mercredi 9 mars 2016

La datation du Discours eschatologique et quand viendra le Fils de l'Homme: réponse à David Vincent

En parcourant le site de David Vincent, chrétien évangélique, je suis tombé sur deux articles:

Avant de discuter ces deux articles, je tiens à préciser que je ne crois pas à l'ancienneté des évangiles tels qu'ils nous sont parvenus, les versions actuelles datent des années 135–145. Cela ne signifie pas que les évangiles ont été composés ex nihilo en 135–145, mais que ces textes ont été copiés, écrits, réécrits, pendant une centaine d'année. Certains passages sont donc anciens et d'autres non. Prenons la Parabole des ouvriers de la onzième heure, ce texte fait aussi allusion à des événements rapportés par Flavius Josèphe et qui se sont déroulés en 63. En ces jours-là, la Judée traversait une très dure crise économique et afin de calmer les revendications sociales et, par incidence, les risques de révoltes contre Rome, Hérode Agrippa II payait les ouvriers par journée sans tenir compte du nombre d’heures qu’ils avaient réellement presté. Ceci est rapporté par Flavius Josèphe:
Il [Hérode Agrippa II] ne voulait pas épargner l’argent par crainte des Romains, mais, se préoccupant des ouvriers, voulait dépenser pour eux le trésor: en effet, si un ouvrier avait travaillé, ne fût-ce qu’une heure dans sa journée, il était immédiatement payé pour elle. [Antiquités Juives, livre XX, 219–220.]
Difficile d’imaginer que la parabole ait été rédigée avant l’événement auquel elle fait allusion; elle doit même être très postérieure, et ne peut avoir été dite par Jésus.
Bien d'autres anachronismes émaillent le NT.

Après avoir mentionné plusieurs passages qui dit que la fin est proche, David Vincent conclut ainsi son premier, celle-ci est sans appel:
  • Soit la « fin des temps » correspond à la fin du monde, comme beaucoup de nos contemporains le pensent, et dans ce cas là les auteurs du Nouveau Testament se sont trompés.
  • Soit la « fin des temps » ne correspond pas à la fin du monde et cette fin des temps s’est bien accomplie comme ils l’avaient prédite.
C’est cette deuxième hypothèse que je développerai dans le prochain article, en expliquant que la fin des temps correspond en réalité à la fin de l’Ancienne Alliance.
Dans un premier temps, je m'étais contenté d'estimer qu'il s'agissait d'une fausse prophétie, tout en me demandant, pourquoi, ils ne l'ont pas supprimée ou révisée
David Vincent cite Matthieu dans son article:
De même, quand vous verrez toutes ces choses, sachez que le Fils de l’homme est proche, à la porte. Je vous le dis en vérité, cette génération ne passera point, que tout cela n’arrive. [Matthieu 24, 33–34.]
Ce passage est identique chez Marc, et légèrement différent chez Luc qui a royaume de Dieu au lieu de Fils de l'Homme.
Il cite encore Matthieu qui dit
Quand on vous persécutera dans une ville, fuyez dans une autre. Je vous le dis en vérité, vous n’aurez pas achevé de parcourir les villes d’Israël que le Fils de l’homme sera venu. [Matthieu 10, 23.]
Ce passage n'a pas de parallèles en Marc ou en Luc.
Il dit qu'une génération fait quarante ans (discutable), et que cette date et les événements que Jésus a précédemment annoncé dans l'ensemble du Discours eschatologiques correspondent à la destruction du Temple.
Dans l'article suivant il dit cite Matthieu:
Comme Jésus s’en allait, au sortir du temple, ses disciples s’approchèrent pour lui en faire remarquer les constructions.  Mais il leur dit: Voyez-vous tout cela? Je vous le dis en vérité, il ne restera pas ici pierre sur pierre qui ne soit renversée. Il s’assit sur la montagne des oliviers. Et les disciples vinrent en particulier lui faire cette question: Dis-nous, quand cela arrivera-t-il, et quel sera le signe de ton avènement et de la fin du monde? Matthieu 24, 1–3
Il dit ensuite
Il est intéressant de noter que dans leur question, les disciples lient trois évènements:
  • la destruction du Temple (que vient d’annoncer Jésus)
  • l’avènement de Christ
  • la fin du monde
Cela n’est pas un hasard et traduit en réalité leur vision de la fin des temps, que l’on retrouve dans la question qu’ils posent à Jésus juste après sa résurrection: Alors les apôtres réunis lui demandèrent: Seigneur, est-ce en ce temps que tu rétabliras le royaume d’Israël?  [Actes des apôtres 1, 6.] Dans la perspective judéenne, la fin des temps ne représente pas la destruction du monde, mais le rétablissement du Royaume d’Israël.
Dans une question, il répond enfin:
En fait contrairement à ce qu'attendaient les disciples, le Royaume d'Israël n'est pas un royaume terrestre. La destruction du temple physique permet de laisser toute la place au temple spirituel.
Nous nous insurgeons contre cette dernière interprétation: le Royaume d'Israël est un royaume terrestre et céleste. Quant au Temple, c'est vrai qu'il est à un temple terrestre et un temple spirituel; mais on peut comprendre ce dernier de deux manières:
  • soit en suivant les épître pauliennes qui estiment que le temple spirituel, c'est l'homme lui-même (en cela, il se rapproche plutôt de l'hermétisme qui s'intéresse à l'expérience spirituelle personnelle, plutôt qu'aux cultes terrestre et céleste);
  • soit en suivant l'Apocalypse, les textes de Qumran, Philon, et ce que l'on appellera la «littérature des Palais», qui estiment que le Temple est réel, mais qu'il existe dans les mondes angéliques. 

Venons-en à notre critique
Plusieurs passages du Discours eschatologique nous semblent se rapporter non pas aux événements qui se sont produits pendant la première guerre judéo-romaine de 66–70, mais aux événements qui se sont déroulés pendant la seconde guerre judéo-romaine de 132–135.
Il est admis aujourd'hui que le Temple ne fut probablement pas complètement détruit à l'époque de Titus et que, même à ciel ouvert, un certain culte a continué (Nodet, etc. Flavius Josèphe dit en ruine, ce qui n'implique pas une destruction complète, et incendié, ce qui compte tenu de sa structure en pierre ne doit pas être énorme; en 7, 1, FJ dit bien que Titus ordonna de détruire le Temple, mais on ignore le degré d'application de cet ordre.) Et même si cela avait été le cas, une tente suffit pour faire fonctionner le Temple, c'est l'endroit qui importe.

En Matthieu 10, 17–18:
Mettez-vous en garde contre les hommes; car ils vous livreront aux tribunaux, et ils vous battront de verges dans leurs synagogues; vous serez menés, à cause de moi, devant des gouverneurs et devant des rois, pour servir de témoignage à eux et aux païens.
Nous sommes pas au courant d'une persécution des chrétiens pendant la première guerre judéo-romaine qui semblent encore unis aux Juifs. Par contre, la persécution des chrétiens par Bar Kokheba est connue, et elle se fit, selon toute vraisemblance, par l'intermédiaire des synagogues. Les chrétiens n'étaient pas persécutés parce qu'ils étaient chrétiens, mais parce qu'ils refusaient de servir dans l'armée de Bar Kokheba contre les Romains. Quand les Romains venaient, ils les arrêtaient et les tuaient, parce qu'ils étaient des amis des Juifs. Les chrétiens étaient écartelés entre deux feux, entre le judaïsme de leurs croyances et la romanité de leurs origines.

Dans Matthieu 24, 4–5, nous lisons:
Jésus leur répondit: «Prenez garde que personne ne vous séduise. Car plusieurs viendront sous mon nom, disant: “C’est moi qui suis le Christ.” Et ils séduiront beaucoup de gens.» 
Or ce passage fait clairement allusion à quelqu'un qui s'est proclamé Messie, il n'y en a qu'un c'est Simon Bar Kokheba, le chef de la révolte juive de 132–135.

En Matthieu 24, 15, nous lisons:
C’est pourquoi, lorsque vous verrez l’abomination de la désolation, dont a parlé le prophète Daniel, établie en lieu saint.
Ensuite, nous lisons des mentions qu'il faut fuir, etc.
Ce passage ne sait pas se rapporter à la première guerre judéo-romaine, parce qu'elle finit avec la destruction du Temple, la Judée a été ravagée en 66–68. Il ne peut alors se rapporter qu'à la seconde guerre judéo-romaine qui commencera après que l'empereur Hadrien eut décidé de construire un Temple de Zeus sur l'emplacement de l'ancien Temple (ce qui correspond à l'abomination de la désolation).
C'EST CETTE DÉCISION DE L'EMPEREUR HADRIEN QUI POUSSE SHIMEON BAR KOKHEBA À ENTRER EN REBELLION et qui va entraîner la persécution des chrétiens et la terrible répression des légions romaines.

En Matthieu 24, 21, nous lisons:
Car alors, la détresse sera si grande qu’il n’y en a point eu de pareille depuis le commencement du monde jusqu’à présent, et qu’il n’y en aura jamais. 
La seconde fut pire que la première et se solde par un quasi génocide des Juifs, femmes, enfants, bébés les légions d'Hadrien tuaient tout le monde. (Les Juifs passent de 4–5 millions en 50 à moins de 500000 en 150, leur population fut divisée par 10.

En Matthieu 24, 29, nous lisons:
Aussitôt après ces jours de détresse, le soleil s’obscurcira, la lune ne donnera plus sa lumière, les étoiles tomberont du ciel, les puissances des cieux seront ébranlées.
Rappelons-nous que bar Kokhebâ signifie «fils de l'Étoile». La mort de Bar Kokheba sonnera la fin de la révolte qui s'achève dans un massacre à Bethar.

Ce passage est suivi par Matthieu 24, 30–31 qui dit:
Alors le signe du Fils de l’homme paraîtra dans le ciel, toutes les tribus de la terre se lamenteront, et elles verront le Fils de l’homme venant sur les nuées du ciel avec puissance et une grande gloire. Il enverra ses anges avec la trompette retentissante, et ils rassembleront ses élus des quatre vents, depuis une extrémité des cieux jusqu’à l’autre.
Ce dernier passage devient extrêmement problématique, parce qu'après la chute de Bethar, comme après la destruction du Temple, le fils de l'Homme n'est pas apparu.

Le passage que David Vincent a cité:
Quand on vous persécutera dans une ville, fuyez dans une autre. Je vous le dis en vérité, vous n’aurez pas achevé de parcourir les villes d’Israël que le Fils de l’homme sera venu. [Matthieu 10, 23.]
Si nous suivons la logique précédente, ce passage ne peut plus alors que se rapporter à l'empereur Hadrien, il s'agirait d'une vile flatterie de courtisans. Mais nous ne le pensons pas, parce que tout simplement: il faut reclassifier les textes de manières cohérentes: les dépoussiérer des ajouts relatifs aux deux guerres judéo-romaines. Il faut encore les confronter à Isaïe, Daniel, Jérémie, les Apocalypses anciennes, et nous faisons émerger un texte cohérent.
Les originaux, après la description des événements, devaient contenir quelque chose comme ceci:
...Alors, le Fils de l’Homme traversera les nuées
Et viendra du ciel en puissance et en gloire.
Nul n’en sait l’heure, ni les anges des cieux,
Ni le Fils de l’Homme lui-même, mais le Père seul.
Quand les branches du figuier deviennent tendre
Et que poussent ses feuilles, vous savez que l’été est proche
Jérusalem sera foulée aux pieds par les nations
Jusqu’à ce que les jours des nations soient révolus
Et quand ceux qui furent dispersés aux quatre vents
Seront ressemblés des extrémités de la terre.
C’est la génération qui verra ces choses arriver
Alors le jour du Fils de l’Homme sera proche
Les originaux contenaient bien une explication de la fin des temps, mais quand les chrétiens publièrent leurs évangiles dans les années 140, ils croyaient en l'imminence de la parousie parce que justement, la seconde guerre judéo-romaine leur semblait correspondre à cela. Alors que dans les originaux, Jésus faisait allusion à des événements très lointains.
Dans la prophétie originale, Jérusalem devient indépendantes, et quand s'y rassembleront les Juifs, alors la venue du Fils de l'Homme sera imminente. Nous sommes dans du judaïsme traditionnel.


SUR LA RUPTURE DES JUIFS ET DES CHRÉTIENS
On comprend mieux les positions de certains rabbins, donc celle de Rabban Gamaliel II (qui meurt en 140), frappés eux aussi par Bar Kokhebâ, de rompre avec les chrétiens qui manquent de solidarité avec le peuple juif; les chrétiens de l'époque sont donc encore des judaïsants, ils n'ont pas aidé leurs frères juifs lors de la révolte des communautés (115–118) et ne les ont pas plus aidé lors de la seconde guerre judéo-romaine (132–135). Rappelons que Rabban Gamaliel II est l'auteur de la sentence suivante, qui sert peut-être de justification à son rejet des chrétiens, quand il dit:
Quiconque a pitié des autres, le Ciel aura pitié de lui; quiconque n'a pas de pitié pour les autres, le Ciel n'aura pas de pitié pour lui.
La décision de Rabban Gamaliel II est catastrophique: tant qu'ils étaient considérés comme judaïsants, ils n'avaient pas de problèmes avec Rome (le Judaïsme était reconnu par l'État romain), mais cette rupture est une terrible; parce que justement, ils ne peuvent plus prétendre à l'appartenance à une religion traditionnelle, ils doivent donc suivre le culte impérial ou subir la mort. Par exemple, dans l'Apologie d'Aristide qui date de 125–135 et qui est dédicacée à l'empereur Hadrien, l'auteur présente les chrétiens comme un peuple comparable aux Chaldéens, aux Égyptiens, aux Grecs, aux Romains et aux Juifs.

Les évangiles ont donc été rédigés afin de gagner les faveurs d'Hadrien: renonciation à la circoncision (qu'Hadrien a interdite), abandon du sabbat, abandon de la Torah ET DONC RECONNAISSANCE PLEINE ET ENTIÈRE DE LA VALIDITÉ DU DROIT ROMAIN, leur volonté de charger les Juifs de la mort de Jésus sont donc autant de textes composés dans l'espoir d'obtenir des faveurs d'Hadrien. Comment leur demande fut-elle accueillie par l'empereur Hadrien, certainement très mal; en effet, l'Apologie d'Aristide contient des attaques frontales contre l'homosexualité, les épîtres de Paul aussi, or Hadrien était un pédophile notoire (Antinous devint son amant alors qu'il n'avait que dix ans); d'Hadrien auquel nul vice ne semblait étranger: pervers, génocidaire, nous ne pouvons dire qu'une chose, la même que dit le Talmud à son propos: Que ses os soient broyés!

Chaque jour qui passe, je suis plus convaincu que les textes chrétiens tels qui nous sont parvenus, avaient comme but de trouver un compromis avec l'Empire romain. Les croyances des chrétiens anciens ne peuvent alors se découvrir qu'entre les lignes de ces textes et ce que l'on y trouve se résume avec quatre mots: Essénisme, Philon (doctrine du Logos), hermétisme (on peut comparer de nombreux passages des épîtres de paul ou de l'évangile de Jean aux textes hermétiques), Hanokh (doctrine du Fils de l'Homme).

LES ÉVANGILES SONT UN MIDRASH, ILS DISENT NON LA CHOSE (PAROLE), MAIS À QUOI LA CHOSE RESSEMBLE.



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