jeudi 21 avril 2016

Flavius Josèphe et les évangiles

Flavius Josèphe est un général juif commandant des forces insurgées de Galilée; devant l'incapacité aux Juifs à présenter un front unis face aux Romains, il préférera se rendre au général et futur empereur Vespasien. Il tentera vainement de convaincre les insurgés de faire le choix d'un paix honorable, mais il ne sera pas écouté et le Temple sera détruit, et d'innombrables vies juives furent inutilement sacrifiées. En effet, un front juif unis aurait mis Rome en graves difficultés, mais les factions préféraient se trahir les unes les autres, faisant serment de soutenir une action contre les Romains, et faisant défection au dernier moment, entraînant pour chaque faction une succession de défaites qui ne pouvaient mener qu'à une défaite totale. Le comportement était un peu comme cet homme qui ne dit rien quand les nazis sont venus arrêter les communistes, car il n'était pas communiste, il ne dit rien non plus quand les nazis sont venus arrêter les Juifs, car il n'était pas Juif, et quand les nazis vinrent l'arrêter lui, il n'y avait plus personne. L'amour du prochain se retrouve dans les textes trouvés à Qumran comme dans les évangiles. Si dans ceux-ci l'amour du prochain est transformé en une sorte d'amour universaliste; dans les manuscrits esséniens, il est clair que l'amour du prochain a aussi un sens militaire sur la nécessité de présenter un front unis contre les ennemis de la Judée. Ces manuscrits vomissent ceux qui abandonnent le devoir sacré envers la patrie quelqu'en soient les raisons.
Flavius Josèphe après la guerre sera affranchi et Vespasien lui donnera son palais de naissance. Il y vivra trente ans, écrivant sans relâche pour défendre les Juifs et le judaïsme face aux Romains, faisant une analyse lucide des erreurs des uns et des autres.
Flavius Josèphe n'est pas mentionné dans le Talmud, mais plusieurs passages semblent le viser comme l'accusation que vers 90, un certain Mathathias (le nom du père de Flavius Josèphe) aurait rétabli le culte sacrificiel à Rome.

La lecture attentive des évangiles font émerger des tendances rédactionnelles qui permettent d'identifier différentes sources:
  • une source purement juive par quelqu'un qui connaît admirablement le judaïsme, par exemple l'annonce à Zacharie montre que l'auteur connaît les usages du Temple de manière parfaire; et qui pour nous pourrait provenir d'inédits de Flavius Josèphe.
  • une source samaritaine qui est très hostile aux Juifs que l'on voit dans l'épisode de la samaritaine ou dans la parabole du bon samaritain.
  • différentes réécritures faciles à déceler car composées par des hommes qui n'ont qu'une connaissance sommaire du judaïsme; par exemple, l'entrée de Jésus à Jérusalem qui est censée se dérouler à Pâque, mais on y ramasse des branches comme pendant la fête des tentes, et on y chante le hallel, alors qu'on ne commence à réciter ces psaumes que le jour du sacrifice pascal et pendant les sept jours de la fête des azymes, notons encore que ces psaumes sont récités pendant la fête des tentes.
  • les miracles de Jésus ont eux-mêmes des sources païennes, les guérisons d'aveugle avec la salive et de l'homme à la main sèche sont attribués à Vespasien par Suétone et Tacite. Les miracles est ce qui impressionne le plus, ce qui est une erreur. Dans les Homélies Clémentines, les miracles que fait Pierre servent surtout à défaire les sorcelleries faites par Simon le Magicien; en effet, les sorciers font d'innombrables miracles, mais il y a peu de chances qu'ils proviennent d'une faveur de Dieu.
Si nous estimons que la rédaction des évangiles avant les évangiles est de Flavius Josèphe, son essai devait être très différent de ce qui nous est parvenu, Jésus y est probablement décrit comme un sage juif qui interprète la Loi et fait de nombreuses responsa. Les auteurs des évangiles canoniques ne voulant pas d'un Jésus trop juif ont éliminé la plupart de ces textes, pour faire de Jésus un faiseur de miracles, ce qui parle plus aux païens qu'ils cherchaient à convertir.
Les comparaisons stylistiques des évangiles et de Flavius Josèphe risquent de ne pas présenter d'éléments probants, car il écrivait en hébreu ou en araméen et faisait traduire en grec, langue qui quand il s'essayait à la parler, faisait éclater Titus de rire, tant ses fautes étaient nombreuses; ne parlons même pas du latin. Il est vraisemblable que plusieurs traducteurs travaillaient sur ses œuvres, et ont donc chacun imprégné les parties qu'ils traduisaient de leurs styles propres.
L'influence de Flavius Josèphe sur le christianisme fut double, à la fois directe, si on admet avec nous qu'il a rédigé les textes de bases des évangiles et indirecte à travers les références qu'il pouvait apporter aux rédacteurs des évangiles par ses œuvres officielles: Guerre des Juifs contre Rome, Antiquités Juives, Contre Apion et Autobiographie. Signalons qu'il avait écrit un livre explicatif sur la Torah qui ne nous est pas parvenu.
Nos comparaisons se limiteront à Flavius Josèphe dit et les évangiles ou les Actes des Apôtres disent. Nous n'avons pas essayé de distinguer ce qui provient de Flavius Josèphe lui-même de ce qu'il peut avoir inspiré aux évangélistes.

Jean le Baptiste
Flavius Josèphe mentionne dans ses œuvres Jean le Baptiste en des termes différents des évangiles:
Or, il y avait des Juifs pour penser que, si l'armée d'Hérode avait péri, c'était par la volonté divine et en juste vengeance de Jean surnommé Baptiste. En effet, Hérode l'avait fait tuer, quoique ce fût un homme de bien et qu'il excitât les Juifs à pratiquer la vertu, à être justes les uns envers les autres et pieux envers Dieu pour recevoir le baptême; car c'est à cette condition que Dieu considérerait le baptême comme agréable, s'il servait non pour se faire pardonner certaines fautes, mais pour purifier le corps, après qu'on eût préalablement purifié l'âme par la justice. Des gens s'étaient rassemblés autour de lui, car ils étaient très exaltés en l'entendant parler. Hérode craignait qu'une telle faculté de persuader ne suscitât une révolte, la foule semblant prête à suivre en tout les conseils de cet homme. Il aima donc mieux s'emparer de lui avant que quelque trouble se fût produit à son sujet, que d'avoir à se repentir plus tard, si un mouvement avait lieu, de s'être exposé à des périls. À cause de ces soupçons d'Hérode, Jean fut envoyé à Machéronte, la forteresse dont nous avons parlé plus haut, et y fut tué. Les Juifs crurent que c'était pour le venger qu'une catastrophe s'était abattue sur l'armée, Dieu voulant ainsi punir Hérode. [Antiquités, XVIII, V, §2.]
Plusieurs points méritent d'être notés:
  • l'exécution de Jean précède la guerre entre Antipas et Aretas IV de Nabatée qui eut lieu fin août-début septembre de l'an 36. On sait aussi par Flavius Josèphe qu'Antipas a été à Rome en 34 et est revenu en 35, et que ce n'est qu'à son retour qu'il épousa sa nièce, la veuve Hérodiade de son demi frère Hérode Boethos. On dit aussi que Phasalys (l'épouse officielle d'Antipas et la fille d'Aretas IV de Nabatée) a fui vers Petra à la fin 35, (peut-être parce qu'elle redoutait d'être assassinée pour que son mari puisse épouser Hérodiade). L'exécution de Jean le Baptiste a donc eu lieu entre janvier 36 et juillet 36, plus probablement à la fin de cette période, la présence d'Antipas à Machéronte implique que la guerre contre Antipas est sur le point d'éclater. Les différents passages de Flavius Josèphe sur Hérodiade et Salomé ne s'opposent pas à ce qu'elle ait voulu la tête de Jean. Simplement, on peut imaginer que les enfants de Salomé étant très considérés auprès des Romains (ils ont cédé la petite Arménie ou Kurdistan actuel à Rome) et qu'il ne pouvait dévoiler dans ses œuvres publiques les turpitudes de leur mère et de leur grand-mère. 
  • le baptême de Jean ressemble à des ablutions, il est possible aussi que le baptême pour Jean était ce qui précédait la circoncision lors des conversions. La description de Flavius Josèphe est radicalement différente de ce que disent les évangiles sur son baptême.
  • il n'est fait aucune mention que Jean annoncerait Jésus. Si Flavius Josèphe avait cru à Jean, logiquement il aurait dû croire à Jésus, et comme il a cru à Jean et pas à Jésus, c'est que l'histoire de Jésus telle que nous la connaissons a été réécrite. 
  • Dans l'Évangile de Jean, (3, 25), nous lisons un très étrange passage: Or, il s’éleva de la part des disciples de Jean une dispute avec un Juif touchant la purification. Rien après ni avant n'indique qui est le Juif ni quoique ce soit d'autre. Or curieusement Flavius Josèphe dit lui: car c'est à cette condition que Dieu considérerait le baptême comme agréable, s'il servait non pour se faire pardonner certaines fautes, mais pour purifier le corps, après qu'on eût préalablement purifié l'âme par la justice. C'est-à-dire exactement le contraire de ce qu'enseignent les évangiles, Flavius Josèphe sait donc que dans les années 90, il y a bien des gens qui ont déformé le baptême de Jean; il est vraisemblable qu'il vise les pré-chrétiens ou les disciples de Simon le Magicien, voire Elqasay qui semble avoir défendu l'idée d'une utilisation journalière du baptême afin d'effacer les péchés au fur et à mesure qu'on les commettait, un peu comme la confession, l'eau en moins. 
  • On peut se demander qu'elle est la fiabilité de Flavius Josèphe sur Jean le Baptiste; or il dit dans son Autobiographie que jugeant même insuffisante l’expérience que j’en avais tirée [des trois écoles juives pharisiennes, sadducéennes et esséniennes], quand j’entendis parler d’un certain Bannous qui vivait au désert, se contentait pour vêtement de ce que lui fournissait les arbres [c'est-à-dire du lin probablement], et pour nourriture, de ce que la terre produit spontanément [donc des fruits, et probablement du pain], et usait de fréquentes ablutions d’eau froide de jour et de nuit, par souci de pureté, je me fis son disciple. Après trois années passées près de lui, ayant accompli ce que je désirais, je revins dans ma cité. Or ce Bannous ressemble à un disciple de Jean qui peut très bien l'avoir renseigné sur Jean et sur ses enseignements; donc FJ est une source extrêmement fiable. 
  • Enfin si Jean a été exécuté en 36, Jésus ne peut avoir été exécuté qu'à la Pâque 37, quand ni Pilate, ni Qaïphe n'étaient encore en poste. Il y a donc un gros anachronisme dans les évangiles.
  • Des spécialistes ont tenté, pour sauver l'historicité des évangiles, de prétendre que la guerre d'Aretas et d'Antipas s'est déroulée entre 25 et 30, en faisant passer Flavius Josèphe pour un piètre historien. Leur hypothèse est de la simple mauvaise foi: en effet, la défaite d'Antipas face à Aretas contraint Tibère à intervenir directement, mais sa mort en mars 37 arrête toutes les opérations. Caius Caligula optant pour la paix, Aretas IV évacue les territoires occupés. Tout cela est donc parfaitement cohérent. De plus, dans la IIe Épître aux Corinthiens (11, 32–33), nous lisons: À Damas, le gouverneur du roi Arétas faisait garder la ville des Damascéniens, pour se saisir de moi[Paul]; mais on me descendit par une fenêtre, dans une corbeille, le long de la muraille, et j’échappai de leurs mains. D'abord, on se rend compte que le rédacteur utilise des textes qu'il ne comprend pas, Aretas IV de Nabatée n'a jamais occupé Damas, mais l'Iturée, ce qui implique que la région de Damas, des textes esséniens est bien l'Iturée et non la ville de Damas. Philippe qui était tétrarque d'Iturée est mort en 35, peut-être assassiné par Jean le Baptiste, du moins si on veut croire ce que suggère la version vieille-slavonne de la Guerre des Juifs (La Prise de Jérusalem). Tibère confie à Antipas le gouvernement des terres de Philippe sans pour autant l'autoriser à en porter le titre. L'entrée en guerre d'Antipas contre Aretas IV et surtout la défaite d'Antipas, place l'Iturée sous le contrôle provisoire d'Aretas. Ce contrôle est très bref et ne dépasse pas quelques mois, peut-être d'octobre 36 à la mi-37; l'avènement de Caligula mettra fin à cette occupation. Il est clair que les évangiles se sont trompés, la mort de Jean le Baptiste est postérieure à celle de Jésus, même une des épîtres de Paul qui fait allusion à l'occupation de l'Iturée par des troupes d'Aretas confirme la datation de Flavius Josèphe. 
Conclusion: on a aucune raison de douter du témoignage de Flavius Josèphe, qui est un hommage au maître de son maître. Jean le Baptiste est donc bien un maître spirituel qui convertissait beaucoup de non-Juifs, il n'a pas annoncé Jésus et fut exécuté bien après la mort de Jésus qui doit dater des années 30–33 et qui est liée à des troubles au Temple en ce qui concerne le transfert du marché des viandes dans l'enceinte même du Temple par Qaïphe au grand dam des qohens conservateurs pour qui ce marché devait rester sur le Mont des Oliviers. 

Jésus et les écoles juives de Flavius Josèphe
Flavius Josèphe dit: 
Il y a, en effet, chez les Juifs, trois écoles philosophiques: la première a pour sectateurs les Pharisiens, la deuxième les Sadducéens, la troisième, qui passe pour s’exercer à la sainteté, a pris le nom d'Esséniens. [Guerre, II, VIII, §2.]
Les évangiles disent:
Mais, voyant venir à son baptême beaucoup de pharisiens et de sadducéens, il leur dit : «Races de vipères, qui vous a appris à fuir la colère à venir?» [Matthieu  3, 7.]
Jésus leur dit: «Gardez-vous avec soin du levain des pharisiens et des sadducéens.» [...] 11. «Comment ne comprenez-vous pas que ce n’est pas au sujet de pains que je vous ai parlé ? Gardez-vous du levain des pharisiens et des sadducéens.» 12. Alors ils comprirent que ce n’était pas du levain du pain qu’il avait dit de se garder, mais de l’enseignement des pharisiens et des sadducéens. [Matthieu 16, 6–12.]
Il n'y a aucune condamnation des esséniens dans les évangiles, or on sait que tant Jésus que les esséniens étaient ennemis des sadducéens et des pharisiens; on ne peut dire plus clairement que Jésus était essénien. Rappelons que les esséniens sont aussi appelés les nazaréens et que Jésus est appelé Jésus le Nazaréen. Notons encore que Nazaréen a le sens de personne qui garde ou qui observe les commandements, or on lit dans le Ier Livre des Macchabée (2, 66–68):
Judas Machabée a été fort et vaillant dès sa jeunesse ; qu’il soit le chef de votre armée, et qu’il conduise le peuple au combat. Vous joindrez à vous tous les observateurs de la loi, et vengez votre peuple de ses ennemis. Rendez aux nations ce qu’elles méritent, et soyez attentifs aux préceptes de la loi.
Et on lit dans les évangiles:
...Si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements. [Matthieu 19, 17.]
Tous deux [Zacharie & Élisabeth] étaient justes devant Dieu, observant d’une manière irréprochable tous les commandements et toutes les ordonnances du Seigneur. [Luc 1, 6.]
De l'essénisme juif à l'essénisme des convertis
Dans Flavius Josèphe, on apprend que les esséniens sont Juifs de naissance. [Guerre, II, VIII, §2.] Précisons que le texte de Flavius Josèphe sur les esséniens existe en deux versions, celle de FJ et la seconde étant celle contenue dans l'Elenchos qui est un résumé des Philosophoumena d'Hippolyte de Rome (début du IIIe siècle). De cette seconde version, la mention Juifs de naissance est absente. 
On doit se demander pourquoi Flavius Josèphe précise cela; en effet, son ouvrage vise à intéresser les Romains à la spiritualité juive et si les esséniens sont exclusivement des Juifs de naissance; jamais les non-juifs ne pourront devenir esséniens, alors que paradoxalement, Flavius Josèphe leur suggère que le vrai judaïsme, le bon judaïsme est celui des esséniens (un pythagorisme juif, le must des spiritualités); et on leur dit: faut être né juif
Or, dans les évangiles, nous lisons:
N’allez pas vers les païens, et n’entrez pas dans les villes des Samaritains; allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d’Israël. Allez, prêchez, et dites: «Le royaume des cieux est proche.» [Matthieu 10, 5–7.]
Cela correspond à la mention que les esséniens sont Juifs de naissance.
On peut néanmoins supposer que Flavius Josèphe veut faire évoluer ces choses, faisant une présentation très romanisée de l'essénisme; comme Jésus dira après sa résurrection:
Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre. Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde. [Matthieu 28, 18–20.]
On constate donc un changement, une évolution dans l'essénisme comme dans le christianisme. L'essénisme évolue à cause de la destruction du Temple et de sa nécessaire reconstruction; les perspectives chrétiennes évoluent à cause de la mort de Jésus et de sa résurrection, Jésus serait-il le Temple reconstruit ou pour être plus précis, une allégorie, un projet de reconstruction.
Notons néanmoins que Flavius Josèphe n'a pas dit l'exacte vérité, car les esséniens pratiquaient les conversions, ils furent proches de Jean Hyrcan (grand-prêtre de –134 à –104) et d'Alexandre Jannée (grand-prêtre et roi de –103 à –76) qui circoncisaient sans relâches les iduméens, les ituréens, les galiléens, les péréens, etc. Ce sont probablement les esséniens qui convainquirent Izatès de la famille Monobaze de se faire circoncire et de devenir juif. 

Aimez-vous les uns les autres
Flavius Josèphe écrit:
[Les esséniens sont] plus étroitement liés d’affection entre eux que les autres [Juifs.] [Guerre, II, VIII, §2.]
Les évangiles disent, à la question pour savoir quel était le plus important commandement de la Loi:
Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta pensée. C’est le premier et le plus grand commandement. Et voici le second, qui lui est semblable: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. De ces deux commandements dépendent toute la loi et les prophètes. [Matthieu 22, 37–40.] 
C’est ici mon commandement : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés. » [Jean 15, 12.] 
Ce que je vous commande, c’est de vous aimer les uns les autres. [Jean 15, 17.]
Cette solidarité essénienne est confirmée par l’Écrit de Damas, dans lequel nous lisons :
Car ils tomberont malades sans guérison (possible) et (ce) défaut anéantira tous les rebelles, vu [qu’]ils n’ont pas dévié de la voie des traîtres mais [qu’]ils se sont vautrés dans les voies de la luxure et dans l’arrogance impie; [qu’]ils se sont vengés et ont gardé rancune chacun contre son frère, chacun haïssant son prochain.
Ce que confirme les évangiles, puisqu'ils écrivent:
Alors Pierre s’approcha de lui, et dit: «Seigneur, combien de fois pardonnerai-je à mon frère, lorsqu’il péchera contre moi? Sera-ce jusqu’à sept fois?» Jésus lui dit: «Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à septante fois sept fois.» [Matthieu 18, 21–22.]
Notons que ce n'est pas 7 fois 70 fois comme on le lit habituellement, mais bien 77 fois, en réaction à Genèse 4, 23–24, dans lequel Lamech dit que si Caïn doit être vengé 7 fois, lui-même doit alors être vengé 77 fois.
On lit encore dans les évangiles:
Et, lorsque vous êtes debout faisant votre prière, si vous avez quelque chose contre quelqu’un, pardonnez, afin que votre Père qui est dans les cieux vous pardonne aussi vos offenses. Mais si vous ne pardonnez pas, votre Père qui est dans les cieux ne vous pardonnera pas non plus vos offenses.» [Marc 11, 25–26.]

Tempérance
Flavius Josèphe écrit:
Ces hommes répudient les plaisirs comme un péché et tiennent pour vertu la tempérance et la résistance aux passions. [Guerre, II, VIII, §2.] 
Pas de comparaison exacte, mais implicite.

Mariage
Flavius Josèphe écrit:
Ils dédaignent le mariage pour eux-mêmes. [Guerre, II, VIII, §2.]
En Matthieu 19, 1–9, Jésus interdit le divorce, or suite à cette interdiction du divorce, les disciples lui répliquent :
Si telle est la condition de l’homme à l’égard de la femme, il n’est pas avantageux de se marier. [Matthieu 19, 10.]
Nous avouons ne pas très bien saisir les graves désavantages à se marier que les apôtres trouvent dans l’interdiction de divorcer, nous voulons bien admettre que les mariages peuvent être difficiles, mais leur réaction semble quand même exagérée: ce qui nous ferait supposer qu’un passage a été omis, peut-être relatif aux obligations de l’homme par rapport à la femme, et que les apôtres découvraient, effarés, semble-t-il. Le passage supprimé pourrait avoir fait allusion à des communautés préexistantes, donc esséniennes, et à la difficulté de concilier vie maritale et obligations communautaires ; d’autant plus, que l’idéal essénien comporte de fortes tendances à l’ascétisme et que dans les versets suivants Jésus parle des eunuques, ceux
qui le sont dès le ventre de leur mère; il y en a qui le sont devenus par les hommes; et il y en a qui se sont rendus tels eux-mêmes, à cause du royaume des cieux. Que celui qui peut comprendre comprenne. [Matthieu 19, 12.]
On peut donc imaginer que les novices qui voulaient poursuivre dans la voie rigoureuse de l’ascèse pour Dieu étaient découragés de se marier car en contractant un mariage, ils prenaient des obligations envers leur épouse, obligations qu’ils ne pouvaient rompre à la légère et qui pouvaient être des empêchements à la vie communautaires, et cela d’autant plus si la répudiation leur était interdite. En effet, tant qu’elles sont leur épouse, ils doivent les nourrir et veiller sur elle, ce qui est incompatible avec une vie dans un « monastère » essénien où tous les biens sont mis en commun, ce qui rend impossible l’entretien de l’épouse et des enfants.

Enfants
Flavius Josèphe écrit:
[Les esséniens] adoptent les enfants des autres, à l’âge où l’esprit encore tendre se pénètre facilement des enseignements, les traitent comme leur propre progéniture et leur impriment leurs propres mœurs. [Guerre, II, VIII, §2.]
Les évangiles disent:
En ce moment, les disciples s’approchèrent de Jésus, et dirent: «Qui donc est le plus grand dans le royaume des cieux?» Jésus, ayant appelé un petit enfant, le plaça au milieu d’eux, et dit: «Je vous le dis en vérité, si vous ne vous convertissez et si vous ne devenez comme les petits enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux. C’est pourquoi, quiconque se rendra humble comme ce petit enfant sera le plus grand dans le royaume des cieux. Et quiconque reçoit en mon nom un petit enfant comme celui-ci, me reçoit moi-même.» [Matthieu 18, 1–5.]
Mise en commun des biens
Flavius Josèphe écrit :
Contempteurs de la richesse, ils [les Esséniens] pratiquent entre eux un merveilleux esprit de communauté. Personne chez eux qui surpasse les autres par la fortune; car leur loi prescrit à ceux qui adhèrent à leur secte de faire abandon de leurs biens à la corporation, en sorte qu’on ne rencontre nulle part chez eux ni la détresse de la pauvreté ni la vanité de la richesse, mais la mise en commun des biens de chacun donne à tous, comme s’ils étaient frères, un patrimoine unique.  [Guerre, II, VIII, §3.]
L’évangile contient un fort idéal de pauvreté que l’on retrouve dans les textes esséniens, qui s’appelaient eux-mêmes les pauvres ou ebyônîm. La mise en commun des biens n’est pas prévue par les évangiles. En effet, dans leur soucis de présenter l’enseignement de Jésus comme unique, les évangélistes ont dû supprimer les passages qui faisaient allusion à des communautés préexistantes dont Jésus et ses disciples auraient fait partie. Si cet idéal n’est pas présent dans les évangiles, il l’est dans les Actes des Apôtres, puisque nous y lisons le passage suivant:
Mais un homme nommé Ananias, avec Saphira sa femme, vendit une propriété, et retint une partie du prix, sa femme le sachant; puis il apporta le reste, et le déposa aux pieds des apôtres. Pierre lui dit: «Ananias, pourquoi Satan a-t-il rempli ton cœur, au point que tu mentes au Saint-Esprit, et que tu aies retenu une partie du prix du champ? S’il n’eût pas été vendu, ne te restait-il pas? Et, après qu’il a été vendu, le prix n’était-il pas à ta disposition? Comment as-tu pu mettre en ton cœur un pareil dessein? Ce n’est pas à des hommes que tu as menti, mais à Dieu.» Ananias, entendant ces paroles, tomba, et expira. Une grande crainte saisit tous les auditeurs. Les jeunes gens, s’étant levés, l’enveloppèrent, l’emportèrent, et l’ensevelirent. Environ trois heures plus tard, sa femme entra, sans savoir ce qui était arrivé. Pierre lui adressa la parole: «Dis-moi, est-ce à un tel prix que vous avez vendu le champ? — Oui, répondit-elle, c’est à ce prix-là.» Alors Pierre lui dit: «Comment vous êtes-vous accordés pour tenter l’Esprit du Seigneur? Voici, ceux qui ont enseveli ton mari sont à la porte, et ils t’emporteront.» Au même instant, elle tomba aux pieds de l’apôtre, et expira. Les jeunes gens, étant entrés, la trouvèrent morte; ils l’emportèrent, et l’ensevelirent auprès de son mari. Une grande crainte s’empara de toute l’assemblée et de tous ceux qui apprirent ces choses. [Actes des Apôtres 5, 1–11.]
Il est étonnant que l’idéal de mise en commun des biens par les esséniens se retrouve on ne peut plus clairement dans ce passage des Actes.

L'accueil aux frères en déplacement
Flavius Josèphe écrit :
Quand des frères arrivent d’une localité dans une autre, la communauté met tous ses biens à leur disposition, comme s’ils leur appartenaient: ils fréquentent chez des gens qu’ils n’ont jamais vus comme chez d’intimes amis. [Guerre, II, VIII, §4.]
Parallèle à ce que dit l’évangile :
Dans quelque ville ou village que vous entriez, informez-vous s’il s’y trouve quelque homme digne de vous recevoir; et demeurez chez lui jusqu’à ce que vous partiez. En entrant dans la maison, saluez-la; et, si la maison en est digne, que votre paix vienne sur elle ; mais si elle n’en est pas digne, que votre paix retourne à vous. [Matthieu 10, 11–13.]
Comment voyager
Flavius Josèphe écrit :
Aussi, dans leurs voyages n’emportent-ils rien avec eux, si ce n’est des armes à cause des brigands. Dans chaque ville est délégué un commissaire spécialement chargé de ces hôtes de la communauté ; il leur fournit des vêtements et des vivres. [Guerre, II, VIII, §4.]
Parallèle à ce que disent les évangiles:
Ne prenez ni or, ni argent, ni monnaie, dans vos ceintures ; ni sac pour le voyage, ni deux tuniques, ni souliers, [ni bâton (Mt. & Lc.)/si ce n’est un bâton (Mc.)] [Matthieu 10, 9–10a ; Marc 6, 8–9 ; Luc 9, 3.]
Entraide
Flavius Josèphe écrit:
Entre eux rien ne se vend ni ne s’achète: chacun donne à l’autre sur ses provisions le nécessaire et reçoit en retour ce dont il a besoin; mais, même sans réciprocité, il leur est permis de se faire donner de quoi vivre par l’un quelconque de leurs frères. [Guerre, II, VIII, §4.]
On lit dans les Actes des Apôtres:
La multitude de ceux qui avaient cru n’était qu’un cœur et qu’une âme. Nul ne disait que ses biens lui appartinssent en propre, mais tout était commun entre eux. Les apôtres rendaient avec beaucoup de force témoignage de la résurrection du Seigneur Jésus. Et une grande grâce reposait sur eux tous. Car il n’y avait parmi eux aucun indigent: tous ceux qui possédaient des champs ou des maisons les vendaient, apportaient le prix de ce qu’ils avaient vendu, et le déposaient aux pieds des apôtres; et l’on faisait des distributions à chacun selon qu’il en avait besoin. Joseph, surnommé par les apôtres Barnabas, ce qui signifie «fils d’exhortation», Lévite, originaire de Chypre, vendit un champ qu’il possédait, apporta l’argent, et le déposa aux pieds des apôtres. [Actes 4, 32–37.]
Direction des prières
Flavius Josèphe écrit:
Leur piété envers la divinité prend des formes particulières. Avant le lever du soleil, ils ne prononcent pas un mot profane: ils adressent à cet astre des prières traditionnelles, comme s’ils le suppliaient de paraître. [Guerre, II, VIII, §4.]
Les premiers chrétiens priaient face à l'Est, c'est-à-dire en direction du soleil levant.

Des serments
Flavius Josèphe écrit:
Ils savent gouverner leur colère avec justice, modérer leurs passions, garder leur foi, maintenir la paix. Toute parole prononcée par eux est plus forte qu’un serment, mais ils s’abstiennent du serment même, qu’ils jugent pire que le parjure. Car, disent-ils, celui dont la parole ne trouve pas créance sans qu’il invoque Dieu se condamne par là même. [Guerre, II, VIII, §6.]
Identique aux évangiles qui disent:
Vous avez encore appris qu’il a été dit aux anciens: «Tu ne te parjureras point, mais tu t’acquitteras envers le Seigneur de ce que tu as déclaré par serment.» Mais moi, je vous dis de ne jurer aucunement, ni par le ciel, parce que c’est le trône de Dieu; ni par la terre, parce que c’est son marchepied; ni par Jérusalem, parce que c’est la ville du grand roi. Ne jure pas non plus par ta tête, car tu ne peux rendre blanc ou noir un seul cheveu. Que votre parole soit oui, oui, non, non; ce qu’on y ajoute vient du malin. [Matthieu 5, 33–37.]
Similaire à l’Écrit de Damas qui dit:
On ne jurera pas par aleph et lamed [abréviation du nom Elohîm] et par aleph et dalet [abréviation de Adonay], à l’exception du serment des fils par la malédiction de l’Alliance. Et qu’on ne mentionne pas la Torah de Moïse, car dans celle-ci, il y a l’écriture complète du Nom (de Dieu). Et si l’on jure et l’on transgresse, alors on profanera le Nom. [CD. XV, lignes 1–3a.] 
Détester ses ennemis
Flavius Josèphe écrit :
[Les esséniens doivent] toujours détester les injustes et venir au secours des justes. [Guerre, II, VIII, §6.]
Passage cité dans les évangiles en vue de le contredire:
Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi. [Matthieu 5, 43.]
Néanmoins la mort d'Ananias et de Saphira va plutôt dans les sens de ce que dit Flavius Josèphe.

Des beaux vêtements
Flavius Josèphe écrit :
Il jure que si lui-même exerce le pouvoir il ne souillera jamais sa magistrature par une allure insolente ni ne cherchera à éclipser ses subordonnés par le faste de son costume ou de sa parure. [Guerre, II, VIII, §7.]
Les évangiles disent:
Mais, qu’êtes-vous allés voir? un homme vêtu d’habits précieux? Voici, ceux qui portent des habits magnifiques, et qui vivent dans les délices, sont dans les maisons des rois. [Luc 7, 25 et Matthieu 11, 8.]
Donc Jean le Baptiste ne porte pas des habits précieux, comme les esséniens qui refusent des costumes fastuaires.

Des secrets ésotériques
Flavius Josèphe écrit :
De ne rien tenir caché aux membres de la secte et de ne rien dévoiler aux profanes sur leur compte, dût-on le torturer jusqu’à la mort. [Guerre, II, VIII, §7.]
On pourrait dire que le christianisme fait exactement le contraire, puisqu’il faut professer Jésus de manière publique; néanmoins, d’après l’évangile, Jésus dit à ses disciples :
Parce qu’il vous a été donné de connaître les mystères du royaume des cieux, et que cela ne leur a pas été donné. Car on donnera à celui qui a, et il sera dans l’abondance, mais à celui qui n’a pas on ôtera même ce qu’il a. C’est pourquoi je leur parle en paraboles, parce qu’en voyant ils ne voient point, et qu’en entendant ils n’entendent ni ne comprennent. Et pour eux s’accomplit cette prophétie d’Ésaïe: Vous entendrez de vos oreilles, et vous ne comprendrez point; Vous regarderez de vos yeux, et vous ne verrez point. Car le cœur de ce peuple est devenu insensible; Ils ont endurci leurs oreilles, et ils ont fermé leurs yeux, De peur qu’ils ne voient de leurs yeux, qu’ils n’entendent de leurs oreilles, Qu’ils ne comprennent de leur cœur, Qu’ils ne se convertissent, et que je ne les guérisse. Mais heureux sont vos yeux, parce qu’ils voient, et vos oreilles, parce qu’elles entendent! Je vous le dis en vérité, beaucoup de prophètes et de justes ont désiré voir ce que vous voyez, et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez, et ne l’ont pas entendu. [Matthieu 13, 11–17.]
Ne pas cracher
Flavius Josèphe écrit :
Ils évitent de cracher en avant d’eux ou à leur droite, 
En Matthieu 5, 21–22, nous lisons:
Vous avez entendu qu’il a été dit aux anciens: Tu ne tueras point; celui qui tuera mérite d’être puni par les juges. Mais moi, je vous dis que quiconque se met en colère [sans raison] contre son frère mérite d’être puni par les juges; que celui qui dira à son frère: Raca! mérite d’être puni par le sanhédrin; et que celui qui lui dira: «Insensé!» mérite d’être puni par le feu de la géhenne. 
Le mot Raca pourrait signifier en araméen, «un gros crachat»; le sens de la phrase serait «ne crache pas en direction de ton frère» et pourrait être similaire à ce que dit Flavius Josèphe. Notons que la Règle de la Communauté dit:
Et l’homme qui crachera au milieu de la salle de séance des Nombreux sera puni trente jours. [Col. VII, ligne 13a.]
Et aussi, mais en rapport avec la deuxième partie de la phrase, ce même texte dit un peu avant:
Et l’homme qui outragera son prochain injustement et sciemment sera puni un an, et séparé. Et qui parlera à son prochain avec hauteur ou commettra une tromperie sciemment sera puni six mois. [Col. VII, lignes 4b–5a.]
Comme on peut le constater, il s’agit bien d’idées similaires.

Abstinence
Flavius Josèphe écrit :
Il existe encore une autre classe d’Esséniens, qui s’accordent avec les autres pour le régime, les coutumes et les lois, mais qui s’en séparent sur la question du mariage. [...] Ils prennent donc leurs femmes à l’essai, et après que trois époques successives ont montré leur aptitude à concevoir, ils les épousent définitivement. Dès qu’elles sont enceintes, ils n’ont pas commerce avec elles, montrant ainsi qu’ils se marient non pour le plaisir, mais pour procréer des enfants
En Matthieu 1, 24–25, nous lisons que
Joseph s’étant réveillé fit ce que l’ange du Seigneur lui avait ordonné, et il prit sa femme avec lui. Mais il ne la connut point jusqu’à ce qu’elle eût enfanté un fils, auquel il donna le nom de Jésus.
Abstinence des esséniens et de Joseph quant leur épouse est enceinte.

À suivre.

— Stephan Hoebeeck




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