mardi 19 avril 2016

Profession: agent de déjudaïsation: les origines cachées du christianisme.

Mais qu'est-ce qu'un agent de déjudaïsation?

Dans les Antiquités Juives (Livre XX, chapitre VII, §2], nous lisons l'affirmation suivante:
Peu après, le mariage de Drusilla et d'Aziz fut rompu pour la cause suivante. Au moment où Félix était procurateur de Judée, il vit Drusilla, et, comme elle l'emportait en beauté sur toutes les femmes, il s'éprit de passion pour elle. Il lui envoya un Juif cypriote de ses amis, nommé Simon, qui se prétendait magicien, et il essaya de la décider à quitter son mari pour l'épouser, promettant de la rendre heureuse si elle ne le dédaignait pas. Elle, qui était malheureuse et voulait, échapper à la haine de sa sœur Bérénice — Félix l'invitait en raison de sa beauté qui, croyait-il, l'exposait à bien des tourments du fait de Bérénice — se laissa persuader de transgresser la loi de ses ancêtres et d'épouser Félix. Elle eut de lui un fils qu'elle nomma Agrippa. Pour la façon dont ce jeune homme périt avec sa femme dans l'éruption du Vésuve sous l'empereur Titus, je l'expliquerai plus tard. [Cette partie ne nous est pas parvenue.]
Agrippa II, Bérénice et Drusilla sont les enfants du roi de Judée Agrippa Ier qui fut assassiné par les Romains en 45, car ils le soupçonnaient de préparer une insurrection contre Rome. L'empereur Claude confia l'ancien royaume de Judée au légat de Syrie et différents procurateurs furent nommés afin d'administrer directement chaque province (Idumée, Judée, Samarie, Galilée). Quant à Agrippa II qui ne semblait pas avoir eu de goût pour régner, il lui fut confié le royaume de Chalcis (actuellement Anjar au Liban); quant à sa sœur Bérénice, elle semblait plus s'occuper des affaires d'État que lui, c'est cette dernière qui devint la maîtresse de Titus. Quand Flavius Josèphe parle de la haine de Bérénice pour sa sœur Drusilla, nous ignorons à quoi cela se rapporte. Les procurateurs de Judée furent successivement Tibère Alexandre, le neveu du philosophe Philon d'Alexandrie (en 45–48), ensuite Ventidius Cumanus (en 49–52) qui fut démis à cause de ses exactions et enfin Antonius Felix qui fut d'abord procurateur de Samarie et qui devint procurateur de Judée en 52 et restera à ce poste jusqu'en 60. 

Le Juif cypriote nommé Simon. En fait, la plupart des versions grecques n'ont pas Simon, mais disent que le magicien s'appellait Atomos. Comme ce nom ne veut rien dire, on préfère conserver Simon qu'on trouve dans les parallèles de la version latine. Un magicien appelé Simon fait indéniablement penser au Simon le Magicien des Actes des Apôtres, mais ce dernier était samaritain et non cypriote. En réalité, le mystère du nom Atomos n'est pas aussi impénétrable qu'on le croit. Le chapitre XIII des Actes des Apôtres mentionne un magicien cypriote qui fut rendu aveugle par l'apôtre Paul et qui s'appelait Elymas (grec Ἔλυμας) ou Bar Yésous (Fils de Jésus donc). Elymas et Atomos n'ont guère de rapports a priori. Mais Elymas est le nom que lui donne la tradition manuscrite majoritaire, il y a néanmoins une variante qui est donnée par le Codex Bezæ qui l'appelle Étoimas (grec Ἐτοίμας) au lieu de Élymas. Si Elymas et Atomos n'ont qu'une très vague ressemblance, Étoimas et Atomos sont déjà nettement plus proches. Le nom Atomos pourrait provenir du grec et signifierait alors «indivisible», mais c'est peu probable; il est plus simple de le faire dériver de l'araméen te'ômâ (תאומא), qui signifie «jumeau» et qui a donné le prénom Thomas. L'existence du prénom Thomas n'est pas établi à cette époque et est plus probablement un surnom. Nous avons donc deux jumeaux célèbres: un appelé Jude Thomas, frère de Jésus et l'autre appelé Fils de Jésus; les coïncidences sont rarement fortuites.

Revenons au passage de Flavius Josèphe. Il suggère assez clairement que Drusilla a été victime d'un envoûtement d'amour, mais ce passage décrit une autre facette de ce magicien, c'est à cause de lui que Drusilla 
se laissa persuader de transgresser la loi de ses ancêtres et d'épouser Félix.
Là, on n'est plus dans les techniques occultes, mais bien dans la manipulation. On apprend donc par ce passage que les Romains avaient des agents chargés de convaincre les Juifs de renoncer à leurs coutumes, c'est ce que nous appelons des agents de déjudaïsation. 

Mais pourquoi les Romains voudraient déjudaïser les Juifs? Bien, pour des raisons simples, les Juifs se révoltent en permanence parce que l'occupation romaine leur semble violer la sacralité de leur territoire. Compte tenu des aspects religieux et messianistes des révoltes juives, le moyen le plus simple de calmer les Juifs est tout simplement de les déjudaïser, de les convaincre et de les manipuler afin qu'ils deviennent de fidèles sujets de Rome et qu'ils ne se préoccupent plus de leur culte. Les Romains sont en outre confrontés à un autre problème avec les Juifs, c'est que d'innombrables païens apostasient les dieux, se font circoncire et pratiquent le Judaïsme. En plus, ils prennent même les armes contre leurs anciens frères romains en faveur de l'indépendance de la Judée. Plusieurs sénateurs sont Juifs ou plutôt sont des convertis et même un consul, Flavius Clemens, consul de 82 à 96, assassiné par son oncle l'empereur Domitien à cause justement de sa conversion. Le Judaïsme faisait peur, les sénateurs païens voyaient avec angoisse un nombre toujours plus important de Romains se convertir; ils redoutaient que bientôt le Temple de Jupiter Capitolin ne soit transformé en Temple succursale de celui de Jérusalem et l'Empire romain devienne l'Empire Juif, et que leurs petits enfants soient forcés de se faire circoncire. 

Sans pouvoir entrer dans les détails sur le mystérieux Simon le Magicien, nous pouvons dire qu'il fut lui aussi très probablement un personnage de ce genre (un agent de déjudaïsation); d'ailleurs largement protégé par les légions romaines. 

Rappelons l'information fondamentale: les Romains utilisent des magiciens pour convaincre les Juifs d'apostasier. 

Quant on lit les évangiles, on est toujours surpris des contradictions dans les paroles de Jésus. 
Dans Matthieu 5, 17–21, nous lisons:
Celui donc qui supprimera l’un de ces plus petits commandements, et qui enseignera aux hommes à faire de même, sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux; mais celui qui les observera, et qui enseignera à les observer, celui-là sera appelé grand dans le royaume des cieux. Car, je vous le dis, si votre justice ne surpasse celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux.
Vous lisez bien, Jésus trouve très bien que l'on supprime des commandements mineurs, et trouve très bien qu'on enseigne à supprimer des commandements mineurs, et on entrera quand même dans le royaume des cieux. Mais la conclusion montre que le passage a été trafiqué, puisque la justice de ceux qui suivent doit dépasser celle des pharisiens qui mettent un point d'honneur à appliquer tous les commandements y compris les commandements mineurs. L'original devait plutôt ressembler à ceci:
Doivent être accomplis tous les commandements, du plus petit au plus grand et qui les observera  avec exactitude entrera au royaume des cieux.
Quant au reproche que Jésus fait aux pharisiens, il concernait plutôt les traditions orales des pharisiens, en effet dans la première partie de la discussion sur le lavement des mains, Jésus se montre parfaitement scripturaliste, et reproche aux pharisiens d'avoir des traditions orales qui contredisent la lettre de l'écriture. Jésus est donc ce que nous appellerions un radical.

Les interprétations de la Loi chez Jésus sont paradoxales, certains passages le classeraient en plus dur que Shammay (le plus rigoureux des rabbins du Talmud), alors que dans d'autres il se montre infiniment plus souple qu'Hillel, le plus souple des rabbins du Talmud.

Nous pouvons parfaitement admettre que pour Jésus le judaïsme devait être aboli, mais alors pourquoi est-il si Juif dans d'innombrables passages; nous pouvons aussi bien admettre que Jésus était un radical, mais alors pourquoi est-il si paganisant dans d'autres innombrables passages! Un des deux est forcément un intrus, car s'il est l'un il ne sait être l'autre. 

Personnellement nous pensons que le Jésus de l'histoire fut bien un radical... Mais que les agents romains de déjudaïsation ont fait des faux à son propos, et que des confusions se sont installées dans les communautés chrétiennes. Les rédacteurs des évangiles vers 130–140 ne sachant absolument pas distinguer ce qui était authentique de ce qui était falsifié ont fait une sorte de moyenne entre un Jésus déjudaïsé et un Jésus Juif. La plupart des chrétiens faute de mieux ont accepté les textes. 

Les seuls à s'insurger seront 
  • Symmaque qui défendait l'idée que Jésus était un ébyonite, c'est-à-dire un pauvre, un Juif radical, et que le christianisme ne croyait pas en Jésus mais était un judaïsme de type essénien. 
  • Tatien qui défendait l'idée que Jésus était un symbole du Logos, et qu'il ne fallait pas s'attacher à sa personne
  • Marcion qui défendait l'idée que Jésus n'avait rien à voir avec le judaïsme. 
Ces trois personnages furent sans doute les plus sincères. Ils ont dû disposer d'évangiles antérieurs aux nôtres: 
  • Symmaque a eu accès à un évangile primitif juif qui ne contenait probablement pas de miracles, mais seulement des paroles de Jésus et des responsa de Jésus dans ses disputes avec les pharisiens.
  • Tatien a eu accès à un évangile primitif du Logos, entièrement spirituel dont l'Évangile de Jean a conservé le plus de traces, comme: Mais l’heure vient, et elle est déjà venue, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité; car ce sont là les adorateurs que le Père demande. Dieu est Esprit, et il faut que ceux qui l’adorent l’adorent en esprit et en vérité. [Jean 4, 23–24.]
  • Marcion a eu accès à un évangile primitif où Jésus rompt complètement avec le judaïsme et accuse le Dieu de le Bible d'être non le Dieu Universel, mais le Démiurge. Il prétendait qu'il lisait dans son évangiles que Jésus avais dit qu'il était venu abolir la Loi.
Aujourd'hui, peut-être est-il temps de faire un choix et d'avoir un véritable regard critique sur les évangiles. Or, trop de passages manquent de clarté, car on y trouve tout et son contraire; 
  • soit il faut admettre que Jésus a dit tout ce qu'il a dit et alors il est un cas typique de bipolarisme, ce que nous ne croyons pas; 
  • soit il y eut deux Jésus, un qui serait un sorcier et agent de déjudaïsation appointé par les Romains, et l'autre qui serait un radical et que les deux personnages se sont confondus (l'esprit critique est loin d'être la vertu de l'Antiquité); 
  • soit le personnage original est bien un radical; mais devant le nombre de non-Juifs qui le suivaient les agents de déjudaïsations firent de faux textes qui embrouillèrent les chrétiens. 
  • soit le personnage original est bien un sorcier; et les judaïsants, voyant son succès tentèrent d'y introduire des éléments Juifs, afin que les chrétiens ne s'éloignent pas trop de la Bible.

— Stephan HOEBEECK

3 commentaires:

  1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

    RépondreSupprimer
  2. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

    RépondreSupprimer
  3. Très intéressant, je crois que vous êtes très proche de la vérité, parmi les hypothèses présentées, la plus vraisemblable a mes yeux est celle qui postule l'existence de deux Jésus/Sauveurs, l'un réformiste radical de la thora, un anti-clérical (il serait ou un rabbi thérapeute ou magicien) et l'autre nationaliste zélote anti-romain crucifié la tête en haut comme un brigand Jésus Bar-abbas (Mathieu 27/16 TOB) . Je trouve vos postes hyper intéressants, j'ai également lu votre tome1 sur Jésus et j'attends le tome 2. Je ne suis pas surpris devant l'absence de réaction et commentaires sur votre blog, ça demande un certain niveau, les majorité des gens n'arrivent pas à suivre par ces temps qui courent. Donc je me permets de vous suggérer de créer un site qui permis une vision plus globale et mieux articulée que le fonctionnement d'un blog qui bien entendu garde tout son intérêt.

    Question : que penser de l'existence de l'apôtre (autoproclamé) Saul/Paul d'un point de vue historique ?

    J'ai trouvé bcp de similitudes entre sa biographie et celle de Simon le magicien(même voyages, réception d'une révélation lors d'une vision, atteinte visuelle, proclamation d'un évangile à part), il y a une exception, celle que vous avez cité plus haut où Paul aurait rendu aveugle le magicien, moi je pense qu'il faut remplacer dans le passage en question Paul par Pierre qui suivait l'apôtre Paul dans tous ses déplacements, je pense que l'interpolation à été faite justement pour éviter qu'on identifie Paul à Simon, qu'en pensez-vous ?
    Au plaisir
    Fraternellement

    RépondreSupprimer