mardi 16 février 2016

Qui sont le soldat Pantera et Marie la coiffeuse?

Les chrétiens ont affirmé la naissance virginale de Marie autant que sa conception miraculeuse par l'Esprit Saint; cette narration fut raillée dans le Talmud avec l'histoire du soldat Panthera et de Marie la coiffeuse.
Cette histoire est assez simple: Marie était fiancée à Joseph et elle eut une relation sexuelle avec un soldat romain du nom de Panthera, et c'est de lui que naquit Jésus, faisant de ce dernier un bâtard et non le fils de Dieu. 
Lorsque de telles histoires sont narrées, il faut surtout ne pas se limiter au cadre dans lequel elles ont été énoncées. En effet, une telle histoire peut avoir existé; et avec la rupture du judaïsme et du christianisme, avoir été recyclée dans le cadre des polémiques sur la naissance miraculeuse ou non de Jésus. 
Pour nous, cette histoire n'a rien à voir à l'origine avec Jésus, mais nous semble faire allusion à la relation de l'empereur Titus avec la reine Bérénice, quant au mystérieux enfant de Marie la coiffeuse serait un hypothétique fils de Titus et de Bérénice. 
Notre hypothèse n'est pas sans difficulté; en effet, Bérénice de Judée, fils d'Agrippa Ier est née vers 28, si elle eut un enfant avec Titus, ce dernier ne peut être né qu'à deux moments, soit vers 70–71, alors que Bérénice avait 42 ans; soit, après son départ de Rome en 78, alors qu'elle a 50 ans. La question de l'âge de Bérénice est évidemment au centre du problème de notre hypothèse, néanmoins, même si un tel âge pour une naissance est rare dans les époques anciennes, cela ne permet pas pour autant de la balayer d'un revers de main.

D'abord, la date de naissance de Bérénice est inconnue, elle n'est déduite que des œuvres de Flavius Josèphe. Or dans ses œuvres, Flavius Josèphe dissimule soigneusement la relation de Titus et de Bérénice, il peut donc l'avoir vieillie de quelques années afin d'accentuer la différence d'âge entre eux afin de faire taire les rumeurs sur leur relation: Titus est né en 39, et était donc 11 ans plus jeune qu'elle si nous suivons sa chronologie. Comme on le voit l'histoire n'est pas simple, d'autant qu'elle touche à d'éventuels problèmes dans la succession de Titus.
On sait que Titus mourut soudainement en 81 et que son frère Domitien lui succède; immédiatement, Domitien semble avoir écrit à Agrippa II et lui ordonne de faire assassiner discrètement sa sœur Bérénice de Judée. Certes, l'assassinat de Bérénice est incertain, mais il faut quand même admettre que les silences sur sa mort ressemblent à une damnatio memoriæ de fait. 

Si Domitien a fait assassiner Bérénice, on doit évidemment se demander pourquoi... Et nous pensons que la moins mauvaise explication, c'est bien d'imaginer que Titus et Bérénice auraient eu un enfant qui aurait dû succéder à son père. Domitien, en assassinant sa belle-sœur de fait et son neveu, éliminait le risque de toutes revendications futures. En outre, au sein du sénat romain, existait une guerre sourde entre les sénateurs judaïsants et les païens radicaux; ces derniers étaient effrayés de la séduction que le judaïsme exerçait sur les Romains toutes classes confondues. On estime qu'entre 0 et 70, entre deux et trois millions de païens se sont convertis au judaïsme avec acceptation de la circoncision; rappelons que l'Empire Romain comptait soixante millions d'habitants, cela fait 5% de sa population. Une naissance, même tenue secrète, d'un fils de Titus et de Bérénice, serait pour les païens radicaux une catastrophe; en effet, Titus aurait eu un fils juif pour les Juifs, ils devaient imaginer avec angoisse l'Empire Romain devenir l'Empire Juif et le Capitole devenir un Temple juif. 

Cette histoire, si elle est réelle, pourrait avoir survécu dans les milieux judaïsants, et aurait inspiré la rédaction de la fuite de l'enfant Jésus; les rabbins rétorquant avec leur version de l'histoire: le soldat Panthera et Marie la coiffeuse.

Si un tel enfant a bien existe, ce qui je l'avoue est hypothétique, on peut lui imaginer cinq devenir:
  1. Il est mort à la naissance (mais alors pourquoi Domitien fait assassiner Bérénice en 82?)
  2. Il est assassiné avec sa mère vers 82
  3. Il survit, mais a une vie obscure...
  4. Il survit, et devient connu, et cet enfant pourrait correspondre à Rabbi Onkelos, traducteur de la Bible en araméen et réputé fils de Titus, or Titus n'a pas eu de fils, juste une fille; elle-même n'a pas eu de fils...
  5. Il survit, et devient connu, et cet enfant pourrait correspondre à Shimeon bar Kokheba qui commanda la révolution de 132–135: 
Notre préférence va à cette dernière hypothèse et examinons s'il existe des traces littéraires de celle-ci. Si trace, il existe, ce n'est évidemment pas dans Suétone ou dans Flavius Josèphe qu'on les trouvera: leurs œuvres étaient des œuvres soumises à l'imprimatur, ce qui avait l'avantage pour leurs auteurs, que leurs œuvres étaient lues publiquement partout dans l'Empire, mais l'inconvénient qu'elles étaient censurées, afin de refléter la vérité officielle de l'Empire. La vérité officielle de l'Empire est simple: Titus et Bérénice ne furent jamais amants, ce n'est que dans les œuvres postérieures à la mort de Domitien (il meurt en 96) que cette information peut être écrite; Flavius Josèphe ne souffle mot de leur relation, par exemple. Suétone (vers 120, donc) mentionne leur relation, mais ne dit rien d'une naissance cachée, soit qu'il n'y en eut pas, soit qu'il ne la connaissait pas, soit qu'il ne pouvait pas ou ne souhaitait pas en parler.

La description physique de Shiméon bar Kokheba n’est pas sans rappeler celle de Titus, puisque l’un comme l’autre étaient massifs, forts et semblaient gigantesques. Son véritable patronyme était Shiméôn bar Kôsèvâ, c’est-à-dire «le Fils de Kôsèvâ», ou «le Fils du Pasteur» [Attesté par les manuscrits découverts en 1960 dans une grotte de Nahal Hever près de la Mer Morte, dans lesquelles furent mises à jour deux lettres autographes, il s'agit de lettres qui ordonnent l'arrestation de quelques uns de ses opposants]; il était surnommé Shiméôn bar Kôkèbâ, c’est-à-dire «le Fils de l’Étoile» par ses partisans et, suite à la défaite de 135, les rabbins l’appelèrent Shiméôn bar Kôzîvâ, c’est-à-dire «le Fils du Mensonge». 

Notons que l’étoile que suivent les mages et qui les mènera à l’enfant Jésus pourrait faire allusion à Bar Kokheba, le faux messie guerrier opposé au vrai messie pacifique qui est Jésus. Il s’appelait donc «Fils du Pasteur»,  ce qui ne veut rien dire, Kôsevâ n’étant pas attesté comme prénom. Son nom est donc un surnom, sa description le rapproche fortement des descriptions des Flaviens et c’est peut-être la moins mauvaise hypothèse. On mentionne bien des origines davidiques, mais ces origines sont tellement vague qu’on ne sait quoi en penser.

La fuite de l'enfant Jésus serait alors une réécriture de sa fuite enfant, pour échapper aux tueurs de Domitien. 
On lit dans le Talmud de Jérusalem, l'histoire suivante:
Les rabbins disent: «Quant au roi Messie, qu'il lasse partie des vivants ou des morts, il se nommera David (c'est-à-dire, qu'il existe déjà ou non, il sera de souche royale)». En voici, selon Rabbi Tanhouma, le motif: Il fait grâce, est-il dit, à son oint, à David (Psaume 15, 51). R. Josué ben-Lévi dit qu'il se nommera Cémah; selon R. Judan, Fils de R. Aïbo, son nom sera Menahem (consolateur). Hanina, fils d'Abahou, dit: Il ne faut pas croire que l’avis de l’un contredise celui de l'autre, car au fond ces noms sont les mêmes. Le fait suivant, raconté par R. Judan fils de R. Aïbo, le prouve: «Il arriva un jour à un israélite, au moment où il cultivait son champ, d'entendre sa vache se plaindre. Un Arabe qui passait l'écoute: “Fils de Juda, dit-il, fils de Juda, laisse là ta vache et ta charrue, car le moment approche où tu seras ruiné (et tu devras ou te mettre en deuil, ou fuir, au lieu de cultiver la terre).” La vache mugit une seconde fois: “Fils de Juda, dit l'Arabe, fils de Juda, reprends ta vache et ta charrue, car le roi Messie vient de naître. — Comment s'appelle-t-il?— Menahem. — Et comment se nomme son père? — Ézéchias. — Et d'où est-il? — De la ville royale de Bethlehem en Judée.” L'Hébreu alla alors acheter un taureau et une charrue pour reprendre la culture. Il acheta aussi des vêtements d'enfant. Des maîtres entraient et d'autres sortaient. Lorsqu'il arriva à ladite ville, il vit que toutes les femmes achetaient des effets, excepté la mère de Menahem. Aussi entendait-il répéter par les femmes: “Mère de Menahem, viens donc acheter quelque objet pour ton enfant. — Oh, disait-elle, je voudrais voir étranglés les ennemis d'Israël! Car, au jour de la naissance du Messie, j'apprends la ruine prochaine du temple de Jérusalem. — Nous sommes certains, répondit le voyageur, que si à cause de lui le temple doit être ruiné, il sera aussi rebâti par lui. (Console-toi donc et achète.) — Mais, dit-elle, je n'ai pas une obole. — Que t’importe? dit-il; va, achète ce qu'il te faut; si tu n'as pas aujourd'hui devant toi l'argent nécessaire, demain je viendrai en payer le prix.” Deux jours après, il revint effectivement dans cette ville: “Qu'as-tu fait de ton enfant, demanda-t-il à la femme? — Je ne sais, répondit-elle; depuis que tu m'as vue, des vents d'orage et des tempêtes sont survenus et me l’ont enlevé des mains.”» R. Boun dit: «À quoi bon apprendre tout cela du fait concernant l'Arabe? un verset textuel de la Bible le confirme: Le Liban, est-il dit (Isaïe, x, 3), tombera avec majesté; et ces mots sont suivis de ceux-ci: une branche sortira de la souche d'Isaïe (c'est-à-dire, la destruction du temple sera compensée par la naissance d'un Messie descendant de David).» [Talmud de Jérusalem, Traité Berakhot, traduction Schwab, page 42–43.]
Cette histoire mélange plusieurs événements: Menahem fils d'Ézéchias est une allusion à Menahem, qui était le chef des sicaires et un descendant d'Ézéchias qui commanda une révolte en –47, quand Hérode était stratège de Galilée; ce Menahem se proclama peut-être roi de Judée ou messie pendant la première guerre judéo-romaine et il sera assassiné par les chefs des autres factions, probablement par les pharisiens. Le neveu de Menahem lui succèdera en tant que chef des sicaires, il sera le dernier commandant de Massada et se suicidera avec ses troupes, juste avant l'entrée des Romains dans la forteresse.
Néanmoins, en-dehors de ces références, on constate l'existence d'une tradition faisant naître le messie au moment de la destruction du Temple, et que ce messie disparaît, emporté par une tempête. 
Notons que l'enfant de Bérénice et de Titus, s'il a existé, est probablement né un peu après la destruction du Temple. L'enfant est emporté par le vent, peut-être une allusion à Domitien qui le fait rechercher.

La réponse se trouve peut-être dans l’Apocalypse, en effet deux chapitres nous semblent décrire contradictoirement cet hypothétique fils de Bérénice. Rappelons que l’Apocalypse est un recueil de textes divers, maladroitement unifiés entre eux, et dont l’une des principales parties raconte la dualité entre deux enfants, l’un issu de la vierge et l’autre issu de la Bête. 
666 : ce nombre mystérieux a fasciné et été craint par de nombreux hommes, sans pour autant que son sens exact ne soit exactement percé. Nous pensons que le sens de ce nombre se réfère au roi Hérode Agrippa II qui permit à Vespasien d’étendre sa domination sur toute la Judée. Le nom Hérode s’écrit d’une multitude de façons, parmi celles-ci: hôrôdôs (hébreu הורודוס). En hébreu, chaque lettre a une valeur et certaines lettres ont plusieurs prononciations : le vav (hébreu ו) peut se prononcer «v», «ô» ou «û» et vaut «6». Revenons au nom d’Hérode Agrippa II, quand les Juifs voyaient son nom, ils le lisaient HÔRÔDÔS, mais ils le voyaient comme H 6 R 6 D 6 S. Il y a eu une erreur le nombre de la Bête n’est pas 666 (six cent soixante-six), mais 6 6 6 (six six six). On sait aussi que ce roi fit frapper des pièces avec son effigie ou les effigies de l’Empereur après la Première Guerre Judéo-Romaine, ce qui ne s’était jamais vu en Judée, c’est ce que le texte appelle « être marqué au nom de la Bête ou au chiffre de son nom ». Chaque juif devant à ce moment-là utiliser ce type de monnaies. La seconde identification du 666 a été proposée par Thomas Witulski, il s’agirait du nom hébreu de l’empereur Hadrien qui vaut aussi 666. Les deux significations ne s'excluent d'ailleurs pas, en réalité, l'une des spécialité des temps anciens, c'est le recyclage de textes: on prend un texte préexistant, on change un détail et ainsi on a un nouveau texte. Néanmoins, nous ne voyons pas très bien à quels événements de la vie d'Hadrien rattacher les passages que nous allons examiner.
Nous allons donc soumettre quelques passage qui dans l’Apocalypse pourraient se référer à Titus, à Bérénice, à Domitien ou à Agrippa II.
[CHAPITRE XII]. 1. Un grand signe parut dans le ciel: une femme enveloppée du soleil, la lune sous ses pieds, et une couronne de douze étoiles sur sa tête. [C’est une reine, donc vraisemblablement Bérénice de Judée.] 2. Elle était enceinte [de Titus?], et elle criait, étant en travail et dans les douleurs de l’enfantement. 3. Un autre signe parut encore dans le ciel; et voici, c’était un grand dragon rouge [Vespasien, Titus, mais ici plus probablement Domitien], ayant sept têtes et dix cornes, et sur ses têtes sept diadèmes. [Rome est la ville bâtie sur sept collines.] 4. Sa queue entraînait le tiers des étoiles du ciel, et les jetait sur la terre. Le dragon se tint devant la femme qui allait enfanter, afin de dévorer son enfant, lorsqu’elle aurait enfanté. [Domitien veut tuer le fils de Titus et de Bérénice.] 5. Elle enfanta un fils, qui doit paître toutes les nations avec une verge de fer. Et son enfant fut enlevé vers Dieu et vers son trône. [Si Titus avait vécu, il aurait pu imposer leur fils comme empereur de Rome, l’Empereur juif de Rome.] 6. Et la femme s’enfuit dans le désert, où elle avait un lieu préparé par Dieu, afin qu’elle y fût nourrie pendant mille deux cent soixante jours [peut-être que Bérénice a survécu caché à la tentative d’assassinat de son frère Hérode Agrippa]. 
[Ici commence une partie plus proprement prophétique qui ne s’est pas réalisée, puisque le fils de Titus n’a pas hérité du trône de Rome, ce passage doit expliquer que le paganisme romain des philosophes va s’effondrer malgré le soutien de Domitien.] [CHAPITRE XII]. 7. Et il y eut guerre dans le ciel. Michel et ses anges combattirent contre le dragon. Et le dragon et ses anges combattirent, 8. mais ils ne furent pas les plus forts, et leur place ne fut plus trouvée dans le ciel. 9. Et il fut précipité, le grand dragon, le serpent ancien, appelé le diable et Satan, celui qui séduit toute la terre, il fut précipité sur la terre, et ses anges furent précipités avec lui. 10. Et j’entendis dans le ciel une voix forte qui disait : maintenant le salut est arrivé, et la puissance, et le règne de notre Dieu, et l’autorité de son Christ ; car il a été précipité, l’accusateur de nos frères, celui qui les accusait devant notre Dieu jour et nuit. 11. Ils l’ont vaincu à cause du sang de l’agneau et à cause de la parole de leur témoignage, et ils n’ont pas aimé leur vie jusqu’à craindre la mort. 12. C’est pourquoi réjouissez-vous, cieux, et vous qui habitez dans les cieux. Malheur à la terre et à la mer ! car le diable est descendu vers vous, animé d’une grande colère, sachant qu’il a peu de temps. 
[Ici commence une nouvelle partie dans laquelle Domitien cherche à mettre Bérénice à mort.] [CHAPITRE XII]. 13. Quand le dragon vit qu’il avait été précipité sur la terre, il poursuivit la femme qui avait enfanté l’enfant mâle. 14. Et les deux ailes du grand aigle furent données à la femme, afin qu’elle s’envolât au désert, vers son lieu, où elle est nourrie un temps, des temps, et la moitié d’un temps, loin de la face du serpent. 15. Et, de sa bouche, le serpent lança de l’eau comme un fleuve derrière la femme, afin de l’entraîner par le fleuve. 16. Et la terre secourut la femme, et la terre ouvrit sa bouche et engloutit le fleuve que le dragon avait lancé de sa bouche. [Donc Bérénice, mais plus probablement son fils, a échappé aux griffes de Domitien.] 17. Et le dragon fut irrité contre la femme, et il s’en alla faire la guerre au restes de sa postérité, à ceux qui gardent les commandements de Dieu et qui ont le témoignage de Jésus. [Ceci doit se référer aux persécutions antijudaïques de Domitien.]
[CHAPITRE XIII]. 1. Et il se tint sur le sable de la mer. Puis je vis monter de la mer une bête qui avait dix cornes et sept têtes, et sur ses cornes dix diadèmes, et sur ses têtes des noms de blasphème. 2. La bête que je vis était semblable à un léopard ; ses pieds étaient comme ceux d’un ours, et sa gueule comme une gueule de lion. Le dragon lui donna sa puissance, et son trône, et une grande autorité. 3. Et je vis l’une de ses têtes comme blessée à mort [allusion à l’effondrement des recettes fiscales consécutives à la Première Guerre judéo-romaine]; mais sa blessure mortelle fut guérie. [Ceci correspond au règne de Domitien qui vit le redressement des finances romaines vers 90.] Et toute la terre était dans l’admiration derrière la bête. 4. Et ils adorèrent le dragon, parce qu’il avait donné l’autorité à la bête; ils adorèrent la bête, en disant: Qui est semblable à la bête, et qui peut combattre contre elle? 5. Et il lui fut donné une bouche qui proférait des paroles arrogantes et des blasphèmes; et il lui fut donné le pouvoir d’agir pendant quarante-deux mois. 6. Et elle ouvrit sa bouche pour proférer des blasphèmes contre Dieu, pour blasphémer son nom, et son tabernacle, et ceux qui habitent dans le ciel. 7. Et il lui fut donné de faire la guerre aux saints, et de les vaincre. [Cela correspond à nouveau aux persécutions antijudaïques de Domitien.] Et il lui fut donné autorité sur toute tribu, tout peuple, toute langue, et toute nation. 8. Et tous les habitants de la terre l’adoreront, ceux dont le nom n’a pas été écrit dès la fondation du monde dans le livre de vie de l’agneau qui a été immolé. 9. Si quelqu’un a des oreilles, qu’il entende! 10. Si quelqu’un mène en captivité, il ira en captivité; si quelqu’un tue par l’épée, il faut qu’il soit tué par l’épée. C’est ici la persévérance et la foi des saints.
[La partie suivante marque une rupture avec la précédente, mais cela ne doit pas surprendre l'Apocalypse réunit des textes divers.] [CHAPITRE XIII]. 11. Puis je vis monter de la terre une autre bête, qui avait deux cornes semblables à celles d’un agneau, et qui parlait comme un dragon. 12. Elle exerçait toute l’autorité de la première bête en sa présence, et elle faisait que la terre et ses habitants adoraient la première bête, dont la blessure mortelle avait été guérie. 13. Elle opérait de grands prodiges, même jusqu’à faire descendre du feu du ciel sur la terre, à la vue des hommes. 14. Et elle séduisait les habitants de la terre par les prodiges qu’il lui était donné d’opérer en présence de la bête, disant aux habitants de la terre de faire une image à la bête qui avait la blessure de l’épée et qui vivait. [Allusion au règne d’Agrippa II qui instaura le culte des images en Judée.] 15. Et il lui fut donné d’animer l’image de la bête, afin que l’image de la bête parlât, et qu’elle fît que tous ceux qui n’adoreraient pas l’image de la bête fussent tués. 16. Et elle fit que tous, petits et grands, riches et pauvres, libres et esclaves, reçussent une marque sur leur main droite ou sur leur front, 17. et que personne ne pût acheter ni vendre, sans avoir la marque, le nom de la bête ou le nombre de son nom. 18. C’est ici la sagesse. Que celui qui a de l’intelligence calcule le nombre de la bête. Car c’est un nombre d’homme, et son nombre est six cent soixante-six. 
[Ici nous lisons une nette critique de la princesse Bérénice de Judée; les passages qui suivent proviennent d’une autre origine que les précédents.] [CHAPITRE XVII]. 1.Puis un des sept anges qui tenaient les sept coupes vint, et il m’adressa la parole, en disant: Viens, je te montrerai le jugement de la grande prostituée [Bérénice] qui est assise sur les grandes eaux. 2. C’est avec elle que les rois de la terre se sont livrés à l’impudicité [C’est Bérénice qui se prostitue avec Titus pour diriger Rome], et c’est du vin de son impudicité que les habitants de la terre se sont enivrés. 3. Il me transporta en esprit dans un désert. Et je vis une femme assise sur une bête écarlate [Bérénice en tant que quasi reine de Rome], pleine de noms de blasphème, ayant sept têtes et dix cornes. 4. Cette femme était vêtue de pourpre et d’écarlate, et parée d’or, de pierres précieuses et de perles. Elle tenait dans sa main une coupe d’or, remplie d’abominations et des impuretés de sa prostitution. 5. Sur son front était écrit un nom, un mystère: Babylone la grande, la mère des impudiques et des abominations de la terre. 6. Et je vis cette femme ivre du sang des saints et du sang des témoins de Jésus. Et, en la voyant, je fus saisi d’un grand étonnement. 7. Et l’ange me dit: Pourquoi t’étonnes-tu ? Je te dirai le mystère de la femme et de la bête qui la porte, qui a les sept têtes et les dix cornes. 8. La bête que tu as vue était, et elle n’est plus. Elle doit monter de l’abîme, et aller à la perdition. Et les habitants de la terre, ceux dont le nom n’a pas été écrit dès la fondation du monde dans le livre de vie, s’étonneront en voyant la bête, parce qu’elle était, et qu’elle n’est plus, et qu’elle reparaîtrait. 9. C’est ici l’intelligence qui a de la sagesse. Les sept têtes sont sept montagnes [Rome], sur lesquelles la femme est assise. 10. Ce sont aussi sept rois : cinq sont tombés, un existe [probablement Vespasien], l’autre n’est pas encore venu [Titus], et quand il sera venu, il doit rester peu de temps. [Le règne de Titus sera très bref, plus ou moins deux ans.] 
[Nouvelle époque, probablement rédigée vers 132, au début de la Seconde Guerre judéo-romaine.] [CHAPITRE XVII]. 11. Et la bête qui était, et qui n’est plus, est elle-même un huitième roi, et elle est du nombre des sept, et elle va à la perdition. 12. Les dix cornes que tu as vues sont dix rois, qui n’ont pas encore reçu de royaume, mais qui reçoivent autorité comme rois pendant une heure avec la bête. 13. Ils ont un même dessein, et ils donnent leur puissance et leur autorité à la bête. 14. Ils combattront contre l’agneau [rappelons que le vrai nom de Shiméon bar Kokheba est « Fils du Pasteur », la partie qui suit est prophétique, mais la prophétie se révélera fausse, puisque Shiméon bar Kokheba sera vaincu par l’Empereur Hadrien], et l’agneau les vaincra [malheureusement non], parce qu’il est le Seigneur des seigneurs et le Roi des rois, et les appelés, les élus et les fidèles qui sont avec lui les vaincront aussi. 
[Retour à l’époque de la reine Bérénice.] [CHAPITRE XVII].  15. Et il me dit: Les eaux que tu as vues, sur lesquelles la prostituée est assise, ce sont des peuples, des foules, des nations, et des langues. 16. Les dix cornes que tu as vues [les habitants de l’Empire romain, mais plus particulièrement l’aile radicale des païens du Sénat romain] et la bête [Domitien] haïront la prostituée [Bérénice], la dépouilleront et la mettront à nu, mangeront ses chairs [tenterons de faire mourir son fils], et la consumeront par le feu. 17. Car Dieu a mis dans leurs cœurs d’exécuter son dessein et d’exécuter un même dessein, et de donner leur royauté à la bête, jusqu’à ce que les paroles de Dieu soient accomplies. 18. Et la femme que tu as vue, c’est la grande ville qui a la royauté sur les rois de la terre [Bérénice en tant qu’épouse et conseillère de Titus].
Comme on le voit, dès qu’on supprime le verbiage prophétique, on constate qu’il y a des allusions à des événements bien réels. L’idée que Bérénice et Titus auraient eu un fils aurait été un formidable espoir de redressement pour les Juifs et le cauchemar des païens radicaux. 
Il convient de mentionner aussi le consul Titus Clemens qui se convertit au judaïsme en se circoncisant lui-même juste avant son suicide ou son exécution, qui serait la dernière que fit son oncle Domitien qui sera assassiné quelques jours plus tard.
Shiméon bar Kokheba a suscité un énorme enthousiasme de la part des Juifs qui y voyaient une revanche, mais les énormes capacités militaires romaines leur permit de faire face, peut-être aidée par des opposants à Bar Kokheba. La guerre fut rude, plus d’un tiers des légions romaines furent mobilisées pour contrer la dernière révolte juive contre l’Empire.
Les Juifs étaient cinq ou six millions vers 50, et s’ajoutaient à eux au moins deux millions de convertis. En 150, les Juifs n’étaient plus que cinq cent mille. Quant aux convertis, leur nombre avait prodigieusement diminué, une partie était passée au gnosticisme et une autre au christianisme.
Quant à la reine Bérénice elle reste difficile à cerner, mais personne n’était indifférent; on ne pouvait que l’aimer passionnément ou la haïr tout aussi passionnément. Il est difficile de faire une moyenne entre des tendances aussi extrêmes, les nombreux blancs dans sa biographie rendent l’entreprise encore plus malaisée. 
Les Juifs eux-mêmes devaient être partagés, maîtresse de Titus quand Titus les mettait à mort, cela passait plutôt mal; mais peut-être que leur sort en fut quand même adouci. Quoique très puissants, les empereurs devaient souvent se résigner à des compromis avec les sénateurs les plus puissants. Les Juifs avaient leurs amis au Sénat Romain, certains s’étaient probablement convertis au Judaïsme, si ces derniers étaient très actifs, les païens ne l’étaient pas moins, ils agissaient exactement à l’inverse et rêvaient plutôt d’en finir complètement avec la «menace juive». La révolte de 66 sera pour eux l’occasion d’en finir, et il est vraisemblable que Vespasien et Titus subissaient des pressions dans les deux sens: sauver un maximum de Juifs versus en tuer un maximum.
Rappelons le témoignage de Flavius Josèphe sur Bérénice :
À ce moment, le roi Agrippa [II] était parti pour Alexandrie, où il allait féliciter Alexandre [il s’agit de Tibère Alexandre], que Néron, l’honorant de sa confiance, avait envoyé gouverner l’Égypte [préfet d’Égypte, il avait été de 45 à 48 le procurateur de Judée]. Sa sœur, Bérénice, qui se trouvait à Jérusalem, voyait avec une vive douleur les excès féroces des soldats: à plusieurs reprises elle envoya les commandants de sa cavalerie et ses gardes du corps à Florus [alors procurateur de Rome] pour le prier d’arrêter le carnage. Celui-ci, ne considérant ni le nombre des morts ni la haute naissance de la suppliante, mais seulement les profits qu’il tirait du pillage, resta sourd aux instances de la reine. Bien plus, la rage des soldats se déchaîna même contre elle: non seulement ils outragèrent et tuèrent sous ses yeux leurs captifs, mais ils l’auraient immolée elle-même si elle ne s’était hâtée de se réfugier dans le palais royal; elle y passa la nuit, entourée de gardes, craignant quelque agression des soldats. Elle était venue à Jérusalem pour accomplir un vœu fait à Dieu: car c’est une coutume pour ceux qui souffrent d’une maladie ou de quelque autre affliction de faire vœu de s’abstenir de vin et de se raser la tête pendant les trente jours précédant celui où ils doivent offrir des sacrifices. [Il s’agit des vœux de naziréat.] Bérénice accomplissait alors ces rites, et de plus, se tenant nu-pieds devant le tribunal, elle suppliait Florus, sans obtenir de lui aucun égard, et même au péril de sa vie. [Guerre, Livre Ier, chapitre XV, §1.]
Conclusion: L'histoire de la fuite de l'enfant Jésus, autant que celle du soldat Panthera et de Marie la coiffeuse proviennent certainement d'un fond historique réel. Le seul où nous trouvons des correspondances est dans la supposition de la naissance d'un fils de Titus et de Bérénice qui aurait représenté un formidable espoir pour les Juifs et un désespoir pour les païens radicaux. Ce fils pourrait avoir été Shiméon bar Kokheba, certains de ses opposants ont peut-être supposé qu'il n'était pas exactement ce qu'il prétendait être (un descendant du roi David), mais le fils bâtard de Titus et de Bérénice, raison pour laquelle il pourrait avoir été appelé «fils du mensonge».

Rappelons que les auteurs romains mentionnent deux persécutions des chrétiens: à l'époque de Claude, et une autre après l'incendie de Rome, par Néron. Ces deux passages ont servi à justifier l'ancienneté du christianisme, à tel point que Voltaire soupçonnera une fraude. Aujourd'hui, on pense que les passages ont été légèrement retouchés, mais que c'est bien des chrétiens qui furent persécutés. Mais lesquels? En effet, le terme chrétien sert à désigner les disciples de Jésus-Christ, mais aussi les Juifs et des convertis aux Judaïsme qui attendaient la venue imminente du Messie ou Christ. Ceux qui furent persécutés sont donc plus probablement des révolutionnaires juifs qui s'appelaient eux aussi des chrétiens... 

— Stephan HOEBEECK



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