évangiles ont progressivement affirmé que la Torah ne devait pas être suivie par les chrétiens, parce qu'elle serait devenue inutile; mais de telles affirmations ne correspondent pas à l'enseignement original de Jésus. Dans le conflit entre les partisans de Jacques et ceux de Paul, c'est certes Paul qui a gagné, mais sa victoire n'est pas conforme aux enseignements de Jésus. 

Je peux néanmoins admettre que la terreur que faisaient peser les autorités romaines sur ceux qui judaïsaient ait pu pousser certains responsables à chercher un compromis, mais aujourd'hui ce compromis n'est plus utile: la circoncision n'est plus interdite, le sabbat n'est plus proscrit, et si les gens veulent manger en se conformant à des règles alimentaires, cela fait partie de leur libre choix. Les chrétiens devraient donc veiller à restaurer ce qui a été faussé et à se conformer à l'enseignement original, plutôt qu'à celui des copies falsifiées. Ces quelques passages montrent que les premiers chrétiens obéissaient à la Torah et que son rejet par les chrétiens postérieurs n'est pas justifié.

Mais à quoi sert la Torah? En effet, les chrétiens pour y revenir doivent aussi comprendre que la Torah n'est pas qu'une loi, mais une véritable méthode pour le rapprocher de Dieu. En effet, le judaïsme par la Torah définit des rythmes sacrés dans l'année liés aux fêtes agricoles; mais aussi indique les règles des purifications spirituelles et corporelles qui permettent à l'homme de se rapprocher de Dieu. En effet qui voudrait servir du bon vin dans un verre sale et souillé par la boue: personne. Quand on reçoit une bonne bouteille de vin, on prend ses plus beaux verres, on les nettoie même s'ils sont propres afin de profiter au mieux de l'arôme du vin, et enfin on le boit. Les prescriptions de la Torah ne sont en rien différentes, elles font que l'homme devient un réceptacle adéquat à la présence divine. La prière n'est pas suffisante, le rythme de vie est aussi important, l'ingestion de nourritures conformes aux prescriptions édictées par Dieu à Moïse sont autant de méthodes qui favorisent ce retour de l'homme à Dieu.

Certains se diront que l'auteur de l'article est peut-être juif, et qu'il tenterait de judaïser le christianisme. Et non, ni mes parents, ni mes grands-parents, ni mes arrières-grands-parents ne sont juifs, et même plus loin, ce n'est pas non plus le cas. Par contre, j'ai lu les évangiles et la Bible, et j'ai trouvé de nombreux préceptes dans les évangiles qui apparaissent comme des réécritures en vue de séparer les chrétiens des Juifs. Je peux admettre que les autorités chrétiennes aient choisi cette voie en vue de préserver les chrétiens pendant les persécutions anti-juives d'Hadrien, mais aujourd'hui ces persécutions sont terminées, cela fait donc depuis longtemps que les chrétiens auraient dû revenir à plus de judaïsme, mais ils ne l'ont pas fait, peut-être est-il temps de changer. 

Si on lit le Talmud, on constate qu'il y a une opposition à reconstituer l'État judéen ou d'Israël. Aujourd'hui, de nombreux Juifs ont compris que les rabbins avaient écrit de tels propos parce que le peuple juif sortait de trois révoltes (66–70; 115–118; et 132–135) qui avaient vu les populations juives être divisées par 10 (les Juifs sont passés de 5 millions en 50 à moins de cinq cent mille en 150); il était donc urgent pour les rabbins de décourager tout aventurisme indépendantiste qui mettrait en péril les communautés juives déjà menacées en de nombreux endroits. Mais aujourd'hui, après la shoah, il était évident que la recréation de l'État d'Israël était une nécessité, et les décisions talmudiques qui interdisaient de recréer l'État d'Israël ont ainsi été, à juste raison, abrogées.

Le véritable christianisme ou christianisme original n'est pas celui des Églises chrétiennes, mais bien le nazaréisme qu'il appartient à chaque chrétien de vouloir ou non reconstituer. 

Le christianisme est entré en pleine déliquescence: les Églises se vident, le message n'est plus compris, et le christianisme ressemble souvent à un socialisme croyant, voire à un club. Nous pensons que le christianisme a encore un avenir; mais le christianisme de demain, ce sera moins de Jésus et plus de Torah. Le christianisme se contente de sauver après la mort, alors que la pratique de la Torah rend l'homme participant à la vie divine dès cette vie-ci. 

De toute manière, la question à laquelle il appartient à chaque chrétien de répondre est la suivante: si la Torah vient de Dieu pourquoi n'est elle pas pratiquée par les chrétiens. Et si ils pensent qu'elle ne vient pas de Dieu, pourquoi la conserver, et que penser de Jésus qui s'appuie entièrement sur la Torah. Dieu changerait-il d'avis??????



Il est peut-être aussi temps d'appeler l'Ancien Testament par son nom, Tanak: la Loi, les prophètes et autre écrits (historiques, liturgiques, sapientiaux, etc.) et ainsi de mettre fin au mépris dans lequel il est tenu.