samedi 13 juin 2015

Les sadducéens

Les sadducéens s’appellent en hébreu les tzadûkîm (צדוקים); il est difficile de savoir si leur nom se réfère à Tzadôq, le premier des grands-prêtres d’Israël dont les descendants remplirent cette fonction jusqu’au Macchabées, ou si leur nom se réfère à l'exercice de la justice.

Les sources 
Flavius Josèphe dira d'eux dans La Guerre des Juifs (Livre II, chapitre VIII, §14):
Quant à la seconde secte [après celle des pharisiens], celle des Sadducéens, ils suppriment absolument le destin et prétendent que Dieu ne peut ni faire, ni prévoir le mal; ils disent que l'homme a le libre choix du bien et du mal et que  chacun, suivant sa volonté, se porte d'un côté ou de l'autre. Ils nient la persistance de l'âme après la mort, les châtiments et les récompenses de l'autre monde. Les Pharisiens se montrent très dévoués les uns aux autres et cherchent à rester en communion avec la nation entière. Les Sadducéens, au contraire, sont, même entre eux, peu accueillants, et aussi rudes dans leurs relations avec leurs compatriotes qu'avec les étrangers. Voilà ce que j'avais à dire sur les sectes philosophiques des Juifs.
Il dira encore dans Les Antiquités Juives (Livre XVIII, Chapitre I, §4):
La doctrine des Sadducéens fait mourir les âmes en même temps que les corps, et leur souci consiste à n'observer rien d'autre que les lois. Disputer contre les maîtres de la sagesse qu'ils suivent passe à leurs yeux pour une vertu. Leur doctrine n'est adoptée que par un petit nombre, mais qui sont les premiers en dignité. Ils n'ont pour ainsi dire aucune action ; car lorsqu'ils arrivent aux magistratures, contre leur gré et par nécessité, ils se conforment aux propositions des Pharisiens parce qu'autrement le peuple ne les supporterait pas.
Dans les évangiles, ils sont mentionnés, en association avec les pharisiens, comme voulants éprouver Jésus (Matthieu 16, 1–4); On lit en Matthieu 22, 23–33 (similaire en Marc 12, 18–24 et en Luc 20, 27–36):
Le même jour, les sadducéens, qui disent qu’il n’y a point de résurrection, vinrent auprès de Jésus, et lui firent cette question: «Maître, Moïse a dit : Si quelqu’un meurt sans enfants, son frère épousera sa veuve, et suscitera une postérité à son frère. Or, il y avait parmi nous sept frères. Le premier se maria, et mourut; et, comme il n’avait pas d’enfants, il laissa sa femme à son frère. Il en fut de même du second, puis du troisième, jusqu’au septième. Après eux tous, la femme mourut aussi. À la résurrection, duquel des sept sera-t-elle donc la femme? Car tous l’ont eue.» Jésus leur répondit: «Vous êtes dans l’erreur, parce que vous ne comprenez ni les Écritures, ni la puissance de Dieu. Car, à la résurrection, les hommes ne prendront point de femmes, ni les femmes de maris, mais ils seront comme les anges de Dieu dans le ciel.  Pour ce qui est de la résurrection des morts, n’avez-vous pas lu ce que Dieu vous a dit : Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, et le Dieu de Jacob ! Dieu n’est pas Dieu des morts, mais des vivants.» La foule, qui écoutait, fut frappée de l’enseignement de Jésus.
En Actes des Apôtres 5, 16–18, l'auteur mentionne que les sadducéens firent emprisonner des apôtres, et qu'un ange les fit évader. En Actes 23, 6–8, nous lisons:
Paul, sachant qu’une partie de l’assemblée était composée de sadducéens et l’autre de pharisiens, s’écria dans le sanhédrin: Hommes frères, je suis pharisien, fils de pharisien ; c’est à cause de l’espérance et de la résurrection des morts que je suis mis en jugement. Quand il eut dit cela, il s’éleva une discussion entre les pharisiens et les sadducéens, et l’assemblée se divisa. Car les sadducéens disent qu’il n’y a point de résurrection, et qu’il n’existe ni ange ni esprit, tandis que les pharisiens affirment les deux choses.
Tous ces discours sont caricaturaux, mais nous apprennent de nombreuses choses sur les sadducéens. Ils sont scripturalistes, et donc interprètent la loi sans se référer aux traditions orales. Ils sont principalement issus du monde sacerdotal, il semble que la majorité des qohanîm furent sadducéens. Nous savons enfin par Flavius Josèphe et cela est confirmé par le Talmud, que les sadducéens ne pouvaient pas appliquer leurs interprétations des lois lors des sacrifices gravides.

Un document trouvé à Qumran et intitulé 4MMT, pour grotte 4, Miqtsath ma'asè thorah, en français Quelques décisions légales relative à la Torah décrit plusieurs lois que la Communauté de Qumran considérait comme valide en opposition avec celles des pharisiens. Ils interdisaient les sacrifices d'animaux gravides, alors que les pharisiens les interdisaient; et nous aurions tendance à leur donner raison, parce que dans la décision suivante, ils disent que si un animal après avoir été sacrifié est découvert gravide, le sacrifice est néanmoins saint. Les pharisiens ont probablement cru que, si le sacrifice accidentel d'un animal gravide est valide, le sacrifice d'animaux dont il est déterminé qu'ils sont gravides avant le sacrifice seraient aussi saints. Ce n'est évidemment pas le cas. Les autres cas flagrants de contradictions entre pharisiens et loi écrite sous prétexte de loi orale ont amené les plus intransigeants des sadducéens à quitter le service du Temple, ce sont eux les esséniens. D'autres acceptèrent de se plier à la halakah pharisienne et restèrent en poste.

Notons qu'il ne faut pas voir une séparation radicale entre sadducéens et esséniens. Il est plus vraisemblable qu'entre –50 et 70, les décisions sadducéennes furent appliquées quand les sadducéens avaient le pouvoir, on peut supposer alors que les esséniens revenaient accomplir le service du Temple, et les décisions pharisiennes quand ils avaient le pouvoir, et alors les esséniens quittaient le Temple. Un certain nombre de grands-prêtre comme les Beothusiens et les ben Hanan, haïs dans le Talmud, eurent assez de puissance pour appliquer la halakha sadducéenne.

Les sadducéens semblent avoir eu le pouvoir à l'époque d'Alexandre Yannée. Ils semblent avoir aussi appliqué un calendrier différent du calendrier habituel, inspiré par celui d'Henoch. Nous pouvons en déduire que les sadducéens ne sont pas des épicuriens mais bien des mystiques. En fait, cette réputation d'épicuriens que Flavius Josèphe leur attribue est à situer dans sa vision des trois écoles du Judaïsme, les pharisiens sont des stoïciens juifs, les esséniens des pythagoriciens juifs et les sadducéens ne peuvent plus alors qu'être des épicuriens juifs, ce qui n'a guère de sens, mais qui   permettait à ses lecteurs romains de comprendre bien mal à propos les écoles juives.

En sachant que les esséniens sont des sadducéens intransigeants, nous comprenons alors que sadducéens et esséniens ne diffèrent que dans le degré de compromis que les uns et les autres sont prêt à faire avec les puissants perushîm ou pharisiens, mais absolument pas par la mystique qui est similaire. Les sadducéens ont une vision sacerdotale du Judaïsme, ils estiment que tous les commandements ne concernent pas l'ensemble des Juifs comme le voulaient les pharisiens. Il est donc vraisemblable que les sadducéens acceptaient l'usage des tefilin, mais seulement pour les prêtres alors que les pharisiens voulaient rendre le port des tefilin pour l'ensemble des Juifs. 

On doit enfin se demander si les sadducéens niaient la résurrection? La réponse est complexe, ils devaient probablement estimer que si le Judaïsme se lançait dans une religion avec des peines et des récompenses, les gens se mettraient à pratiquer pour obtenir des faveurs de Dieu, alors que la pratique doit être désintéressée. Ils étaient aussi des mystique de l'hénochisme qui considéraient que l'homme doit pratiquer une spiritualité afin d'entrer vivant dans l'éternité, et non attendre la fin des temps. Il n'est pas compliqué de comprendre que le patriarche Hénoch est encore vivant aujourd'hui, il est même considéré comme l'ange Metatron.

Les sadducéens préconisaient pour les Juifs un système moins important de commandements que celui des 613 mitsvoth, (pas pour les qohanîm qui étaient astreints à la totalité des commandements, et bien plus). Mais ils étaient infiniment plus rigoureux dans l'application des peines. Pour les pharisiens, plus de commandements, mais moins de rigueur dans les pénalités, pour les sadducéens, moins de commandements exigeaient une rigueur dure dans l'application des peines.

Les sadducéens ne soutenaient pas le port de la kippa pour l'ensemble des Juifs, mais il est possible qu'ils portaient eux-même une kippa, mais comme insigne sacerdotal. 

Notons qu'Idriss, l'équivalent arabe à Hénoch (même si l'Idriss du Coran a de nombreux traits empruntés à Hermès Trismégistes, dont c'est d'ailleurs le nom arabe) a comme étymologie doresh, étudier, or le mot doresh était un titre chez les esséniens, le plus haut personnage de l'essénisme portait soit le titre de Maître de Justice, soit le titre de Doresh haTorah, c'est-à-dire l'Interprète de la Torah... C'est probablement une évolution esséniens > nazaréens > nazaréens s'installent à Petra après la guerre de 115–118. Ils quittent Petra pour l'Arabie vers 500, suite à différents tremblements et s'installèrent en Arabie, Médine, La Mecque, etc. L'araméen de Petra est très proche de l'écriture arabe.

Les Qaraïtes peuvent être considérés comme des néo-sadducéens, ils ne diffèrent néanmoins pas des pharisiens en ce qui concerne le Tanakh, les sadducéens reconnaissaient comme canoniques le Livre d'Henoch et le Livre des Jubilés, les Qaraïtes non (mais, ces livres n'existaient plus à l'époque où apparurent les qaraïtes). Les qaraïtes furent influencés par la découverte de la grotte aux livres (vers 800) qui contenaient des exemplaires de l'Écrit de Damas et de la Sagesse de Ben Sira.

La rivalité des sadducéens et des pharisiens pourrait remonter à la disparition de la Grande Assemblée sous le patriarcat de Simé°on II le Juste. Cette disparition pourrait être le fruit d'une scission, avec un sanhédrin laïc qui édictait les règles pour les Juifs et un sanhédrin sacerdotal qui édictait les règles sacrificielles en usage au Temple. Dans le premier, les pharisiens régnèrent en maîtres, et dans le second, les sadducéens régnèrent en maîtres, jusqu'à ce que, en voulant faire une réforme radicale, les sadducéens perdent leur puissance. Les premiers qohanîm allaient dans tout Israël enseigner, etc. Vers –300, l'insuffisance de prêtres fit que ce furent des laïcs qui les remplacèrent, ce sont ces laïcs qui sont les futurs pharisiens.

Les sadducéens se sont peut-être constitués en partis après la révolte des Macchabées. Il est certain que le grand-prêtre  Jonathan dut négocier son pouvoir avec les pharisiens vers –140, ce qui laisse supposer qu'ils étaient déjà tout-puissants en Judée à cette époque, quoique la révolution des Macchabées fut une révolution conduite par des prêtres, comme si les pharisiens y avaient peu participer. Ce qui fait qu'on ne peut exclure que les sadducéens étaient pro-lagides à l'origine, et les pharisiens pro-séleucides.

Les sadducéens eurent pendant une courte période le pouvoir. Flavius Josèphe écrit dans les Antiquités, 13, 10, 6, après les insultes que firent les pharisiens au grand-prêtre Jean Hyrcan:
Mais un homme de la secte des Sadducéens — qui ont des idées opposées à celles des Pharisiens —, un certain Jonathas, qui était des meilleurs amis d’Hyrcan, prétendit qu’Eléazar n’avait insulté celui-ci que de l’assentiment général des Pharisiens: Hyrcan s’en convaincrait facilement s’il leur demandait quel châtiment Eléazar avait mérité par ses paroles. Hyrcan invita donc les Pharisiens à lui dire quelle punition avait méritée Eléazar; il reconnaîtrait que cette injure ne lui avait pas été faite de leur aveu, s’ils fixaient la peine à la mesure de l’offense. Ceux-ci répondirent: «Les coups et les chaînes», car une insulte ne leur paraissait pas mériter la mort; et d’ailleurs les Pharisiens sont par caractère indulgents dans l’application des peines. Hyrcan fut très irrité de leur sentence et conclut que le coupable l’avait insulté d’accord avec eux. Jonathas surtout l’excita vivement et l’amena à passer à la secte des Sadducéens, abandonnant celle des Pharisiens; il abrogea les pratiques imposées au peuple par ceux-ci et punit ceux qui les observaient. De là vint la haine du peuple contre lui et ses fils. Mais nous reviendrons sur ce point. Je veux maintenant dire simplement que les Pharisiens avaient introduit dans le peuple beaucoup de coutumes qu’ils tenaient des anciens, mais qui n’étaient pas inscrites dans les lois de Moïse, et que, pour cette raison, la secte des Sadducéens rejetait, soutenant qu’on devait ne considérer comme lois que ce qui était écrit, et ne pas observer ce qui était seulement transmis par la tradition. Sur cette question s’élevèrent des controverses et de grandes disputes, les Sadducéens ne parvenant à convaincre que les riches et n’étant pas suivis par le peuple, les Pharisiens, au contraire, ayant la multitude avec eux.
Ils conserveront le pouvoir pendant le règne d'Alexandre Jannée, mais, à sa mort, la reine Salomé Alexandra octroiera les pleins pouvoirs aux pharisiens.

Parmi les débats acharnés qui opposèrent sadducéens ou esséno-sadducéens aux pharisiens:
  • les pharisiens estimaient que le temps de la prophétie était clos, les esséno-sadducéens que de nouveaux prophètes pouvaient surgir;
  • les pharisiens étaient matrilinéaires et les esséno-sadducéens étaient patrilinéaires;
  • les conversions semblent avoir été plus faciles chez les esséno-sadducéens que chez les pharisiens;
  • il semble que pour les esséno-sadducéen, le converti soit juif et qu'ils conservaient au mot gèr (prosélyte, converti) son sens original, c'est-à-dire celui de résident-étranger. Pour les pharisiens, le converti est gèr, mais sa descendance est juive, y compris sans ascendance juive ethnique.
  • les pharisiens soutenaient une tradition orale mais, les sadducéens remarquaient que la Torah écrite fut perdue pendant une cinquantaine d'années, il est donc, pour eux, peu vraisemblable que la tradition orale aurait survécu alors que la Torah écrite ne subsistait plus; en outre, ils reprochaient aux pharisiens les contradictions entre certaines de leurs traditions orales et la Torah écrite. 
Notons enfin que le Judaïsme hellénistique doit être considéré comme sadducéen, plutôt que comme pharisien. Mais, leur sadducéisme doit s'entendre qu'ils soutenaient un judaïsme sacerdotal et scriptural, plutôt qu'un judaïsme laïc et révisé. Le judaïsme alexandrin ne semble pas avoir eu connaissance du Livre d'Henoch, par exemple, excepté à une époque après Philon d'Alexandrie. Le judaïsme hellénistique est un sadducéisme influencé en profondeur par la philosophie grecque.

Le sadducéisme se référait principalement au niveau de ses enseignements exotériques à la Sagesse de Ben Sira (L'Ecclésiastique) et au niveau spirituel au Livre d'Henoch, ainsi qu'à celui des Jubilés. Il est plus difficile de déterminer si la Règle de la Communauté date d'avant la rupture du Temple qui eut lieu vers –75, quand les pharisiens eurent les pleins pouvoirs; autrement dit si ce traité est déjà sectaire ou encore pré-séctaire.

Les sadducéens ne semblent pas avoir cru à l'immortalité de l'âme, après la mort corporelle, l'âme, privée de sa substance, s'éteint. Les sadducéens se contentaient des données bibliques. Mais les données bibliques suggèrent largement que les Justes bénéficient d'une félicité après la mort. Cette félicité est due à l'acquisition d'un corps spirituel. 

La question de la liberté individuelle est plus complexe à résoudre. Un texte comme le Discours des Deux Esprits ne laisse pas de place à la liberté individuelle, tout semble déterminé par Dieu. Il est possible que la forme que nous possédons de ce texte aie amplifié les aspects déterministes, mais qu'une version moins radicale aurait existé. Les spécialistes admettent que l'ordre des paragraphe a dû être modifié, ce qui pourrait impliquer aussi des réécritures. La croyance en la liberté de choix est de toute manière un concept grec, quasi étranger au Judaïsme. Il est enfin possible, c'est notre avis, que la liberté individuelle existe dans une certaine mesure, mais qu'elle est limitée par les bonnes et les mauvaises habitudes. 


Le NOTRE PÈRE

Traduction
Notre Père qui êtes aux cieux, 
Que Votre Nom soit sanctifié, que Votre règne arrive, que Votre volonté soit faite, tant dans les cieux que sur la terre.
Donnez-nous dès à présent la manne qui nous fut promise.
Remettez-nous nos fautes, comme nous-même avons remis à nos débiteurs.
Et faites que nous n’entrions pas dans l’épreuve, mais délivrez-nous du mal/malin
[Car la Royauté, la Puissance et la Gloire sont à Vous dans [tous] les éons. Amen.]

Grec
Πάτερ ἡμῶν ὁ ἐν τοῖς οὐρανοῖς, 
ἁγιασθήτω τὸ ὄνομά σου·  ἐλθέτω ἡ βασιλεία σου· γενηθήτω τὸ θέλημά σου, ὡς ἐν οὐρανοῖς, καὶ ἐπὶ τῆς γῆς· 
τὸν ἄρτον ἡμῶν τὸν ἐπιούσιον δὸς ἡμῖν σήμερον· 
καὶ ἄφες ἡμῖν τὰ ὀφειλήματα ἡμῶν, ὡς καὶ ἡμεῖς ἀφήκαμεν τοῖς ὀφειλέταις ἡμῶν· 
καὶ μὴ εἰσενέγκῃς ἡμᾶς εἰς πειρασμόν, ἀλλὰ ῥῦσαι ἡμᾶς ἀπὸ τοῦ πονηροῦ. 
[Ὅτι σοῦ ἐστιν ἡ βασιλεία καὶ ἡ δύναμις καὶ ἡ δόξα εἰς τοῦς αἰῶνας. Ἀμήν.]
Translittération (en grec toutes les lettres se prononcent)

Pater èmôn o èn tois ouranois,
agiasthètô to onoma sou. èlthètô è basilèia sou. gènéthètô to thèlema sou, ôs en ouranois, kai èpi tès gès.
ton arton èmôn ton èpiousion dos èmin sèmèron.
kai aphès èmin ta opheilèmata èmôn, ôs kai èmèis aphèkamèn tois opheiletais èmôn.
kai mè eisenegkeis èmas eis peirasmon, alla rusai èmas apo tou ponèrou.
Oti sou estin è basiléia kai è dunamis kai è doxa eis tous aiônas. Amen

Analyse

Le Notre Père est la prière la plus importante des chrétiens et il en existe de nombreuses traductions. Dans l’ensemble, les traductions sont plus ou moins bonnes, sauf pour la phrase centrale qui commence par ton arton ; relevons celle de la traduction œcuménique « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour » ; celle utilisée dans certaines églises orthodoxes : « Donne-nous aujourd’hui notre pain substantiel » ; et celle que propose Marc Philonenko « Donne-nous aujourd’hui notre pain du lendemain. » On oublie que si ton arton signifie bien « le pain », ce mot signifie aussi « la manne », c’est-à-dire la nourriture mystérieuse qui nourrit les Hébreux au désert et qui est décrite en Exode 16, 31 [Traduction du rabbinat français] : « La maison d’Israël donna à cette substance le nom de “manne”. Elle ressemblait à de la graine de coriandre, était blanche et avait la saveur d’un beignet au miel. » Aussi dans Nombres 11, 7–9 [idem] : « Or, la manne était comme de la graine de coriandre, et son aspect comme l’aspect du bdellium. Le peuple se dispersait pour la recueillir, puis on l’écrasait sous la meule ou on la pilait au mortier ; on la mettait cuire au pot, et l’on en faisait des gâteaux. Elle avait alors le goût d’une pâtisserie à l’huile. Lorsque la rosée descendait sur le camp, la nuit, la manne y tombait avec elle. » Nous tenterons dans les pages qui suivent de proposer une traduction alternative et d’expliquer le sens de cette phrase.
Le Notre Père nous a été transmis en quatre versions, la version de Luc en 11, 2–4, une version courte et une version longue chez Matthieu 6, 9–13, correspondant respectivement aux versions sans ou avec doxologie finale et, on l’oublie trop souvent, en Didachè ou Doctrine des Douze Apôtres 8, 2.
Nous excluons la version de Luc, ce dernier a tendance à vouloir expliquer les passages difficiles à comprendre, il remanie ou supprime l’un ou l’autre mot afin d’aider à la compréhension du texte. Malheureusement, ses changements n’améliorent pas vraiment la compréhension spirituelle, au mieux il s’agit d’améliorations littéraires. Retenons en outre qu’excepté les Épîtres aux Hébreux, de Jacques et de Jude, et dans une moindre mesure l’Évangile de Luc, le grec du Nouveau Testament est médiocre.
Nous avons opté pour le pluriel de respect en français. En grec ce pluriel n’existe pas, le respect se marquant plutôt par une révérence de ton. De plus, si l’on voulait vraiment exprimer une familiarité avec Dieu, on aurait plutôt utilisé le grec πάππας (trad. « papa »), au lieu du grec πάτερ (trad, « père, aïeul ».)
Nous nous sommes aidé de l’ouvrage de Marc Philonenko, intitulé Le Notre Père, publié aux éditions Gallimard, dont les références nous ont été précieuses, même si nos interprétations de la partie centrale diffèrent fondamentalement. Nous tenterons enfin de déterminer si Jésus a récité cette prière en hébreu, en araméen ou en grec.

Notre Père qui êtes aux cieux
Lorsque, dans l’Antiquité, nous appelions un Dieu « Père » (ou une déesse, « mère »), c’était la marque que nous avions été initiés aux mystères de ce dieu (ou de cette déesse). Le christianisme ne procède pas autrement. L’homme en appelant Dieu, Notre Père, implique qu’il se rattache au point zéro à partir duquel toutes choses se sont déployées, c’est une prière initiatique d’adoption. Le Notre implique à la fois que Dieu est le Père de toute créature et le Père de chaque partie de notre être, que cette partie soit unificatrice, noétique, spirituelle, psychique ou corporelle. On peut aussi y voir une formulation communautaire, car c’est bien les croyants qui, ensemble, revendiquaient leur attachement à Dieu, centre de toutes choses. 
Signalons que la forme du Notre Père chez Luc est plus simple, puisqu’au lieu de dire Notre Père qui êtes aux cieux, Luc dit simplement : Père ; ce qui peut signifier deux choses, soit Luc voulait établir que Jésus s’adressait à Dieu comme à son véritable père, il s’agit donc d’une modification théologique d’affirmation christique que nous ne pouvons pas suivre, soit Luc montre que le Notre Père dit dans un cadre individuel peut être légèrement différent, sous-entendant que, lui, Luc, donne la prière telle que Jésus la récitait, alors que d’autres en donneraient une version remaniée. Le qui êtes aux cieux se rapporte à la partie suivante (voir ci-dessous).

Que Votre Nom soit sanctifié, que Votre règne arrive, que Votre volonté soit faite, tant dans les cieux que sur la terre.
Nous avons corrigé οὐρανῷ, « ciel », datif singulier, en οὐρανοῖς « cieux » datif pluriel, pour deux raisons. Dans le Didaché (vers 100–140, probablement antérieur à la publication des évangiles tels que nous les connaissons), qui transmet aussi une version du Notre Père, le datif pluriel τοῖς οὐρανοῖς de la première phrase est au datif singulier τῷ οὐρανῷ ; cette utilisation de « ciel » au singulier est une faute de grec. En hébreu shamayim, qui signifie « cieux », est toujours au pluriel. Nous pensons que les copistes des premières versions, ont raisonné en Grec, et donc, ont parlé d’un ciel qui englobe tous les cieux, alors qu’en monde juif on parlera toujours d’une pluralité de cieux. Les cieux sont évidemment les mondes spirituels.
Signalons de suite, comme le fit savoir Marc Philonenko, que la première partie offre des analogies avec le Livre d’Henoch (Henoch I, en 39, 16 : Béni sois-Tu, béni soit le Nom du Seigneur pour toute éternité), et que les deux premières parties sont proches des strophes 1 et 2 du Qaddish : Que soit magnifié et sanctifié Son grand Nom dans le monde qu’Il a créé selon Sa volonté ; Et qu’il fasse régner son règne de votre vivant et de vos jours, etc.
Souvent, on se demande ce qu’est la sanctification du Nom ? Dans la théologie juive ancienne, tout ce qui existe est en rapport avec les noms de Dieu, l’homme y compris ; et l’homme peut sanctifier le nom en observant les commandements de Dieu, alors que la vie profane (qui est la véritable idolâtrie), consiste à ne pas sanctifier le Nom, c’est-à-dire, à ne pas se souvenir de la présence divine et à ne pas œuvrer à la manifester en nous et hors de nous. La sanctification du nom, le règne et la volonté doivent se faire tant dans les cieux que sur la terre, et donc, cette phrase s’applique aux trois parties. Nous devons bien comprendre que cette partie est une demande, certes le Nom de Dieu est sanctifié aux cieux, certes Dieu Règne dans les cieux, certes la volonté de Dieu est accomplie dans les cieux (c’est la raison de la phrase précédente Notre Père qui êtes aux cieux). Mais celui qui récite le Notre Père demande que ce qui s’accomplit dans les cieux, s’accomplisse aussi sur terre, c’est-à-dire en chacun de nous.
Donnez-nous dès à présent la manne qui nous fut promise.
Le Notre Père, dans l’ensemble ne pose pas de problèmes de vocabulaire, excepté le mot ἐπιούσιος. Saint Jérôme s’arrachait déjà les cheveux avec celui-ci qui, pour lui, n’était pas attesté en grec ailleurs que dans les Évangiles. Dans la Vulgate, il traduisit ce mot chez Matthieu par supersubstantialis et chez Luc par cotidianus. Dans les Écrits Apocryphes Chrétiens, volume I, page 439–440, les rédacteurs incluent un passage provenant du Commentaire sur Matthieu, I, de saint Jérôme, qui dit : « Dans l’Évangile qu’on appelle selon les Hébreux [très probablement la version hébraïque de Matthieu, aujourd’hui disparue], au lieu de pain “nécessaire pour subsister”, j’ai découvert maar, c’est-à-dire “du lendemain”, si bien que le sens serait : “Donne-nous aujourd’hui notre pain du lendemain”, autrement dit “du futur”. » Le sens de ce mot dépend avant tout de la compréhension du mot ἄρτον qui, s’il signifie « pain », signifie aussi en grec des Septante (traduction grecque de l’Ancien Testament), « la manne ». Nous traduisons donc cette phrase différemment : « τὸν ἄρτον (la manne, accusatif au sens de complément d’objet direct) ; ἡμῶν (à nous, génitif complément du nom ἄρτον) ; τὸν ἐπιούσιον (mot inconnu qui doit être rapproché de parousie qui semble proche de la signification de ἐπιούσιος : “avènement”, mais aussi, “rendre matériel”, avec une nuance de futur, notons que le mot est à l’accusatif, ce qui en grec peut signifier le complément direct, mais aussi un complément circonstanciel de lieu ou de temps, comme cela nous semble le cas ici) ; δὸς (donne) ; ἡμῖν (nous) ; σήμερον (aujourd’hui) ».
Première traduction : « Donne-nous aujourd’hui notre pain du lendemain. » Cette traduction pourrait apparaître comme un éloge de la gourmandise, et ainsi difficilement acceptable. Marc Philonenko pense que cela pourrait se rapporter au sabbat des esséniens qui préparaient leur pain du samedi le vendredi. Mais rien ne permet de supposer que le Notre Père est une prière du shabbat, au contraire, c’est une prière journalière, donc cette interprétation nous semble fausse.
Deuxième traduction : « Donne-nous aujourd’hui notre manne future ou substantiellement.
Rappelons que la « manne », désigne « les réalités ou énergies spirituelles », mais que celles-ci existent déjà autour de nous de manière subtile, à la fois impalpables et invisibles. Mais que c’est de cette réalité secrète que se fabriquera le pain de vie. 
Nous retrouvons la promesse de cette manne, comme nous pouvons le lire dans le Targum du Pseudo-Jonathan sur Exode (Traduction Philonenko, page 128) : « Le pain/la manne qui a été mis(e) en réserve pour vous dès l’origine dans les cieux d’en haut et que Yahvé vous donne maintenant à manger. »
Les deux traductions possibles sont donc, Donnez-nous dès à présent, la manne qui nous est promise ; ou : Dès à présent, donnez-nous  substantiellement/matériellement notre manne. Il est enfin possible, voire probable que ces deux sens se complètent, la manne étant à la fois promise et si nous voulons la recevoir dans cette vie-ci et non après notre mort, nous devrons la recevoir matériellement ou substantiellement.
Remettez-nous nos fautes, comme nous-même avons remis à nos débiteurs.
D’après Marc Philonenko, l’araméen chôbâh a le double sens de dette (dans Matthieu par ὀφειλήματα) et de péché (dans Luc par ἁμαρτίας). Quant à ἄφες, il a le sens de remettre comme de délier, autrement dit Déliez-nous de nos dettes ou remettez-nous de nos dettes. Nous sommes liés par nos dettes, comme notre âme est liée par notre corps, qui l’emprisonne.
L’homme ne peut revendiquer la liberté pour lui-même et, en même temps, emprisonner les autres. Cette vision nous semble devoir être mise en parallèle avec un passage du Siracide, (28, 2), en grec : ἄφες ἀδίκημα τῷ πλησίον σου καὶ τότε δεηθέντος σου αἱ ἁμαρτίαι σου λυθήσονται, et qui signifie : « Remets la faute à ton prochain, et alors, à ta prière, tes péchés seront déliés. » Le Notre Père est en quelque sorte l’application concrète de ce passage du Siracide. 
Dans la seconde partie, on a évidemment l’impression que notre pardon dépend du pardon que nous accorderions aux autres. Même si cette idée est correcte, ce n’est pas le sens de la seconde phrase, qui est pour nous une simple métaphore pour désigner le « Royaume de Dieu ». Pour les juifs, la remise des dettes correspond au grand jubilé, qui se produisait chaque 50 ans. C’est l’année pendant laquelle, il fallait effacer les dettes de nos débiteurs ; mais le grand Jubilé désigne évidemment le Royaume de Dieu ou les temps messianiques eux-mêmes. Ces 50 ans sont en effet une allusion au messie : dans le judaïsme on reconnaît 48 prophètes qui sont déjà venus, le 49e prophète est celui qui désignera le messie, et le 50e prophète est le messie lui-même qui se révélera avec son royaume caché à ce moment-là. Le sens intraduisible de la phrase nous semble être : « Déliez-nous de nos péchés, afin que nous entrions dans le royaume de Dieu ou pour que renaisse notre corps spirituel. »
Et faites que nous n’entrions pas dans l’épreuve, mais délivrez-nous du mal/malin
La libération de l’ego est une opération douloureuse, gardons-le en mémoire. La première phrase rappelle un psaume syriaque de David, que cite Marc Philonenko : « Ne me fais pas entrer dans des épreuves trop dures pour moi. »
Mais délivrez-nous du mal/malin. Le grec πονηροῦ peut se traduire tant par mal que par malin. Le mal est plus abstrait, le malin peut désigner une entité qui serait hostile à l’homme. Nous pensons que les textes se référant au Malin sont des textes basiques, car il est plus facile pour les gens d’admettre que le mal qu’ils subissent est le résultat d’une volonté hostile que la conséquence de l’ordre naturel établi par Dieu. En réalité, on comprend rarement la notion de chute. La chute, c’est lorsque l’homme s’est coupé des réalités spirituelles que son sens spirituel s’est atrophié. Ce n’est pas Dieu qui ne nous parle pas, c’est nous qui nous sommes bouché les oreilles. L’ange du mal dans le judaïsme, c’est Samael, dont le sens d’aveugler Dieu, mais ce n’est pas Dieu qui est aveuglé c’est nous qui sommes aveuglés.
Le sens des deux phrases est une demande à la fois de hâter la délivrance et de faire cesser notre aveuglement. Curieusement, le commencement et la fin du Notre Père offrent une convergence profonde. Ainsi, dans l’Évangile de Jean, on nous rappelle que nous avons pour père le diable. Or la prière débute par l’invocation à notre Père céleste et termine par la délivrance du Malin, notre père terrestre en quelque sorte. C’est par lui que l’homme est assujetti aux forces aveugles de la nature et l’ego ; et c’est bien d’eux que nous devons être délivrés par notre père céleste.
Car la Royauté, la Puissance et la Gloire sont à Vous dans [tous] les éons. Amen.
Cette partie finale est rejetée par plusieurs, car elle n’est attestée que par quelques manuscrits anciens. Mais nous croyons, au contraire, qu’elle forme une très bonne conclusion, car elle rappelle que tout appartient à Dieu.
Notons que le mot αἰών, αἰῶνα, s’il a originellement le sens de « vie » ou d’« être », possède des significations multiples à la fois temporelles « des éternités » et cosmiques « des mondes », nous avons donc traduit par dans les éons. Nous avons ajouté le mot tout, parce que c’est bien dans la totalité des mondes et des ères que Dieu doit se manifester.



Le sens du Notre Père consiste d’abord à se référer à notre Père céleste afin de rattacher notre monde et les créatures qui y vivent aux mondes divins, ensuite nous lui demandons de recevoir la manne ou l’énergie spirituelle le plus rapidement possible ; nous savons que la réception de ces énergies bousculera notre être et que cela ne sera pas de tout repos, un temps d’épreuve, et nous demandons qu’il ne soit pas trop long, ni trop écrasant.
Le Notre Père, loin d’être une simple prière, est une prière demandant les accomplissements spirituels, la régénération.
Une dernière question, en quelle langue faut-il réciter le Notre Père ? Pour nous la réponse ne fait aucun doute : en grec, dans sa langue originale ; mais en le récitant, nous devons avoir le sens de chaque phrase dans notre esprit. 


mercredi 10 juin 2015

Jésus ou Simon le Magicien

Qui est Simon le Magicien? (partie I)

Simon le Magicien est aussi appelé Simon de Gitta (en Samarie) ou Simon de Samarie. L’époque à laquelle il vécut n’est pas certaine. D’après les Actes des Apôtres, il aurait vécu dans les années 40–60 (ce qui est aussi estimé par le Roman clémentin). Néanmoins, il serait plus juste de dire que Simon de Samarie ait eu deux périodes d’activité, une première période comme magicien, dans les années 40–70 (sans que l’on ne puisse être plus précis), et une période comme divinité en Samarie dans les années 70–90.

La cananéenne dont la fille fut guérie par Jésus semble avoir été sa mère adoptive d’après le Roman Clémentin [Existe en deux versions, les Homélies Clémentines et les Reconnaissances Clémentines. Notons que les données historiques des Romans Clémentins sont suspectes et la datation qu’elles induisent sont problématiques, Jésus devrait donc être bien antérieur à Jean le Baptiste]. Simon le Magicien devint disciple de Jean le Baptiste, après sa mort il alla suivre les enseignements des magiciens égyptiens et ambitionnait de succéder à Jean. Pendant son séjour un certain Dosithée prit la succession du Baptiste, notons que Dosithée pourrait être la version grecque du Nathana’èl mentionné comme disciple du Baptiste dans les évangiles. Lorsque Simon revint d’Égypte, il utilisa ses pouvoirs pour impressionner Dosithée et se proclama Messie ou dieu.

Simon le Magicien pourrait être le magicien mentionné par Flavius Josèphe (Antiquités Juives, Livre XX):
Peu après, le mariage de Drusilla et d'Aziz fut rompu pour la cause suivante. Au moment où Félix était procurateur de Judée, il vit Drusilla, et, comme elle l'emportait en beauté sur toutes !es femmes, il s'éprit de passion pour elle. Il lui envoya un Juif cypriote de ses amis, nominé Simon, qui se prétendait magicien, et il essaya de la décider à quitter son mari pour l'épouser, promettant de la rendre heureuse si elle ne le dédaignait pas. Elle, qui était malheureuse et voulait, échapper à la haine de sa sœur Bérénice — Félix l'invitait en raison de sa beauté qui, croyait-il, l'exposait à bien des tourments du fait de Bérénice — se laissa persuader de transgresser la loi de ses ancêtres et d'épouser Félix. Elle eut de lui un fils qu'elle nomma Agrippa. Pour la façon dont ce jeune homme périt avec sa femme dans l'éruption du Vésuve sous l'empereur Titus, je l'expliquerai plus tard.
Les Actes des Apôtres mentionnent deux magiciens, un appelé Simon et l’autre chypriote, voyons les textes:
5. Philippe, étant descendu dans la ville de Samarie, y prêcha le Christ. 6. Les foules tout entières étaient attentives à ce que disait Philippe, lorsqu’elles apprirent et virent les miracles qu’il faisait. 7. Car des esprits impurs sortirent de plusieurs démoniaques, en poussant de grands cris, et beaucoup de paralytiques et de boiteux furent guéris. 8. Et il y eut une grande joie dans cette ville. 9. Il y avait auparavant dans la ville un homme nommé Simon, qui, se donnant pour un personnage important, exerçait la magie et provoquait l’étonnement du peuple de la Samarie. 10. Tous, depuis le plus petit jusqu’au plus grand, l’écoutaient attentivement, et disaient : Celui-ci est la puissance de Dieu, celle qui s’appelle la grande. 11. Ils l’écoutaient attentivement, parce qu’il les avait longtemps étonnés par ses actes de magie. 12. Mais, quand ils eurent cru à Philippe, qui leur annonçait la bonne nouvelle du royaume de Dieu et du nom de Jésus Christ, hommes et femmes se firent baptiser. 13. Simon lui-même crut, et, après avoir été baptisé, il ne quittait plus Philippe, et il voyait avec étonnement les miracles et les grands prodiges qui s’opéraient. 14. Les apôtres, qui étaient à Jérusalem, ayant appris que la Samarie avait reçu la parole de Dieu, y envoyèrent Pierre et Jean. 15. Ceux-ci, arrivés chez les Samaritains, prièrent pour eux, afin qu’ils reçussent le Saint-Esprit. 16. Car il n’était encore descendu sur aucun d’eux ; ils avaient seulement été baptisés au nom du Seigneur Jésus. 17. Alors Pierre et Jean leur imposèrent les mains, et ils reçurent le Saint-Esprit. 18. Lorsque Simon vit que le Saint-Esprit était donné par l’imposition des mains des apôtres, il leur offrit de l’argent, 19. en disant : Accordez-moi aussi ce pouvoir, afin que celui à qui j’imposerai les mains reçoive le Saint-Esprit. 20. Mais Pierre lui dit : Que ton argent périsse avec toi, puisque tu as cru que le don de Dieu s’acquérait à prix d’argent ! 21. Il n’y a pour toi ni part ni lot dans cette affaire, car ton cœur n’est pas droit devant Dieu. 22. Repens-toi donc de ta méchanceté, et prie le Seigneur pour que la pensée de ton cœur te soit pardonnée, s’il est possible ; 23. car je vois que tu es dans un fiel amer et dans les liens de l’iniquité. 24. Simon répondit : Priez vous-mêmes le Seigneur pour moi, afin qu’il ne m’arrive rien de ce que vous avez dit. [Actes des Apôtres 8, 5–24.]
Et
4. Barnabas et Saul, envoyés par le Saint-Esprit, descendirent à Séleucie, et de là ils s’embarquèrent pour l’île de Chypre. 5. Arrivés à Salamine, ils annoncèrent la parole de Dieu dans les synagogues des Juifs. Ils avaient Jean pour aide. 6. Ayant ensuite traversé toute l’île jusqu’à Paphos, ils trouvèrent un certain magicien, faux prophète juif, nommé Bar Jésus, 7. qui était avec le proconsul Sergius Paulus, homme intelligent. Ce dernier fit appeler Barnabas et Saul, et manifesta le désir d’entendre la parole de Dieu. 8. Mais Élymas le magicien — car c’est ce que signifie son nom —, leur faisait opposition, cherchant à détourner de la foi le proconsul. 9. Alors Saul, appelé aussi Paul, rempli du Saint-Esprit, fixa les regards sur lui, et dit : 10. Homme plein de toute espèce de ruse et de fraude, fils du diable, ennemi de toute justice, ne cesseras-tu point de pervertir les voies droites du Seigneur ? 11. Maintenant voici, la main du Seigneur est sur toi, tu seras aveugle, et pour un temps tu ne verras pas le soleil. Aussitôt l’obscurité et les ténèbres tombèrent sur lui, et il cherchait, en tâtonnant, des personnes pour le guider. 12. Alors le proconsul, voyant ce qui était arrivé, crut, étant frappé de la doctrine du Seigneur. [Actes des Apôtres 13, 4–12.]
Irenée de Lyon après avoir rappelé ce qu’il est dit de Simon dans les Actes ajoute: 
Simon de Samarie, de qui dérivèrent toutes les hérésies, édifia sa secte sur le système que voici. Ayant acheté à Tyr, en Phénicie, une certaine Hélène, qui y exerçait le métier de prostituée, il se mit à parcourir le pays avec elle, disant qu'elle était sa Pensée première, la Mère de toutes choses, celle par laquelle, à l'origine, il avait eu l'idée de faire les Anges et les Archanges. Cette Pensée avait bondi hors de lui : sachant ce que voulait son Père, elle était descendue vers les lieux inférieurs et avait enfanté les Anges et les Puissances, par lesquels fut ensuite fait ce monde. Mais, après qu'elle les eut enfantés, elle avait été retenue prisonnière par eux par malveillance, parce qu'ils ne voulaient pas passer pour être la progéniture de qui que ce fût. Lui-même, en effet, fut totalement ignoré d'eux : quant à sa Pensée, elle fut retenue prisonnière par les Puissances et les Anges qu'elle avait émis : pour qu'elle ne pût remonter vers son Père, elle fut accablée par eux de toute espèce d'outrages, jusqu'à être enfermée dans un corps humain et à être comme transvasée, au cours des siècles, dans différents corps de femme. Elle fut, entre autres, en cette Hélène qui causa la guerre de Troie ; et ainsi s'explique que Stésichore, pour l'avoir outragée dans ses poèmes, devint aveugle, tandis que, après s'être repenti et l'avoir célébrée dans ses «palinodies », il recouvra la vue. Tout en passant ainsi de corps en corps et en ne cessant de subir des outrages, pour finir elle vécut même dans un lieu de prostitution : c'était la «brebis perdue».  C'est pourquoi il vint en personne, afin de la recouvrer la première et de la délivrer de ses liens, afin aussi de procurer le salut aux hommes par la « connaissance » de lui-même. Car, comme les Anges gouvernaient mal le monde, du fait que chacun d'eux convoitait le commandement, il vint pour redresser cette situation. Il descendit, en se métamorphosant et en se rendant semblable aux Principautés, aux Puissances et aux Anges : c'est ainsi qu'il se montra également parmi les hommes comme un homme, quoique n'étant pas homme, et qu'il parut souffrir en Judée, sans souffrir réellement. Quant aux prophètes, c'est sous l'inspiration des Anges auteurs du monde qu'ils avaient débité leurs prophéties. Aussi les fidèles de Simon et d'Hélène ne devaient-ils plus se soucier d'eux, mais, en hommes libres, faire tout ce qu'ils voulaient : ce qui sauvait les hommes, c'était la grâce de Simon, non les œuvres justes. Car il n'y avait point d'œuvres justes par nature, mais seulement par convention, selon qu'en avaient disposé les Anges auteurs du monde dans le but de réduire les hommes en esclavage par de tels commandements. Aussi Simon promettait-il de détruire le monde et de libérer les siens de la domination des Auteurs du monde. Leurs mystagogues vivent donc dans la débauche, et, d'autre part, s'adonnent à la magie, chacun autant qu'il peut. Ils usent d'exorcismes et d'incantations. Ils recourent aussi aux philtres, aux charmes, aux démons dits parèdres et oniropompes et à toutes les autres pratiques magiques. Ils possèdent une image de Simon représenté sous les traits de Zeus et une image d'Hélène sous ceux d'Athéna, et ils les adorent. Ils portent aussi un nom dérivé de Simon, l'initiateur de leur doctrine impie, puisqu'ils sont appelés Simoniens, et c'est d'eux que tire son origine la gnose au nom menteur, ainsi qu'il est loisible de l'apprendre par leurs déclarations mêmes. Il eut pour successeur Ménandre, originaire de Samarie, qui atteignit, lui aussi, au faîte de la magie. La première Puissance, disait-il, était inconnue de tous ; quant à lui, il était le Sauveur envoyé des lieux invisibles pour le salut des hommes. Le monde avait été fait par des Anges, lesquels, affirmait-il à l'instar de Simon, avaient été émis par la Pensée. Par la magie qu'il enseignait, il donnait une gnose permettant de vaincre les Anges mêmes qui avaient fait le monde. Car, du fait qu'ils étaient baptisés en lui, ses disciples recevaient la résurrection : ils ne pourraient plus mourir, mais se maintiendraient à l'abri du vieillissement et de la mort. [Contre les Hérésies, Livre I, partie III.]
Les sources sont donc assez complexe à interpréter. Néanmoins, on peut déduire qu’il enseignait une méthode de salut, qu’il s’est proclamé Dieu, ou Christ, voire les deux. 

Quelques possibles réminiscences de Simon le Magicien dans les évangiles (Partie II)

Si Simon le Magicien s’est proclamé dieu et sauveur, il n’est pas le seul, Jésus aussi s’est proclamé dieu et sauveur. Évidemment, nous aurons droit aux discussions sans fin des partisans de Jésus qui estiment que pour Jésus c’est vrai et que pour Simon c’est faux… 
Dans un article précédent, nous avons montré que la source des évangiles est originellement une vie de Bannous composée par Flavius Josèphe et recyclée en vie de Jésus. Néanmoins, certains passages sont impossibles à attribuer à Bannous et nous présentent un Jésus proche de Simon le Magicien.

Examinons les passages douteux. 
En premier le passage relative à la guérison de la cananéenne qui se trouve en Matthieu 15, 21–28 et en Marc 7, 24–30. Les deux versions diffèrent légèrement et se complètent, nous proposerons donc les deux textes, d’abord celui de Matthieu et ensuite celui de Marc:
Jésus, étant parti de là, se retira dans le territoire de Tyr et de Sidon. Et voici, une femme cananéenne, qui venait de ces contrées, lui cria : « Aie pitié de moi, Seigneur, Fils de David ! Ma fille est cruellement tourmentée par le démon. » Il ne lui répondit pas un mot, et ses disciples s’approchèrent, et lui dirent avec insistance : « Renvoie-la, car elle crie derrière nous. » Il répondit : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël. » Mais elle vint se prosterner devant lui, disant : « Seigneur, secours-moi ! » Il répondit : « Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants, et de le jeter aux petits chiens. » « Oui, Seigneur », dit-elle, « mais les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. » Alors Jésus lui dit : « Femme, ta foi est grande ; qu’il te soit fait comme tu veux. » Et, à l’heure même, sa fille fut guérie. 
Jésus, étant parti de là, s’en alla dans le territoire de Tyr et de Sidon. Il entra dans une maison, désirant que personne ne le sût ; mais il ne put rester caché. Car une femme, dont la fille était possédée d’un esprit impur, entendit parler de lui, et vint se jeter à ses pieds. Cette femme était grecque, syro-phénicienne d’origine. Elle le pria de chasser le démon hors de sa fille. Jésus lui dit : « Laisse d’abord les enfants se rassasier ; car il n’est pas bien de prendre le pain des enfants, et de le jeter aux petits chiens. » — « Oui, Seigneur », lui répondit-elle, « mais les petits chiens, sous la table, mangent les miettes des enfants ». Alors il lui dit : « À cause de cette parole, va, le démon est sorti de ta fille. » Et, quand elle rentra dans sa maison, elle trouva l’enfant couchée sur le lit, le démon étant sorti. 
Rien ne permet d’affirmer que cette femme soit Hélène la prostituée compagne de Simon le Magicien. Notons, l'insistance sur la nécessité d'avoir la foi en Jésus, plutôt qu'en Dieu...

Le second passage est celui de la pècheresse chez le pharisien [7, 36–50], elle n'est rapportée que par Luc. Voici le passage:
Un pharisien pria Jésus de manger avec lui. Jésus entra dans la maison du pharisien, et se mit à table. Et voici, une femme pécheresse qui se trouvait dans la ville, ayant su qu’il était à table dans la maison du pharisien, apporta un vase d’albâtre plein de parfum, et se tint derrière, aux pieds de Jésus. Elle pleurait ; et bientôt elle lui mouilla les pieds de ses larmes, puis les essuya avec ses cheveux, les baisa, et les oignit de parfum. Le pharisien qui l’avait invité, voyant cela, dit en lui-même : « Si cet homme était prophète, il connaîtrait qui et de quelle espèce est la femme qui le touche, il connaîtrait que c’est une pécheresse. » Jésus prit la parole, et lui dit : « Simon, j’ai quelque chose à te dire. » — «Maître, parle », répondit-il. « Un créancier avait deux débiteurs : l’un devait cinq cents deniers, et l’autre cinquante. Comme ils n’avaient pas de quoi payer, il leur remit à tous deux leur dette. Lequel l’aimera le plus ? » Simon répondit : « Celui, je pense, auquel il a le plus remis. » Jésus lui dit : « Tu as bien jugé. » Puis, se tournant vers la femme, il dit à Simon : « Vois-tu cette femme ? Je suis entré dans ta maison, et tu ne m’as point donné d’eau pour laver mes pieds ; mais elle, elle les a mouillés de ses larmes, et les a essuyés avec ses cheveux. Tu ne m’as point donné de baiser ; mais elle, depuis que je suis entré, elle n’a point cessé de me baiser les pieds. Tu n’as point versé d’huile sur ma tête ; mais elle, elle a versé du parfum sur mes pieds. C’est pourquoi, je te le dis, ses nombreux péchés ont été pardonnés : car elle a beaucoup aimé. Mais celui à qui on pardonne peu aime peu. » Et il dit à la femme : « Tes péchés sont pardonnés. » Ceux qui étaient à table avec lui se mirent à dire en eux-mêmes : « Qui est celui-ci, qui pardonne même les péchés ? » Mais Jésus dit à la femme : « Ta foi t’a sauvée, va en paix. »
La parabole est médiocre, cette femme ressemble beaucoup à Hélène, Jésus lui pardonne à condition qu'on croie en lui, comme il fallait croire en Simon le Magicien pour être sauvé, pardonné... La foi peut tout... Notons encore, la possible allusion homosexuelle du passage, Jésus se plaint de ne pas avoir reçu de baiser de son hôte, or vu le contexte, il s'agit sans l'ombre d'un doute de baisers faits sur la tête de Jésus... donc il y a indéniablement une connotation particulière...

Le troisième passage est celui de la femme adultère qui se trouve dans l'Évangile de Jean [8, 1–11]:
Jésus se rendit à la montagne des oliviers. Mais, dès le matin, il alla de nouveau dans le temple, et tout le peuple vint à lui. S’étant assis, il les enseignait. Alors les scribes et les pharisiens amenèrent une femme surprise en adultère ; et, la plaçant au milieu du peuple, ils dirent à Jésus : « Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère. Moïse, dans la loi, nous a ordonné de lapider de telles femmes. Toi donc, que dis-tu ? » Ils disaient cela pour l’éprouver, afin de pouvoir l’accuser. Mais Jésus, s’étant baissé, écrivait avec le doigt sur la terre. Comme ils continuaient à l’interroger, il se releva et leur dit : « Que celui de vous qui est sans péché jette le premier la pierre contre elle. » Et s’étant de nouveau baissé, il écrivait sur la terre. Quand ils entendirent cela, accusés par leur conscience, ils se retirèrent un à un, depuis les plus âgés jusqu’aux derniers ; et Jésus resta seul avec la femme qui était là au milieu. Alors s’étant relevé, et ne voyant plus que la femme, Jésus lui dit : « Femme, où sont ceux qui t’accusaient ? Personne ne t’a-t-il condamnée ? » Elle répondit : « Non, Seigneur. » Et Jésus lui dit : « Je ne te condamne pas non plus : va, et ne pèche plus. » 
Dans l'ensemble des évangiles, Jésus hait l'adultère:
Vous avez appris qu’il a été dit : Tu ne commettras point d’adultère. Mais moi, je vous dis que quiconque regarde une femme pour la convoiter a déjà commis un adultère avec elle dans son cœur. [Matthieu 5, 27–28.]
Il a été dit : Que celui qui répudie sa femme lui donne une lettre de divorce. Mais moi, je vous dis que celui qui répudie sa femme, sauf pour cause d’infidélité, l’expose à devenir adultère, et que celui qui épouse une femme répudiée commet un adultère. [Matthieu 5, 31–32.]
Une génération méchante et adultère demande un miracle, etc. [Matthieu 12, 39.]
Les quatre évangiles condamnent les adultères, sauf ce passage [Jean 8, 1–11], il est donc probablement un intrus. Se rapporte-t-il pour autant à Simon le Magicien? À notre sens oui. La plupart des passages dans lesquels Jésus pardonne les péchés, comme s'il était Dieu, sont certainement des passages simoniens.
Nous émettons aussi de sérieuse réserves concernant la samaritaine. Certains passages ne posent pas de problèmes, mais d'autres sont clairement simonien, particulièrement les passages dans lesquels Jésus se déifie.

Il reste une dernière énigme. Dans le passage relatif à Jean le Baptiste, nous lisons un passage très curieux à son propos:
En effet, Hérode [Antipas] l'avait fait tuer [Jean le Baptiste], quoique ce fût un homme de bien et qu'il excitât les Juifs à pratiquer la vertu, à être justes les uns envers les autres et pieux envers Dieu pour recevoir le baptême; car c'est à cette condition que Dieu considérerait le baptême comme agréable, s'il servait non pour se faire pardonner certaines fautes, mais pour purifier le corps, après qu'on eût préalablement purifié l'âme par la justice. [Antiquités Juives, 18, 5, 2.]
Le baptême pour faire pardonner les fautes, peut se référer aux pratiques de conversions en usage chez les pharisiens; au baptême chrétien ou alors, il faudrait admettre que Simon le Magicien est bien un disciple de Jean le Baptiste qui a viré dans la magie... et qui a construit un baptisme révisé, qui prétendait pardonner les pécher et qui sera ultérieurement intégré au christianisme.

Les origines du christianisme restent bien mystérieuses. Il est possible que les rédacteurs des évangiles aient attribué des parties de la vie de Simon le Magicien à Jésus, afin de rendre Jésus plus attractif... soyons clair le Jésus qui énonce le Sermon sur la montagne est nettement moins attractif que le Jésus qui pardonne les péchés... Mais le Jésus qui énonce le Sermon sur la montagne est probablement Bannous, révisé par Flavius Josèphe.

Les judaïsants d'Alexandrie en développant la doctrine du Logos énoncée par Philon lui ont attribué comme fonction de pardonner les péchés. Jésus symboliquement étant une forme humaine du Logos, il pouvait apparaître comme normal qu'il pardonne les péché, n'empêche que cela donne à Jésus des allures de Simon le Magicien. La mode de l'époque (vox populi, vox dei) était au pardon des péchés... Pourtant le repentir existe dans le Judaïsme, mais le judaïsme laissait l'homme face à lui-même, dans l'ignorance de savoir si Dieu accepterait son repentir. Le christianisme offre le repentir et en plus garantit que votre repentir est accepté par Dieu. 
Maintenant, il est possible que Simon le Magicien avait peut-être énoncé une doctrine de la transgression volontaire, dans laquelle le péché était considéré comme un moyen de libération. Pécher devenait alors une action volontaire, le christianisme n'ira pas aussi loin. Enfin quoi que la transgression du sabbat ne semble pas poser de problèmes à Jésus. Mais ces passages, nous semblent indiquer que les judaïsants des années 120–150 voulaient justifier leur abandon du repos du sabbat.




mardi 9 juin 2015

Réflexion sur le christianisme et le judaïsme

L'explication le plus simple est souvent la meilleure.

Il y eut d'innombrables conversions au judaïsme, mais la majorité des habitants de l'Empire Romain hésitaient, pourquoi?

- Les lois de la cacheroute, dont l'interdiction de manger du porc...
- la circoncision, ils trouvaient cette coutume ridicule...
- le repos du sabbat leur semblait une perte de temps...
- l'infidélité réelle ou supposée du Judaïsme à l'empire romain...

Puis soudainement, apparaît une religion qui se présente comme un judaïsme, mais
- qui permet de manger du porc...
- qui ne pratique pas la circoncision...
- qui abolit le repos du sabbat...
- qui se veut fidèle à Rome et à ses institutions...

Oh amusant, un judaïsme romano-compatible... qui croit au LOGOS et à un homme divinisé auquel on peut s'adresser, comme on s'adressait aux dieux romains, ou grecs ou égyptiens pour être sauvé...

Désolé mais le christianisme sent l'artificiel... tous les points qui bloquaient les romains dans leur intérêt envers le Judaïsme sont comme par hasard levés dans le christianisme...

CQFD

Quelques sources littéraires des évangiles

Les évangiles offrent des parallèles avec la littérature érotique du Ier siècle. En fait, l'histoire littéraire des évangiles nous demeure inconnue. 

Le chant du coq

Le reniement de Pierre avant que le coq ne chante offre quelques comparaisons avec le Satiricon de Pétrone, dans lequel il est écrit (Chapitre 74):
Comme il, disait ces mots, le coq chanta. Trimalcion, troublé par son cri matinal, pour conjurer le sort, fit répandre du vin sous la table et en fit, par surcroît, arroser les lampes ; il passa même son anneau à la main droite. « Ce n’est pas sans raison, dit-il, que cette trompette donne l’alerte : il va y avoir un incendie quelque part, ou bien il y a, dans le voisinage, quelqu’un sur le point de rendre l’âme. Loin de nous ce présage ! Donc, à qui m’apportera ce trouble-fête je promets une gratification. »
La garde du tombeau

La garde du tombeau offre aussi des parallèles avec les chapitres 111–112 du même Satiricon de Pétrone:
Une dame d’Éphèse s’était acquis une telle réputation de chasteté que, des pays voisins, les femmes venaient la voir comme une curiosité. Cette dame donc, ayant perdu son mari, ne se contenta pas, comme tout le monde, de suivre l’enterrement, les cheveux épars, ou de frapper, devant la foule assemblée, sa poitrine nue, elle voulut accompagner le défunt jusque dans la tombe, garder son corps dans le caveau où, suivant la coutume grecque, on l’avait déposé, et y passer ses jours et ses nuits à le pleurer. Son affliction était telle qu’elle était résolue à se laisser mourir de faim. Parents ni amis n’y purent rien. Les magistrats eux-mêmes durent se retirer sans avoir mieux réussi. Pleurée déjà de tous comme un modèle de constance, elle avait passé cinq jours sans manger. Une servante fidèle assistait la veuve inconsolable et, tout en mêlant ses larmes aux siennes, ranimait la lampe placée dans le caveau chaque fois qu’elle baissait. On ne parlait pas d’autre chose dans la ville, et tous les hommes étaient d’accord pour glorifier cet exemple unique de vraie chasteté et d’amour sincère, quand le gouverneur de la province fit mettre en croix quelques voleurs tout près de l’édicule, où, toute à son deuil récent, la matrone pleurait sur un autre cadavre. La nuit suivante, le soldat qui gardait les croix de peur que quelqu’un ne vînt enlever les corps pour les ensevelir, vit une lumière qui, au milieu de ces sombres monuments, semblait briller d’un éclat plus vif, et entendit des gémissements de deuil. Cédant à la curiosité qui tourmente tout homme au monde, il voulut savoir qui était l’auteur ou quelle était la cause de ces phénomènes. Il descend donc dans le caveau et, tombant sur une femme de toute beauté, tout d’abord il s’arrête, l’esprit troublé d’histoires de fantômes, comme en présence d’une apparition surnaturelle ; mais bientôt, remarquant un cadavre étendu, les larmes de la femme, les marques de ses ongles sur son visage, il pensa, ce qui était vrai, qu’il avait affaire à une veuve incapable de se consoler de la perte de son époux. Il alla donc chercher son modeste souper, essaya de parler raison ; il remontra à la belle éplorée qu’elle avait tort de s’obstiner dans une douleur stérile, que tous ses gémissements ne serviraient à rien, que la même fin nous attendait tous, et aussi, hélas ! le même domicile. Bref, il lui tint tous les discours propres à guérir un cœur ulcéré. Mais elle, choquée qu’un étranger osât la consoler, se déchire le sein de plus belle, s’arrache les cheveux et les jette à poignées sur le corps de celui qu’elle pleure. Le soldat, sans se décourager, insiste de nouveau pour qu’elle prenne au moins quelque nourriture, tant et si bien que la servante, tentée sans doute par l’odeur du vin, et cédant à une instance si obligeante, tendit la première vers le souper sa main vaincue. Aussitôt restaurée, elle se mit à son tour en devoir de battre en brèche l’opiniâtreté de sa maîtresse : « À quoi vous sert-il, dit-elle, de vous laisser mourir de faim, de vous ensevelir toute vive, et, avant la date fixée par les destins, de livrer à l’Achéron une âme qu’il ne réclame pas encore ? Croyez-vous que, dans leur sépulture, cendres ou mânes, les morts se soucient encore de nos pleurs ? Ne voulez-vous pas revenir à la vie ? Ne voulez-vous pas, écartant ces chimères dont se nourrit trop facilement un cœur de femme, jouir de la lumière du jour tant que vous le pourrez ? La vue de ce corps glacé devrait suffire à vous convaincre combien la vie est chose précieuse. » On n’écoute pas impunément une voix amie qui vous exhorte à prendre de la nourriture et à vivre ; la veuve, exténuée par un jeûne de plusieurs jours, laisse enfin vaincre son opiniâtreté ; avec non moins d’avidité que sa servante, elle se garnit l’estomac. Mais elle avait cédé la dernière. Chacun sait quel nouveau besoin s’impose à l’homme aussitôt rassasié. Les mêmes moyens de persuasion par lesquels il avait obtenu que la matrone consente à vivre, le soldat en usa pour faire le siège de sa vertu. Encore jeune, il n’était dépourvu ni de beauté, ni d’éloquence. La chaste veuve s’en était aperçue. Du reste, la servante plaidait la cause du soldat et ne se lassait pas de dire : « Pourquoi lutter contre l’amour, t ne voyez-vous pas en quels lieux se consume votre beauté ? À quoi bon vous faire languir ? » Il y eut une autre partie de sa personne que la pauvre femme ne sut pas mieux défendre que son estomac, et le soldat triomphant put enregistrer un second succès. Donc ils couchèrent ensemble, et non seulement cette nuit même, qui fut celle de leurs noces, mais le lendemain et encore le jour suivant, non sans avoir eu soin de fermer la porte du caveau, de sorte que, si quelque parent ou ami était venu au tombeau, il eût certainement pensé que la trop fidèle épouse avait fini par expirer sur le cadavre de son mari. Quant au soldat, enchanté par la beauté de sa maîtresse et le mystère de l’aventure, il achetait, suivant ses modestes moyens, tout ce qu’il pouvait trouver de bon, et sitôt la nuit venue le portait dans le tombeau. C’est pourquoi les parents d’un des suppliciés, voyant que la surveillance se relâchait, le détachèrent pendant la nuit pour lui rendre les derniers devoirs. Mais le soldat coupable d’avoir abandonné son poste, quand il vit le lendemain une croix dégarnie de son cadavre, terrifié par la crainte du supplice, alla trouver la veuve pour lui raconter ce qui se passait : « Je n’attendrai pas, dit-il, la sentence du juge et, avec cette épée, je ferai moi-même justice de ma négligence. Je ne vous demande qu’une chose : réservez ici une place à celui qui meurt pour vous ; ainsi dans ce même tombeau viendront finir deux tristes destinées : celle de votre époux et celle de votre ami. » Mais cette femme non moins pitoyable que chaste : « Les dieux, dit-elle, ne permettront pas que j’assiste coup sur coup aux funérailles des deux hommes que j’ai le plus aimés ; mieux vaut encore mettre le mort en croix que d’être cause du meurtre du vivant. » Conformément à ce beau discours, elle ordonne à son amant de tirer son mari du cercueil et de l’aller clouer à la croix vacante. Le soldat s’empressa de suivre le conseil ingénieux de cette femme prudente, et, le lendemain, tout Éphèse se demandait comment diable ce mort avait bien pu s’y prendre pour aller se mettre en croix.
La crucifixion

On retrouve aussi d'intéressants parallèles dans le Roman de Chairéas et de Callirhoé composé par Chariton d'Aphrodite vers 50. Voyons d’abord l’expression « porter sa croix ». Dans le Roman, alors que Chairéas a été réduit en esclavage et que lui et son ami Polycharme vont être exécutés pour une révolte avec laquelle ils n’ont rien à voir, nous lisons la phrase (IV, 2, 7) :
Or Polycharme, portant sa croix. Polykharmos de ton stauron bastaxôn.
Ce qui correspond au passage de Luc (14, 27) :
Et quiconque ne porte pas sa croix, etc. ostis ou bastaxèi (porter) ton stauron (croix) eautou.
On trouve encore dans Jean (19, 17) :
et portant lui-même la croix, etc. kai bastaxôn eautôi ton stauron
Chairéas, ayant appris que sa belle va en épouser un autre, dit (IV, 3, 10) : 
Et j’ai porté ma croix. En grec : kai stauron ebastasa
Nous pouvons en conclure que « porter sa croix » était une expression devenue proverbiale, à la vue des condamnés forcés de porter leur croix, alors qu’ils étaient conduits au lieu où ils seraient suppliciés.
Polycharme révéla à Mithridate leurs véritables identités, qui, voyant que Chairéas était déjà monté sur sa croix, cria au bourreau (IV, 3, 6) :
Arrête ! descends-[le] ! En grec : Pheisai — katabêthi
Et les passants qui regardent Jésus crucifié, diront (Mt. 27, 39) :
Descends de la croix ! En grec : katabêthi apo tou staurou !
Dans les deux cas, il y a utilisation de l’impératif, comme le note Ilaria Ramelli.
Mais toutes ces mésaventures que subit Chairéas étaient quelque peu de sa faute. Les prétendants éconduits, en effet, avaient fait croire que la chaste Callirhoé l’avait trompé. Et rendu fou de colère à cause de cet amant imaginaire, il pénètre la demeure de sa fiancée, enfonce la porte de sa chambre et la frappe d’un coup de pied au ventre. Et Callirhoé mourut, du moins, le crut-on. La pauvre jeune fille est, certes, magnifiquement enterrée. C’est ainsi qu’elle finit par se réveiller dans son caveau, frissonante, tremblante, et incapable de raisonner (I, 8, 2) : 
Ensuite, se levant avec peine, elle toucha des couronnes et des bandelettes ; elle faisait sonner l’or et l’argent ; il y avait une forte odeur d’aromates.
Ce qui rappelle ce que raconte Jean (19, 40) :
Ils prirent donc le corps de Jésus et ils le lièrent par des bandelettes avec des aromates, en conformité à l’usage qu’ont les Juifs d’ensevelir.
Ce n’est pas l’usage des Juifs comme le croit Jean, mais l’usage des Grecs qu’il décrit. Et même si Chariton utilise pour « bandelettes », tainiôn et Jean othoniois, nous avons néanmoins d’importantes similitudes.
Callirhoé qui sent qu’elle va mourir car elle est abandonnée de tous et nul n’entend ses cris, c’est alors qu’un cupide pirate nommé Théron qui estime que tout cet or consacré à cette morte serait bien mieux entre ses mains, fait défoncer le tombeau. Callirhoé croit d’abord que c’est un démon qui vient lui tenir compagnie, mais se ravise et se dit que cela doit plutôt être des (I, 9, 3) : tumbôrukhous c’est-à-dire « des voleurs de sépultures ». Si le mot n’est pas prononcé dans les évangiles, il est clair que la garde autour du tombeau est une réminiscence de la crainte qu’on avait face à ce genre de pratiques, excepté que les disciples seront suspectés de voler son cadavre plutôt que des trésors.
Lorsque Chairéas se rend au tombeau, Chariton écrit :
Arrivé sur les lieux, il trouva les blocs de pierre déplacés et l’entrée tout à fait dégagée.
Nous reconnaissons encore une fois que le vocabulaire est différent de celui des évangiles, mais les idées sont parfaitement similaires.
On nous rétorquera que c’est un ange qui accueille les femmes, et l’ange n’est pas absent du récit de Chariton mais, l’ange est la « Renommée », en grec aggelos qui « divulgue cette nouvelle extraordinaire à Syracuse ».
Quand Chairéas et les autres sont entrés, ils comprennent que le tombeau de sa bien-aimée a été victime de violeurs de sépultures, et que le corps a été dérobé. Comme l’a été celui de Jésus.
Lorsque tous entrèrent, ils refusèrent de croire à cela apistias, comme les apôtres refusent de croire les femmes êpistoun
Chairéas, à cause de l’absence du cadavre, dit :
Sans doute je ne savais pas que j’avais pour femme une déesse.
La résurrection des morts ou leur apothéose aux cieux est pour un païen une déification.

Manger ma chair?

L'Évangile de Jean dit:
53. Jésus leur dit : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez son sang [répugnant], vous n’avez point la vie en vous-mêmes. 54. Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle ; et je le ressusciterai au dernier jour. 55. Car ma chair est vraiment une nourriture, et mon sang est vraiment un breuvage. 56. Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang demeure en moi, et je demeure en lui.
Ces répugnantes allusions à la chair de Jésus que l’on doit manger et à son sang que l’on doit boire, sont mentionnées dans le repas eucharistique décrit par les synoptiques, mais chair est remplacé par corps. Si la signification hermétique est pour nous certaine, il est clair que les passages ont été remaniés par un lecteur un peu trop assidu de Pétrone, ainsi au Chapitre CXLI du Satiricon, nous lisons : 
« J’ai trouvé, dit Eumolpe, un bon moyen de tenir en haleine nos coureurs d’héritages. » Et tirant son testament d’un sac, il nous lut ses dernières volontés : « Tous ceux qui sont couchés sur mon testament, à l’exception de mes affranchis, ne pourront toucher ce que je leur laisse qu’à la condition, après avoir préalablement coupé mon corps en morceaux, de le manger en présence du peuple assemblé. Pour qu’ils ne s’effrayent pas plus qu’il ne convient, qu’ils sachent que c’est une coutume observée chez certains peuples de faire manger les défunts par leurs proches, et cela est si vrai que l’on conjure souvent les moribonds de se hâter d’en finir pour ne point trop, gâter leur viande. Ceci pour encourager mes amis à ne pas me refuser ce que je demande, mais à déguster ma chair avec un zèle égal à celui avec lequel ils souhaitent : le départ de mon âme pour le royaume des ombres. »
L’onction à Bethanie

L’onction à Bethanie s’articule en trois versions, celle de Matthieu (26, 6–13) et de Marc (14, 3–9) qui sont similaires, et celle de Jean (12, 1–11) qui diverge. Les versions des évangiles diffèrent sur les points suivants : le lieu où cela se passe (chez Simon le Lépreux d’après les synoptiques, chez Lazare d’après Jean) ; les synoptiques ne nomment pas la femme qui oignit Jésus, alors que Jean dit que c’est Marie. Si tous les évangiles sont d’accord pour dire que celui qui se plaignit du gaspillage est Judas, seul Jean précise que Judas espérait vendre le parfum afin de pouvoir détourner à son profit cet argent. Nous en proposons une version composite.
Comme Jésus était à Béthanie, dans la maison de Simon le lépreux (Jean : Lazare qu’il avait ressuscité des morts), une femme s’approcha de lui, tenant un vase d’albâtre, qui renfermait un parfum de nard de grand prix ; et, pendant qu’il était à table, elle répandit le parfum sur sa tête (Jean : oignit les pieds de Jésus, et elle lui essuya les pieds avec ses cheveux ; et la maison fut remplie de l’odeur du parfum). Les disciples (Jean : Un de ses disciples, Judas Iscariot, fils de Simon, celui qui devait le livrer), voyant cela, s’indignèrent, et dirent : « À quoi bon cette perte ? On aurait pu vendre ce parfum très cher (Jean : trois cent deniers), et en donner le prix aux pauvres. » (Jean : Il disait cela, non qu’il se mît en peine des pauvres, mais parce qu’il était voleur, et que, tenant la bourse, il prenait ce qu’on y mettait.) Jésus, s’en étant aperçu, leur dit : « En répandant ce parfum sur mon corps, elle l’a fait pour ma sépulture. Pourquoi faites-vous de la peine à cette femme ? Elle a fait une bonne action à mon égard ; car vous avez toujours des pauvres avec vous, mais vous ne m’avez pas toujours. Je vous le dis en vérité, partout où cette bonne nouvelle sera prêchée, dans le monde entier, on racontera aussi en mémoire de cette femme ce qu’elle a fait. » (Jean : Une grande multitude de Juifs apprirent que Jésus était à Béthanie ; et ils y vinrent, non pas seulement à cause de lui, mais aussi pour voir Lazare, qu’il avait ressuscité des morts. Les principaux sacrificateurs délibérèrent de faire mourir aussi Lazare, parce que beaucoup de Juifs se retiraient d’eux à cause de lui, et croyaient en Jésus.)
Cette péricope offre des similitudes avec les Chapitres 77–78 du Satiricon de Pétrone, un texte éroticopornographique, dont voici le passage en question : 
Et il y a bien ici d’autres choses que je vais vous montrer tout à l’heure. « Croyez-moi : Tu as un sou, tu ne vaux qu’un sou ; sois riche et tu seras considéré. Ainsi moi, votre ami, qui n’étais qu’un ver de terre, me voilà roi. En attendant, Stichus, apporte-nous les vêtements funéraires dans lesquels je veux être enseveli ; apporte-nous aussi les parfums et un échantillon de cette amphore dont je désire qu’on arrose mes os. » Stichus ne fut pas long. Il rapporta dans la salle à manger une tunique blanche et une robe prétexte. Pygmalion nous pria de les tâter pour voir si elles étaient en bonne laine. Il ajouta en souriant : « Prends garde, Stichus, que les rats ou les teignes ne s’y mettent, car je te ferais brûler vif. Je veux avoir un bel enterrement, afin que tout le peuple bénisse ma mémoire. » Aussitôt, il débouche une fiole de nard et nous en fait frictionner, à la ronde : « J’espère, dit-il, qu’il me fera autant de plaisir après ma mort que maintenant. » Il fit verser du vin dans un grand vase et dit : « Supposons que vous êtes invités à mon repas de funérailles. » Cette lugubre comédie tournait au vomissement quand Trimalcion, ivre mort, s’avisa d’un nouveau divertissement : il fit entrer dans la salle des joueurs de cor et, soutenu par une pile de coussins, s’étendit sur un lit de parade : « Figurez-vous, dit-il, que je suis mort, et faites-moi un beau discours. » Les cors émirent aussitôt des sons lugubres.


Comparaison entre les récits de la mort de Jésus et de la destruction du Temple d'après Flavius Josèphe

Voici maintenant une version résumée dans laquelle nous comparons les deux récits :
Les Évangiles:
Jésus est arrêté par les mauvais Juifs.
Flavius Josèphe:
Les mauvais Juifs occupent le Temple
Les Évangiles:
Jésus est condamné par les Juifs
Flavius Josèphe:
Les insurgés incendièrent donc le portique du côté nord-ouest, là où il se rattachait à la tour Antonia, puis en abattirent environ vingt coudées, commençant ainsi de leurs propres mains l’incendie des saints lieux. (VI, ii, 9)
Les Évangiles:
Les Juifs livrent Jésus aux Romains, parce qu’ils ne peuvent pas le condamner eux-mêmes à mort.
Flavius Josèphe:
Donc, alors qu’ils eussent pu s’opposer aux incendies, ils ne firent rien devant l’envahissement de la flamme et se contentèrent d’en mesurer les progrès et l’utilité qu’ils en pouvaient retirer. (VI, ii, 9.)
Les Évangiles:
Mais ils [les prêtres] insistèrent, et dirent : « Il soulève le peuple, en enseignant par toute la Judée, depuis la Galilée, où il a commencé, jusqu’ici. »
Flavius Josèphe:
jamais les Juifs ne cesseront de se révolter, tant que le Temple où ils se rassemblent de tous les endroits du monde subsistera
Les Évangiles:
Pilate dit aux principaux sacrificateurs et à la foule : « Je ne trouve rien de coupable en cet homme. »
Flavius Josèphe:
Titus déclara que, même si les Juifs montaient sur le Temple pour combattre, lui-même ne se vengerait pas sur des objets inanimés de fautes commises par des hommes, et qu’il ne brûlerait jamais un si bel ouvrage.
Les Évangiles:
Pendant qu’il était assis sur le tribunal, sa femme lui fit dire : Qu’il n’y ait rien entre toi et ce juste ; car aujourd’hui j’ai beaucoup souffert en songe à cause de lui.
Flavius Josèphe:
[Comme si Bérénice n’était pas intervenue auprès de son amant, Titus pour sauver le Temple. Mais cela Flavius Josèphe ne peut pas le dire publiquement.]
Les Évangiles:
Le peuple demande qu’on libère Barabas qui était un brigand et qu’on tue Jésus
Flavius Josèphe:
Titus veut épargner leur ville, mais les insurgés doivent se rendre mais ils dirent qu’ils feraient, aussi longtemps qu’ils respireraient, le plus de mal possible aux Romains ; qu’ils ne se soucient pas de la perte de leur patrie, puisque, comme il dit, ils doivent bientôt périr.
Les Évangiles:
Le gouverneur dit : « Mais quel mal a-t-il fait ? » Et ils crièrent encore plus fort : « Qu’il soit crucifié ! » Pilate, voyant qu’il ne gagnait rien, mais que le tumulte augmentait, prit de l’eau, se lava les mains en présence de la foule, et dit : « Je suis innocent du sang de ce juste. Cela vous regarde. » Et tout le peuple répondit : « Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants ! » 
Flavius Josèphe:
Mais l’origine et la cause de l’incendie doivent être attribuées aux Juifs eux-mêmes. (VI, iv, 5). C’est ainsi que le Temple fut brûlé malgré César. (VI, iv, 7)

Les miracles de Jésus

Plusieurs miracles de Jésus ont été faits aussi par l’empereur Vespasien, qui guérissait des aveugles, des boiteux et des hommes aux mains paralysées. 
Voyons d’abord ce que dit Suétone dans La Vie des Douze Césars (Vespasien, §7) :
Cependant personne n’avait introduit ce Basilidès, que la goutte empêchait depuis longtemps de marcher, et que tout le monde savait être fort éloigné de là. Aussitôt arriva une lettre qui annonçait que les troupes de Vitellius avaient été défaites à Crémone, et qu’il avait été tué à Rome. Vespasien, prince nouveau et en quelque sorte improvisé, manquait encore de ce majestueux prestige qui appartient au souverain pouvoir: il ne se fit pas attendre. Deux hommes du peuple, l’un aveugle et l’autre boiteux, se présentèrent devant son tribunal, le priant de les guérir, sur l’assurance que Sérapis leur avait donnée pendant leur sommeil, que l’un recouvrerait la vue, si l’empereur voulait imprégner ses yeux de salive, et que l’autre se tiendrait ferme sur ses jambes, s’il daignait le toucher du pied. Vespasien, n’augurant aucun succès d’une telle cure, n’osait pas même l’essayer. Ses amis l’encouragèrent. Il fit donc l’une et l’autre expérience devant le peuple assemblé, et réussit. Vers le même temps, sur l’indication des devins, on déterra à Tégée, en Arcadie, des vases antiques qui étaient enfouis dans un lieu consacré, et l’on y reconnut la vivante image de Vespasien.
Nous trouvons aussi dans Tacite, Histoires, Livre IV, §81 : 
Pendant les mois que Vespasien passa dans Alexandrie, pour attendre le retour périodique des vents d’été et la saison où la mer devient sûre, plusieurs prodiges arrivèrent, par où se manifestèrent la faveur du ciel et l’intérêt que les dieux semblaient prendre à ce prince. Un Alexandrin, homme du peuple, connu pour avoir perdu la vue, se jette à ses genoux et implore en gémissant un remède à son mal. Il se disait envoyé par une révélation de Sérapis, la principale divinité de cette nation superstitieuse, et il conjurait l’empereur de daigner lui humecter les joues et les yeux avec la salive de sa bouche. Un autre, perclus de la main, demandait, sur la foi du même dieu, que cette main fût foulée par le pied de César. Vespasien les repoussa d’abord avec moquerie. Comme ils insistaient, le prince hésita : tantôt il craignait le reproche d’une crédule présomption, tantôt l’ardeur de leurs prières et les flatteries des courtisans lui donnaient de la confiance. Enfin il ordonne aux médecins d’examiner si le mal qui prive l’un de ses yeux, l’autre de son bras, peut être vaincu par des moyens humains. Les médecins, après des raisonnements divers, répondirent « que la force visuelle n’était pas détruite dans l’aveugle, et qu’elle reviendrait si on écartait l’obstacle ; que la main de l’autre, jetée hors de sa position naturelle, y pouvait être rétablie par une salutaire pression ; que peut-être c’était la volonté des dieux, et qu’ils avaient choisi le prince pour instrument de leurs œuvres ; qu’après tout, si le remède opérait, la gloire en serait à César ; s’il était vain, le ridicule tomberait sur ces misérables. » Vespasien, plein de l’idée que tout est possible à sa fortune, et ne voyant plus rien d’incroyable, prend un air satisfait, et, au milieu d’une foule attentive et curieuse, il exécute ce qui est prescrit. À l’instant la main paralysée est rendue à ses fonctions, et le jour brille aux yeux de l’aveugle. Ces deux prodiges, des témoins oculaires les racontent encore aujourd’hui que le mensonge est sans intérêt.
Ces miracles sont attribués à Jésus dans les évangiles. Nous avons une guérison de deux aveugles en Matthieu 9, 27-31, mais le miracle est attribué à la foi. Les autres guérisons d’aveugles sont décrites en Marc 8, 22–27 et en Jean 9, 1–41. Dans Marc, nous trouvons le passage suivant :
Ils se rendirent à Bethsaïda; et on amena vers Jésus un aveugle, qu’on le pria de toucher. Il prit l’aveugle par la main, et le conduisit hors du village; puis il lui mit de la salive sur les yeux, lui imposa les mains, et lui demanda s’il voyait quelque chose. Il regarda, et dit: J’aperçois les hommes, mais j’en vois comme des arbres, et qui marchent. Jésus lui mit de nouveau les mains sur les yeux; et, quand l’aveugle regarda fixement, il fut guéri, et vit tout distinctement.
Similaire à Jean, qui écrit : 
Après avoir dit cela, il cracha à terre, et fit de la boue avec sa salive. Puis il appliqua cette boue sur les yeux de l’aveugle, et lui dit : « Va, et lave-toi au réservoir de Siloé (nom qui signifie “envoyé”). » Il y alla, se lava, et s’en retourna voyant clair. 
Notons que chez Jean, ce passage est suivi de spéculations sur la divinité de Jésus, similaire aux interrogations de Vespasien sur sa propre divinité, le tout accompagné de l’antisémitisme duquel est coutumier l’Évangile de Jean. 
Notons encore que quelques passages de la péricope peuvent se rapporter à l’esprit de Vérité qui est le guide intérieur :
Pendant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde.
Le passage suivant est valide, mais hors contexte, il se rapporte aux responsabilités supplémentaires de l’homme dont la connaissance spirituelle augmente :
Si vous étiez aveugles, vous n’auriez pas de péché. Mais maintenant vous dites : “Nous voyons.” C’est pour cela que votre péché subsiste.
Le boiteux est similaire au paralytique dont la guérison est décrite en Matthieu 9, 1–8, Marc 2, 1–12 et Luc 5, 17–26, notons que dans ces passages les guérisons sont présentées comme étant issues de la faculté qu’aurait Jésus de pardonner les péchés. Nous vous proposons la version de Marc (Luc est similaire, Matthieu résume) :
Quelques jours après, Jésus revint à Capernaüm. On apprit qu’il était à la maison, et il s’assembla un si grand nombre de personnes que l’espace devant la porte ne pouvait plus les contenir. Il leur annonçait la parole. Des gens vinrent à lui, amenant un paralytique porté par quatre hommes. Comme ils ne pouvaient l’aborder, à cause de la foule, ils découvrirent le toit de la maison où il était, et ils descendirent par cette ouverture le lit sur lequel le paralytique était couché. Jésus, voyant leur foi, dit au paralytique : « Mon enfant, tes péchés sont pardonnés. » Il y avait là quelques scribes, qui étaient assis, et qui se disaient au dedans d’eux : « Comment cet homme parle-t-il ainsi ? Il blasphème. Qui peut pardonner les péchés, si ce n’est Dieu seul ? » Jésus, ayant aussitôt connu par son esprit ce qu’ils pensaient au dedans d’eux, leur dit : « Pourquoi avez-vous de telles pensées dans vos cœurs ? Lequel est le plus aisé, de dire au paralytique : “Tes péchés sont pardonnés”, ou de dire : “Lève-toi, prends ton lit, et marche ?” Or, afin que vous sachiez que le Fils de l’homme a sur la terre le pouvoir de pardonner les péchés : “Je te l’ordonne”, dit-il au paralytique, “lève-toi, prends ton lit, et va dans ta maison.” » Et, à l’instant, il se leva, prit son lit, et sortit en présence de tout le monde, de sorte qu’ils étaient tous dans l’étonnement et glorifiaient Dieu, disant : « Nous n’avons jamais rien vu de pareil. »
Certes un paralytique n’est pas tout à fait un boiteux, mais notons l’importance d’avoir la foi en Vespasien, l’évangile encourage la dévotion aux êtres humains. On nous dira que Vespasien n’est pas Dieu, mais que Jésus le serait. Suétone dans La Vie des Douze Césars (Vespasien, §23) :
Ni le danger, ni la crainte de la mort ne l’empêchaient de plaisanter. [...] Dès le commencement de sa maladie [qui devait l’emporter], il se mit à dire : « Je crois que je deviens dieu. »
L’idée que Vespasien est Dieu est commune à l’époque. Pour nous, la déification de Jésus, c’est du paganisme.
La guérison d’une main par Jésus se retrouve aussi dans les évangiles, en Matthieu 12, 9–15, en Marc 3, 1–6, en Luc 6, 6–11 et dans l’Évangile des Nazoréens. Notons encore que les textes visent à contredire le repos du sabbat, et que ce miracle sera l’une des raisons pour laquelle les pharisiens et les hérodiens (?) veulent le faire mourir. Nous vous proposons un texte composite qui tient compte des nuances qui proviennent de l’Évangile des Nazoréens : 
Étant parti de là, Jésus entra dans la synagogue. Et voici, il s’y trouvait un homme qui avait la main sèche. Il dit à Jésus : « J’étais maçon, et c’est par mes mains que j’arrivais à vivre ; je t’en prie, Jésus, rends-moi la santé, de façon à ce que je n’aie pas la honte de mendier ma nourriture. » Alors il dit à l’homme : « Étends ta main. » Il l’étendit, et elle devint saine comme l’autre.
Comme nous le voyons, les miracles de Jésus copient les miracles attribués à l’empereur Vespasien.

Ecce homo
Les évangiles de Matthieu et de Marc mentionnent que Jésus fut revêtu par les soldats d’une chlamyde écarlate chez Matthieu et seulement de pourpre chez Marc, qu’ensuite Matthieu raconte qu’ils lui tressèrent une couronne d’épines sur la tête et qu’ils lui mirent un roseau dans la main droite et qu’ils fléchirent le genou devant lui. Matthieu et Marc convergent alors en affirmant qu’il fut salué comme « Roi des Juifs », qu’ils le frappèrent à la tête avec un roseau. Ensuite il fut dévêtu de ses vêtements royaux et revêtu de ses anciens vêtements. Luc ne mentionne rien de cela. 
Cet épisode cruel est un copier-coller d’un épisode mentionné dans l’In Flaccum de Philon d’Alexandrie et qui s’est déroulé dans les troubles qui suivirent la venue du roi Agrippa à Alexandrie, certains en vinrent à prétendre qu’il fut acclamé par les Juifs comme étant leur Roi, ce qui suscita des émeutes dans la ville, en disant que les Juifs n’étaient plus fidèles à l’Empereur de Rome (notons la manière dont les juifs accusent Pilate, dans Jean), et donc Philon écrit : 
[36.] Il y avait un dénommé Carabas (notons la proximité Carabas-Barabas, même si carabas pourrait être un terme de marine portuaire), atteint de folie, non pas de folie sauvage et bestiale — car cette dernière est dangereuse pour ceux qui en sont atteints et pour ceux qui les approchent —, mais de folie bénigne et douce (ce que nous appellerions « un simple d’esprit »). Cet individu qui restait nu jour et nuit par les chemins, sans chercher à éviter la chaleur ni le froid, était le jouet des gamins et des jeunes désœuvrés. [37.] Ils poussèrent ensemble ce malheureux jusqu’au gymnase, l’installèrent dans le haut, bien en vue de tout le monde. Ils aplanissent une feuille de papyrus qu’ils lui mettent sur la tête en guise de diadème. Ils lui couvrent le reste du corps d’une carpette en guise de chlamyde et, en guise de sceptre, l’un d’eux lui remet un petit bout de tige de papyrus du pays, qu’il avait aperçu, jeté au rebut sur la route. [38.] Quand on lui eut remis, comme au théâtre dans les farces les insignes de la royauté et qu’il fut attifé en roi, de jeunes garçons, en guise de lanciers, bâton sur l’épaule, lui firent la haie des deux côtés, en jouant les gardes du corps. Ensuite, d’autres s’avancèrent, qui pour le saluer, qui pour se faire rendre justice, qui pour lui présenter des requêtes d’intérêt public. [39.] Puis de la foule debout tout autour, retentit un cri étrange, le nom de Marin — il paraît que c’est le titre qu’on donne au souverain en Syrie —, car ils savaient qu’Agrippa était de race syrienne et que c’était une partie importante de la Syrie qu’il avait en royaume. [40.] En apprenant tout cela, ou plutôt en le voyant, Flaccus aurait pu, à bon droit, faire prendre le fou et le faire emprisonner pour enlever à ceux qui l’accablaient d’injures une occasion de passer à l’outrage envers les personnes de haut rang. Il aurait dû punir les organisateurs de la scène, puisqu’ils avaient osé outrager tant par les voies de fait qu’en paroles, tant ouvertement que de manière détournée, un roi ami de l’empereur et à qui le Sénat romain avait décerné les insignes prétoriens.
Le travestissement de Carabas aura influencé la rédaction sur la prétention à la royauté de Jésus et sur les vêtements royaux dont il fut déguisé. Il semble que Carabas finira exécuté purement et simplement. Quand les juifs disent : Quiconque se fait roi, conteste César, c’est comme un écho aux reproches des Alexandrins à propos d’Agrippa lors de son séjour à Alexandrie.