vendredi 29 mai 2015

La Liturgie du Logos

La Liturgie du Logos ou des Mystères

Le Prêtre. [v. 1.]
Au commencement était le Logos, [pause]

et le Logos était auprès de Dieu.
Le Chœur. [v. 2.]
Il était au commencement auprès de Dieu. [pause]
Le Prêtre. [v. 3.]
Toutes choses ont été faites par Lui, 
Le Chœur.
et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans Lui. [pause]
Le Prêtre. [v. 4.]
En lui était la vie, 
Le Chœur.
et la vie était la lumière des hommes. [pause]
Le Prêtre. [v. 5.]
La lumière luit dans les ténèbres, 
Le Chœur.
et les ténèbres ne l’ont point reçue. [pause]
Le Prêtre. [v. 10.]
Elle [la lumière] était dans le monde, [pause]

et le monde a été fait par elle [la lumière], 
Le Chœur.
et le monde ne l’a point connue. [pause]
Le Prêtre. [v. 11.]
Elle [la lumière] est venue chez les siens, 
Le Chœur.
et les siens ne l’ont point reçue. [pause]

Grec

Le Prêtre. [v. 1.]
Ἐν ἀρχῇ ἦν ὁ λόγος, [pause]

καὶ ὁ λόγος ἦν πρὸς τὸν θεόν.
Le Chœur. [v. 2.]
Οὗτος ἦν ἐν ἀρχῇ πρὸς τὸν θεόν. 
Le Prêtre. [v. 3.]
Πάντα δι’ αὐτοῦ ἐγένετο , 
Le Chœur.
καὶ χωρὶς αὐτοῦ ἐγένετο οὐδὲ ἓν ὃ γέγονεν. 
Le Prêtre. [v. 4.]
Ἐν αὐτῷ ζωὴ ἦν, 
Le Chœur.
καὶ ἡ ζωὴ ἦν τὸ φῶς τῶν ἀνθρώπων. 
Le Prêtre. [v. 5.]
καὶ τὸ φῶς ἐν τῇ σκοτίᾳ φαίνει,
Le Chœur.
καὶ ἡ σκοτία αὐτὸ οὐ κατέλαβεν. 
Le Prêtre. [v. 10.]
Ἐν τῷ κόσμῳ ἦν, [pause]

καὶ ὁ κόσμος δι’ αὐτοῦ ἐγένετο, 
Le Chœur.
καὶ ὁ κόσμος αὐτὸν οὐκ ἔγνω. 
Le Prêtre. [v. 11.]
Εἰς τὰ ἴδια ἦλθεν, 
Le Chœur.
καὶ οἱ ἴδιοι αὐτὸν οὐ παρέλαβον.




La proximité de Dieu exclut l’identité à Dieu, cette proximité correspond à  l’atziluth des Qabalistes, aussi appelé « monde de l’Émanation ou de la proximité divine », il s’agit des dix sephirôth. Il est d’ailleurs étonnant que les qabalistes chrétiens identifièrent assez instinctivement Jésus ou le Logos aux dix sephirôth.

La partie finale (et le Logos était Dieu) nous paraît être une interpolation.

Nous avons choisi de rendre le terme grec λογος par une francisation Logos, plutôt que par « parole » comme traduisent les protestants ou par « verbe » comme traduisent les catholiques. Ces traductions ne sont pas techniquement fausses, néanmoins elles montrent le malaise des uns et des autres sur le sens qu’il faut donner à ce terme. Les protestants préfèrent « parole », parce qu’ils estiment en général que le Logos est la parole de Dieu au sens biblique. Les catholiques préfèrent « verbe », parce qu’il décalque le latin verbum qui fut utilisé par Saint Jérôme dans la Vulgate. 
Nous les refusons toutes deux, parce que ces traductions n’ont d’autre but que de gommer les aspects philosophiques de la notion de Logos. Les philosophes grecs païens, principalement stoïciens et surtout parmi ceux-ci Poseidionos, avaient développé une théologie du Logos. Cette notion sera reprise par l’hermétisme (entre –150 et 0) et fera l’objet de réélaborations nombreuses. Philon au début du premier siècle s’emparera du mot et en fera la base de sa théologie philosophique et de son apologétique en faveur du judaïsme ; il appelle parfois le Logos, « Fils de Dieu », formule qui sera reprise littéralement par le christianisme. Mais, sur le Logos, nous conseillons aux lecteurs de se reporter à la partie que nous lui consacrons.
Nous pensons comme le père Boismard qu’il y a des mains diverses qui ont travaillé et retravaillé les évangiles, celui de Jean compris, mais dans ce cas-ci, cette explication ne nous semble pas fondé. Le verset 2 est difficile à expliquer, il reprend une partie des éléments du verset 1, sans le modifier. Un tel procédé narratif nous ferait plutôt penser à une liturgie des mystères avec plusieurs participants.

Annotations à la Liturgie des Mystères
Cette Liturgie des Mystères contient un vocabulaire hermétique difficile à nier, que nous pouvons comparer à un passage du Poimandrès (Corpus Hermeticum I–9) :
Or le Dieu Noûs étant mâle-et-femelle, puisqu’il existe comme vie & lumière, enfanta d’un logos un second noûs démiurgique qui, comme dieu du feu et du pneuma, façonna sept Gouverneurs enserrant de cercles le monde sensible — et leur gouvernement s’appelle la Fatalité.
Ainsi que le paragraphe 12 du même Traité :
Mais le noûs, Père de toutes choses, comme Il était vie & lumière, enfanta un homme son semblable, qu’Il se prit à aimer comme son propre enfant : c’est qu’il était très beau, puisqu’il était l’image de son père. Ainsi, c’est en réalité de sa propre forme que Dieu devint amoureux, et il lui remit toutes les œuvres qu’il avait façonnées.
Voyons encore, le paragraphe 17 :
Ainsi, comme je le disais, la naissance de ces Sept se produisit de la façon suivante : il y avait <une terre> femelle et une eau fécondante, et ce qui faisait mûrir était issu du feu. (Chacun) reçut alors son pneuma de l’éther et Nature produisit leurs corps selon la forme (eidos) d’homme. Alors, homme qui était vie & lumière, devint âme & noûs : âme à partir de la vie, noûs à partir de la lumière, et toutes les choses du monde sensible demeurèrent ainsi jusqu’à la fin d’une révolution cosmique <et> au commencement des espèces.
Notons en premier que la vie a la prééminence sur la lumière, comme dans l’Évangile de Jean comme dans le Poimandrès ; alors que dans la plupart des autres traités, on compare la lumière à Adam et la vie à Ève, Ève étant tirée d’Adam, comme la vie est tirée de la lumière, c’est la lumière qui a la prééminence sur la vie.
Cette inversion n’est pas aussi énigmatique qu’on pourrait le penser, et la réponse se trouve dans le paragraphe 17 que nous citons plus haut, il s’agit d’une inversion des deux caractéristiques, notre monde n’étant que le reflet du vrai monde, la matière elle-même n’est qu’un miroir qui laisse émerger des images. Il ne faut pas oublier non plus que cette vie & cette lumière étaient totalement unies à l’origine, comme Adam et Ève étaient unis, puisque la division des sexes se fera plus tard.
Jean est légèrement plus en nuance, puisqu’il dit qu’En Lui était la Vie, et la Vie était la Lumère des Hommes, mais pourrait-il dire qu’en Lui était la Lumière et la Lumière était la Vie des Hommes ?

— Stephan HOEBEECK



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