mardi 1 mars 2016

Qui est Nicodème?

Nicodème est mentionné plusieurs fois dans l’Évangile de Jean. Dans le chapitre VIII (45–53), nous lisons:
Ainsi les huissiers retournèrent vers les principaux sacrificateurs et les pharisiens. Et ceux-ci leur dirent: «Pourquoi ne l’avez-vous pas amené?» Les huissiers répondirent: «Jamais homme n’a parlé comme cet homme.» Les pharisiens leur répliquèrent: «Est-ce que vous aussi, vous avez été séduits? Y a-t-il quelqu’un des chefs ou des pharisiens qui ait cru en lui? Mais cette foule qui ne connaît pas la loi, ce sont des maudits!» Nicodème, qui était venu de nuit vers Jésus, et qui était l’un d’entre eux, leur dit: «Notre loi condamne-t-elle un homme avant qu’on l’entende et qu’on sache ce qu’il a fait?» Ils lui répondirent: «Es-tu aussi Galiléen? Examine, et tu verras que de la Galilée il ne sort point de prophète.» Et chacun s’en retourna dans sa maison.
Nicodème est donc un pharisien qui soutient Jésus, ce qui est bien étonnant, puisque dans le chapitre III de cet évangile, Nicodème parle avec Jésus et ne semble pas avoir la moindre idée de ce qu’est la résurrection, ce qu'il est censé savoir s'il est bien un pharisien (Notons cela).
Nicodème est encore mentionné, toujours dans l’Évangile de Jean comme aidant Joseph d’Arimathie à ensevelir Jésus:
Après cela, Joseph d’Arimathée, qui était disciple de Jésus, mais en secret par crainte des Juifs, demanda à Pilate la permission de prendre le corps de Jésus. Et Pilate le permit. Il vint donc, et prit le corps de Jésus. Nicodème, qui auparavant était allé de nuit vers Jésus, vint aussi, apportant un mélange d’environ cent livres de myrrhe et d’aloès. Ils prirent donc le corps de Jésus, et l’enveloppèrent de bandes, avec les aromates, comme c’est la coutume d’ensevelir chez les Juifs. Or, il y avait un jardin dans le lieu où Jésus avait été crucifié, et dans le jardin un sépulcre neuf, où personne encore n’avait été mis. Ce fut là qu’ils déposèrent Jésus, à cause de la préparation des Juifs, parce que le sépulcre était proche.
La participation de Nicodème n’est pas mentionnée dans les Synoptiques, seulement chez Jean.

Or Nicodème est connu par plusieurs autres sources directes et indirectes: Flavius Josèphe et le Talmud.
Ces deux sources mentionnent qu’il était très riche et aucune d’entre elles n’en fait un rabbin, quoi qu’une tradition talmudique rapporte que Dieu empêcha le soleil de se coucher afin qu’il ne doive pas payer des intérêts sur une somme empruntée qu’il devait rembourser avant le coucher du soleil. 
Premier problème, ces deux sources mentionnent Nicodème comme ayant vécu à Jérusalem pendant son siège, c’est-à-dire qu’il était toujours en vie en 69–70… Donc 40 ans après la mort de Jésus.
Pendant cette guerre, il convainquit Simon Bargiorna de s’opposer à Jean de Gishchala; et dans les combats ses entrepôts de grains furent détruits condamnant Jérusalem à la famine. Ce que Flavius Josèphe mentionne sans pour autant citer Nicodème, puisqu'il dit:
Tandis que les ennemis de la cité se divisaient ainsi en trois partis, celui d'Éléazar, gardant les prémices sacrées, dirigeait sa fureur ivre contre Jean; les compagnons de celui-ci pillaient les citoyens et étaient furieux contre Simon: ce dernier usait des subsistances de la ville contre les autres factieux. Quand il était attaqué des deux côtés, Jean se défendait sur l'un et l'autre front: il repoussait ceux qui montaient de la ville en les accablant de traits du haut des portiques, tandis qu'il maltraitait avec ses machines ceux qui lançaient leurs javelots du haut du Temple. Était-il délivré des adversaires qui le pressaient d'en haut, quand la fatigue et l'ivresse mettaient fin à leur action — et le cas était fréquent — il s'élançait avec plus de sécurité, entraînant un plus grand nombre d'hommes contre les partisans de Simon. Chaque fois qu'il les chassait d'un quartier de la ville, il brûlait les maisons remplies de blé et d'approvisionnements divers. Dés qu'il se retirait, Simon l'attaquait à son tour et faisait de même: on eût dit que ces chefs détruisaient à dessein, dans l'intérêt des Romains, les ressources que la cité avait préparées en vue d'un siège et coupaient les nerfs de leur propre force. Ainsi tous les environs du Temple furent incendiés, et cette dévastation fit de la ville comme un champ de bataille pour la guerre civile. Presque tout le blé fut la proie des flammes; il eût suffit à un siège de plusieurs années. Ce fut donc la famine qui perdit les Juifs: il n'aurait pu en être ainsi s'ils n'avaient préparé eux-mêmes ce malheur. [Guerre, Livre V, chapitre Premier, §4.]

Rappelons encore que le Tombeau des Rois à Jérusalem était aussi appelé le Tombeau de Nicodème, on sait aujourd'hui qu'il abritait les dépouilles de la reine Hélène et d'autres membres de la famille royale d'Adiabène. 
Flavius Josèphe ne mentionne pas Nicodème dans cette affaire car, probablement veut-il le couvrir de la vengeance des Romains. Il mentionne par contre un Gorion fils de Nicodème et aussi un Joseph fils de Gorion qui fut dictateur de Jérusalem et sur lequel, excepté son nom, il ne dit pas grand chose. 

Pour identifier Nicodème, la Talmud nous donne une autre clé, puisqu'il dit que Nicodème, qu'il appelle Naqdîmôn ben-Gûryôn (hébreu: נקדימון בן-גוריון), s'appelait aussi Bûnî (בוני). 
Ce Bûnî, disciple de Jésus, est dit avoir été exécuté par le Sanhédrin, avec quatre autres disciples de Jésus: Mattay (allusion à Flavius Josèphe? ou à Matthieu), Naqi (c'est probablement Nicodème), Netzer (soit il s'agit d'une faute pour Égypte, donc un égyptien, soit netzer au sens de «rejeton», soit une allusion aux notzerîm qui étaient des non-Juifs qui défendaient la Judée), et Todah (probablement le faux prophète exécuté par les Romains). 
Or, on ne voit pas trop qui peut avoir été ce disciple de Jésus, appelé Bônî. Certains pensent qu'il s'agit de Jean fils de Zébédée, un des apôtres; mais, ce n'est assurément pas ce dernier.

La première recherche à faire est évidemment de rechercher un nom en BN dans les évangiles ou dans les œuvres de Flavius Josèphe. Or cette forme nominale existe bien chez Flavius Josèphe, il s'agit du nom de son propre maître Bannous (BN) qu'il suivit pendant 3 ans. 

Bannous a vu son nom effacé par une mauvaise traduction des textes araméens qui serviront à rédiger les évangiles:
Produisez donc (un/des) fruit(s) digne(s) de la conversion, et ne (vous avisez/ commencez) pas à dire en vous-mêmes : “Nous avons Abraham pour père !” Car je vous déclare que de ces pierres (araméen: abnayyâ) Dieu peut susciter des fils à Abraham. 
Pourquoi des pierres? La réponse est fort simple: le mot abnayyâ (araméen אבניא abnya) est proche de la forme araméenne la plus vraisemblable du nom de Bannous (בניא Bannayâ, attestée dans le Talmud, nom d'un rabbin du IIe siècle). Soit il y eut un aleph omis, par négligence, soit le traducteur qui, confronté au mot bannayâ aura pensé à une faute ou abréviation de âbnayyâ et aura traduit ce mot en « ces pierres », sans trop comprendre ou s’interroger sur le sens de sa traduction, d’autant plus que le nom de Bannous/Bannayâ pouvait lui être inconnu.

En hébreu, un converti se dit un ger. Remarquons que Naqdimon est dit fils de Gorion, mais ne faudrait-il pas y voir une confusion avec fils du Ger, donc fils du prosélyte. 
Naqdimon est aussi appelé Buni (Bannous donc) et est dit fils de Gorion (ce qui peut être une faute pour ger, fils du converti donc, cela peut aussi être une faute pour gûr, le lionceau).
Le nom réel de Nicodème devait probablement être Naqdîmôn ben Bannayâ-Gèr. En hébreu, la similitude de «Fils de» et de Bannous, donc Ben/Bannayâ aura fait croire à une erreur. Comme Naqdîmon ben Ger ne veut rien dire, en effet le prosélyte a forcément un nom; les rabbin auront cru à une erreur pour Gûryôn, prénom étranger à la Bible, mais ils auront fait la rapport avec gûr, lionceau; de plus, ils pouvaient connaître sous la forme de Gorion ben Nicodème mentionné par Flavius Josèphe. 

Les origines de Bannous restent très difficiles à déterminer, mais on ne peut exclure qu'il appartint à la famille royale des Monobaze d'Adiabène dont tous les descendants se sont convertis au judaïsme dans les années 20 ou 30. 




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